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question dont la solution ne souffre plus difficulté depuis nombre d'années ni au Palais, ni même dans les écoles.

Le seul point que nous devons discuter avec quelque étendue, parce qu'il soulève des difficultés assez délicates, est donc celui de savoir à quelle époque remonte l'hypothèque légale de la femme pour ses créances paraphernales.

730. S'il s'agit d'abord de l'indemnité des dettes que la femme paraphernale a contractées avec son mari, et pour le compte de ce dernier, ou du prix de ses biens aliénés, il nous semble naturel d'appliquer par analogie la disposition de l'art. 2135, relative à la femme commune, c'est-à-dire de faire remonter l'hypothèque légale au jour de l'obligation ou de la vente, et non pas seulement au jour de l'acquittement de la dette par la femme, ou du payement du prix fait au mari. C'est en effet ce que Roussilhe décidait déjà autrefois pour le premier cas (1), et ce qu'ont décidé, pour le dernier, deux arrêts, l'un de la cour de Toulouse (2), l'autre de la cour de Montpellier (3).

Nous remarquerons seulement que cet arrêt de la cour de Toulouse contrarie l'arrêt de la même cour précédemment cité (4), d'après lequel l'art. 1450, qui rend le mari responsable du prix des propres par cela seul qu'il a autorisé la vente, ne s'appliquerait pas au prix des paraphernaux. Il est sensible en effet que lorsque le prix des paraphernaux n'a été touché par le mari qu'après le contrat, on ne peut faire remonter l'hypothèque au jour même de la vente, qu'en supposant que dès ce jour le mari a contracté l'obligation de veiller au remploi.

Les autres créances paraphernales peuvent avoir pour cause, soit des sommes appartenant à la femme que le mari a touchées, soit un préjudice que le mari a causé à la femme par son fait ou par sa négligence.

31. En principe, l'hypothèque résultant de sommes paraphernales reçues par le mari ne doit prendre date que du jour où le mari les a touchées, et l'on ne saurait étendre à ces créances le bénéfice de la première disposition de l'art. 2135 qui fait remonter l'hypothèque de la dot au jour du mariage, lors même que la dot n'a été comptée que beaucoup plus tard (5). La femme

(1) T. I, no 290.

(2) Arrêt du 7 avril 1829 (aff. Durand).

(3) Arrêt du 13 décembre 1833 (aff. Vignau).

(4) V. ci-dessus, no 712.

(5) Req. rej., 4 janvier 1815 (aff. Bellon).

en effet ne peut raisonnablement réclamer pour des valeurs qu'elle administre et dont elle peut toujours empêcher le mari de toucher le montant, les mêmes sûretés que pour les sommes dotales dont l'administration repose exclusivement sur la tête du mari.

732. Mais que faut-il décider, lorsque la femme, avant la réception des deniers par le mari, avait donné mandat à ce dernier de les recevoir ? L'hypothèque doit-elle dater seulement du jour de la réception, ou remonter au jour du mandat? Nous donnons la préférence à ce dernier sentiment (1). Par l'effet de la procuration en effet, le mari a été investi par rapport à la créance paraphernale, d'un droit analogue à celui que le mariage lui confère sur la dot. A dater de ce jour, la femme n'a plus à veiller sur le remboursement de sa créance; elle se repose désormais pleinement sur la vigilance du mari, et si celui-ci par exemple ne reçoit que plus tard une somme qu'il dépendait de lui de recevoir plus tôt, il serait injuste que la femme souffrît d'un retard qui ne peut être imputé qu'au mari.

