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Le président peut, le cas échéant, autoriser la femme à citer le mari à bref délai devant le tribunal pour obtenir une provision alimentaire, en supposant que le mari ne lui fournisse pas en attendant les aliments nécessaires (1), ou bien encore pour obtenir de quoi suffire aux frais de la demande, en supposant que la femme n'ait pas les moyens d'avancer ces frais et que son

avoué ne veuille pas en faire l'avance.

820. La permission du président obtenue, la femme forme sa demande par exploit d'ajournement, sans préliminaire de conciliation (C. pr., art. 49, no 7). Il est à propos de donner avec l'ajournement copie de l'ordonnance du président, mais ce n'est pas indispensable, car la loi ne l'exige point.

La femme doit nécessairement se pourvoir devant le tribunal du domicile du mari. Tout autre tribunal est incompétent, et l'incompétence peut être opposée par les créanciers du mari, nonobstant l'acquiescement de celui-ci (2). Les formalités prescrites par la loi pour la publicité des demandes en séparation de biens manqueraient leur but, si elles pouvaient être accomplies valablement dans un tribunal autre que celui du domicile des époux ; les créanciers les plus vigilants seraient ainsi trop facilement trompés.

S21. Dès que la demande a été formée, l'avoué de la femme doit la faire publier de la manière indiquée par les art. 866, 867 et 868 du Code de procédure, dont il convient d'expliquer en détail les dispositions. «Le greffier du tribunal, porte l'art. 866, inscrira sans délai, dans un tableau placé à cet effet dans l'auditoire, un extrait de la demande en séparation, lequel contiendra: 1o la date de la demande ; 2o les noms, prénoms, profession et demeure des époux; 3o les nom et demeure de l'avoué constitué, qui sera tenu de remettre à cet effet ledit extrait au greffier, dans les trois jours de la demande. >>

Quand il n'existe pas dans l'auditoire du tribunal un cadre ou un tableau matériel pour l'insertion des extraits des demandes et des jugements de séparation de biens, il suffit, pour que le vœu de la loi soit rempli, que ces extraits soient affichés dans un lieu de la salle d'audience destiné à cet usage (3); mais il ne suffirait pas

(1) Nous pensons en effet avec M. Chauveau sur Carré, quest. 2932 ter, que Ia femme demanderesse en séparation de biens n'a pas droit, en thèse générale, à une pension alimentaire, puisqu'elle doit continuer d'habiter la maison conjugale.

(2) Conf. Civ. cass., 18 novembre 1835 (aff. Bochard).

(3) Turin, 4 janvier 1811 (aff. Demarchi).

d'afficher l'extrait à la porte extérieure de l'auditoire, où il serait trop facile de l'enlever d'ailleurs, l'usage ne justifierait pas un mode de procéder aussi contraire au but de la loi (1).

$22. « Pareil extrait, continue l'art. 867, sera inséré dans les tableaux placés, à cet effet, dans l'auditoire du tribunal de commerce, dans les chambres d'avoués de première instance et dans celles de notaires, le tout dans les lieux où il y en a; lesdites insertions seront certifiées par les greffiers et par les secrétaires des chambres. » La loi ne dit pas dans quel délai doivent être faites ces autres insertions; mais il est naturel de penser qu'elles doivent, comme la première, être faites dans les trois jours de la demande, à moins que le tribunal de commerce ne siége dans un autre lieu, auquel cas il conviendrait d'ajouter le délai supplémentaire des distances (2).

Ces mots de l'article, le tout dans les lieux où il y en a, pourraient, du reste, donner à penser que l'insertion au tribunal de commerce n'est pas indispensable quand ce tribunal siége dans un autre lieu que le tribunal civil, et pareillement que l'on peut se dispenser de faire afficher la demande dans les chambres des avoués et des notaires, quand le mari n'est pas domicilié dans la commune où se trouvent ces chambres. Mais cette interprétation serait erronée, et, comme on le verra sur l'art. 872, l'impossibilité seule, résultant de ce qu'il n'y aurait pas de tribunal de commerce dans le ressort, ou de ce que la chambre des notaires ou des avoués de l'arrondissement n'aurait aucun local pour se réunir, peut dispenser de faire les insertions indiquées par l'art. 867.

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823. « Le même extrait, porte enfin l'art. 868, sera inséré, à la poursuite de la femme, dans l'un des journaux qui s'impriment dans le lieu où siége le tribunal; et s'il n'y en a pas, dans l'un de ceux établis dans le département, s'il y en a. Ladite insertion sera justifiée ainsi qu'il est dit au titre de la saisie immobilière, art. 683. » Le renvoi à l'art. 683 est devenu inexact depuis la loi du 2 juin 1841, qui a modifié les anciens articles du Code de procédure relatifs à la saisie immobilière. Il faut se référer aujourd'hui aux art. 696 et 698 (3), et, aux termes du premier de ces articles, l'insertion, pour la validité de la poursuite, ne peut plus être faite que dans un des journaux désignés par la cour royale pour recevoir les annonces judiciaires.

(1) Contr. MM. Carré et Chauveau, quest. 2935.
(2) Conf. M. Bioche, vo Séparation de biens, no 19.

(3) Conf. M. Chauveau sur Carré, quest. 2936.

L'avoué, pour éviter tout reproche de négligence, doit faire en sorte que l'insertion soit faite dans le premier numéro qui suit les trois jours de la demande.

824. Pour justifier des affiches et des insertions, l'avoué garde simplement un exemplaire de l'extrait, au bas duquel les greffiers des tribunaux civil et de commerce et les secrétaires des chambres des avoués et des notaires déclarent avoir reçu un exemplaire semblable pour l'afficher dans l'auditoire ou dans le lieu des réunions de la chambre. Tout procès-verbal de dépôt est inutile, et ne devrait pas passer en taxe (1). Quant à l'insertion au journal, elle est justifiée par un exemplaire de la feuille portant la signature de l'imprimeur, légalisée par le maire (art. 696).

L'art. 92 du tarif passe un seul droit à l'avoué pour la rédaction et la remise de ces extraits.

825. Ces formalités remplies, la femme ne peut pas encore poursuivre sur-le-champ le jugement de sa demande. La loi veut qu'il s'écoule un intervalle assez long pour que les créanciers du mari aient le temps d'être instruits de la demande, et de se présenter, s'ils le jugent convenable. L'art. 869 dispose donc : « Il ne pourra être, sauf les actes conservatoires, prononcé, sur la demande en séparation, aucun jugement qu'un mois après l'observation des formalités ci-dessus prescrites, et qui seront observées à peine de nullité, laquelle pourra être opposée par le mari ou par ses créanciers. >>

$26. Le législateur, on le voit, ne prescrit l'intervalle d'un mois que pour l'examen de la demande au fond : il n'étend pas cette règle aux actes conservatoires. La femme peut donc requérir immédiatement toutes les mesures conservatoires qu'elle juge convenables, et le tribunal peut les ordonner toutes les fois qu'il les estime nécessaires. Il peut, par exemple, ordonner le versement de certaines sommes à la caisse des consignations (2), nommer un séquestre (3), autoriser des saisies-arrêts (4) ou l'apposition des scellés sur les effets mobiliers de la communauté, etc. Mais nous ne pouvons admettre, avec M. Chauveau

(1) Conf. MM. Demiau-Crousilhac, p. 344; Carré, quest. 2936. V. aussi une décision ministérielle du 19 octobre 1828.

(2) Conf. arrêt de Metz du 23 juin 1819 (aff. Defaux). V. encore M. A. Dalloz, ▾ Séparation de biens, no 82.

(3) Un arrêt de la cour d'Angers du 27 août 1817 (aff. P............. N...........), rendu en matière de séparation, paraît contraire; mais il est à remarquer que dans l'espèce de cet arrêt rien n'indiquait que le mari administrait mal.