A la vérité, il peut se faire que l'intervalle écoulé entre la procuration donnée et la réception de la somme ne soit nullement imputable au mari, par la raison que la créance n'était pas encore exigible ou que les premières diligences du mari avaient été vaines. Mais il nous semble dans ce cas-là même, que la femme est censée n'avoir donné sa procuration qu'en vue des sûretés que la fortune de son mari lui offrait alors, et ce serait la traiter avec une rigueur contraire à l'économie générale du Code, que de lui imputer de n'avoir pas révoqué sa procuration dès l'instant que la fortune du mari avait souffert quelque atteinte. La révocation de la procuration en temps utile serait d'ailleurs souvent impossible, parce que la réception des deniers pourrait

(1) Conf. Roussilhe, t. I, no 153. M. Troplong, Des hypothèques, t. II, no 590, semble n'accorder dans tous les cas l'hypothèque qu'à dater de la réception des deniers; mais il s'exprime sur ce point avec trop de brièveté pour qu'on puisse attacher à sa décision l'autorité que pourrait avoir une discussion développée. A la vérité, Justinien, dans la L. Si mulier, qui est la dern'acnière au Code, De pact. conv. tam sup. dot., et que cite M. Troplong, cordait d'hypothèque légale à la femme qu'à dater de la réception des deniers paraphernaux par le mari, quoique ce dernier eût reçu pouvoir de les toucher même par le contrat de mariage; mais rien n'indique que cette restriction peu raisonnable ait été admise par les auteurs du Code; et si la L. Assiduis faisait trop pour les créances dotales, la L. Si mulier faisait trop peu pour les créances paraphernales.

suivre de si près d'autres hypothèques consenties par le mari, que la femme n'aurait pas eu le temps de l'opérer.

733. Il va sans dire toutefois que les créances paraphernales ne peuvent jamais obtenir plus de faveur que les créances dotales. Partant, si la procuration comprend les biens paraphernaux à venir, l'hypothèque néanmoins ne prendra date, à l'égard de ces biens, que du jour de l'ouverture des successions, ou du jour où les donations auront eu leur effet, conformément à la seconde disposition du n° 2 de l'art. 2135.

734. Les créances paraphernales peuvent enfin avoir pour cause un préjudice occasionné à la femme par le fait du mari ou par sa négligence, des dégradations par exemple qu'il aura commises sur un immeuble paraphernal, des réparations d'entretien qu'il aura négligé de faire sur un immeuble paraphernal dont il avait la jouissance, des prescriptions qu'il aura laissé s'accomplir au profit de débiteurs de sommes paraphernales, qu'il avait reçu mandat de poursuivre. Si le préjudice causé ne se rattache pas à un mandat donné antérieurement, ce n'est évidemment que du jour même du préjudice que l'hypothèque peut exister. Dans le cas contraire, il résulte de ce que nous avons dit dans le numéro précédent, que l'hypothèque de la femme doit remonter au jour du mandat exprès ou implicite accepté par le mari, puisqu'à dater de ce jour le mari s'est obligé tacitement envers elle à réparer tout le préjudice que l'inexécution du mandat pouvait lui

causer.

De plus amples détails sur l'hypothèque légale des créances paraphernales appartiennent plus naturellement à un traité des hypothèques, et notre sujet est trop vaste pour qu'il puisse nous prendre envie d'en reculer sans nécessité les limites.

35. Le plus souvent, les femmes mariées sous le régime dotal ont à la fois des biens dotaux et des biens paraphernaux, en sorte qu'on ne peut bien comprendre ce régime que lorsqu'on connaît les règles diverses qui régissent ces deux espèces de biens. Il est temps d'arriver à une combinaison un peu plus rare, celle d'une communauté d'acquêts, surajoutée, pour ainsi dire, au régime dotal.

SECTION XXI.

DE LA SOCIÉTÉ D'ACQUETS SOUS LE RÉGIME DOTAL.

Sommaire.

736. Origine et avantages de cette stipulation.

737. Elle ne change rien aux droits du mari sur les biens dotaux, ni même à ceux de la femme sur les paraphernaux.

738. Mais l'administration des biens acquis par la femme au moyen de ses économies paraphernales appartient au mari, à moins qu'il n'ait été stipulé dans le contrat de mariage que ces acquisitions seraient également paraphernales.

739. La veuve, après la mort du mari, jouit, dans tous les cas, des droits d'aliments et d'habitation accordés par la loi aux veuves communes durant les délais pour faire inventaire et pour délibérer.

740. Si la femme veuve ou séparée renonce à la communauté d'acquêts, ses droits sont exclusivement réglés par les règles propres au régime do

tal. Application du principe aux fruits de la dernière année, et aux droits d'aliments et d'habitation durant l'an du deuil.

741. Si, au contraire, la femme accepte, les droits respectifs des époux doivent être réglés exclusivement d'après les principes de la communauté. 742. Vis-à-vis des tiers, les règles du régime dotal paraissent applicables, même dans le cas d'acceptation.

743. Renvoi.

736. Le principal vice du régime dotal est de ne faire jamais profiter la femme de l'accroissement de fortune qui survient au mari, alors même que cet accroissement de fortune est dû aux revenus de la dot ou aux travaux de la femme.

Ce vice, pour ne pas dire cette injustice, avait déjà été senti dans l'ancienne jurisprudence. Aussi dans plusieurs contrées, à Bordeaux notamment, où souvent, comme dans le nord de la France, les femmes prenaient une part très-active au négoce de leurs maris, l'usage s'introduisit d'ajouter au régime dotal une société d'acquêts (1).

Cette combinaison heureuse, qui réunit les avantages du régime dotal et de celui de la communauté, se trouve formellement autorisée par le Code. L'art. 1581, qui termine le titre du contrat de mariage, et en particulier le chapitre du régime dotal, dispose en effet : « En se soumettant au régime dotal, les époux peuvent néanmoins stipuler une société d'acquêts, et les effets de

(1) Le tribun Duveyrier, dans son rapport au tribunat, rappelle cet usage. V. M. Locré, t. XIII, p. 395.V. aussi suprà, nos 13 et 14.

cette société sont réglés comme il est dit aux art. 1498 et 1499. » Examinons les effets de cette stipulation importante, d'abord durant le mariage, puis après sa dissolution ou après la séparation de biens.

737. Durant le mariage, la stipulation d'une société d'acquêts ne change en rien les droits du mari sur les biens dotaux, et laisse subsister notamment le principe de l'inaliénabilité et de l'imprescriptibilité de la dot.

En est-il de même des biens paraphernaux? La femme, nonobstant la société d'acquêts, en conserve-t-elle l'administration et la jouissance, ou bien, au contraire, le mari acquiert-il cette administration et cette jouissance comme chef de la communauté ? C'est dans le premier sens que la question doit être résolue (1). La société d'acquêts en effet, quand la femme est mariée sous le régime dotal, n'est ordinairement stipulée qu'en faveur de la femme, et il n'est pas juste qu'une clause établie dans son intérêt puisse tourner à son détriment. Puisque le mari d'ailleurs peut dissiper les revenus dotaux et ses revenus personnels comme bon lui semble, pourquoi la femme ne pourrait-elle pas disposer aussi à son gré de ses revenus paraphernaux? L'art. 1581, il est vrai, renvoie aux art. 1498 et 1499, mais ces articles ne supposent pas que le mari a nécessairement l'administration et la jouissance de tous les biens de sa femme. Tout au contraire, l'art. 1498 suppose que la femme peut faire des acquêts séparément, ce qui ne peut être qu'à la condition qu'elle ait la jouissance de certains biens. La femme donc, nous le répétons, conserve, nonobstant la société d'acquêts, l'administration et la jouissance de ses paraphernaux, et peut disposer de ses revenus comme bon lui semble (2).

738. Mais nous ne pensons pas qu'elle puisse réclamer aussi l'administration des biens qu'elle aurait acquis avec ses économies. Ces biens, en effet, ne sont plus des biens paraphernaux, mais des acquêts de la communauté; et partant, c'est au mari que l'administration doit en être dévolue. Rien ne s'opposerait seule

(1) Conf. M. Sériziat, p. 493, no 387.

(2) La cour de cassation vient de se prononcer dans le sens de cette doctrine; et elle a jugé par suite que la femme, après avoir laissé à son mari l'administration et la jouissance d'un bien paraphernal, tel qu'une maison habitée par le mari, peut obtenir, comme conséquence de l'administration qu'elle reprend de ses paraphernaux, que son mari soit tenu de vider les lieux et d'aller ailleurs. Req. rej., 15 juillet 1846 (aff. Dubroca).

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