(4) V. M. A. Dalloz, vo Séparation de biens, nos 77 et suiv.

sur Carré (1), que le tribunal ait le droit d'ordonner ces mesures sans que le mari ait été averti. En effet, c'est un principe élémentaire en matière de procédure qu'aucun jugement ne peut être rendu sur requête non communiquée, à moins d'une disposition contraire de la loi, et nous ne voyons pas que l'art. 869 déroge en rien à ce principe tutélaire. L'urgence seule ne peut suffire pour autoriser une dérogation de cette importance.

827. Nous admettrions bien moins encore que le président du tribunal pût, de sa seule autorité, autoriser l'apposition des scellés sur les effets mobiliers de la communauté, bien qu'il eût ce droit, aux termes de l'art. 270 du Code civil, dans les demandes en divorce pour cause déterminée, et qu'il l'ait encore par analogie dans les demandes en séparation de corps. Il y a, en effet, entre la séparation de corps et la simple séparation de biens, sous le rapport qui nous occupe, une différence fort grande. La séparation de corps implique des torts graves de la part du mari envers sa femme; la séparation de biens suppose seulement des malheurs. La loi peut, dans le premier cas, présumer de la déloyauté de la part du mari; il n'y a nul motif de la supposer dans le second.

828. Quant au fond de la demande, il ne peut être l'objet ni d'un jugement définitif, ni même d'un jugement préparatoire ou interlocutoire avant l'expiration du délai fixé par l'art. 869; la loi dit, il ne pourra être rendu aucun jugement.

829. Le mois doit se compter suivant le calendrier grégorien, de quantième à quantième; mais il doit être franc, conformément au principe général posé dans l'art. 1033 (2). Il n'est susceptible d'aucune augmentation à raison de la distance plus ou moins éloignée des domiciles des créanciers du mari, puisque la femme est présumée ne pas connaître ces créanciers (3).

830. L'art. 869, on l'a vu, prononce expressément la nullité en cas d'inobservation des formalités prescrites par les articles précédents. Cette peine doit-elle s'étendre au cas où l'avoué a négligé de faire au greffe du tribunal civil la remise de l'extrait dans les trois jours de la demande, conformément à l'article 866? Pour la négative, on peut dire qu'autre chose est la

(1) Quest. 2939 bis. V. dans le même sens, arrêt de Rennes du 22 juillet 1818, cité par M. Chauveau.

(2) Conf. MM. Toullier, t. XIII, nos 52 et suiv.; Dalloz aîné, t. X, p. 334, n 32.

(3) Conf. MM. Carré, quest. 2938; Bioche, vo Séparation de biens, nos 2 et suiv.

formalité elle-même, autre chose le délai dans lequel elle doit être observée, et c'est ce qui avait porté d'abord l'un des auteurs du présent traité (1) à décider qu'il n'y avait pas nullité; mais, après de plus mûres réflexions, il croit devoir abandonner ce sentiment. Le délai dans lequel une formalité doit être observée fait naturellement partie intégrante de la formalité elle-même. « Les formalités, dit avec raison Ferrière (2), sont des conditions dont les actes doivent être revêtus pour rendre un acte parfait ou une procédure régulière. » L'art. 1445 du Code civil faisant d'ailleurs rétroagir l'effet de la séparation de biens prononcée au jour de la demande, il importe que cette demande soit portée le plus tôt possible à la connaissance du public. A la vérité, dans l'hypothèse qui nous occupe, on pourrait dire qu'en ce cas il suffirait de borner l'effet rétroactif aux trois jours qui auraient précédé l'insertion; mais ce serait substituer une règle arbitraire à la disposition générale de la loi. Dans ces limites mêmes d'ailleurs, la faculté de raviver une demande en séparation restée longtemps clandestine pourrait n'être pas sans inconvénients.

Quant aux autres insertions dont parlent les art. 867 et 869, comme la loi ne fixe, à cet égard, aucun délai, que les délais ne peuvent être fixés que par analogie, et que l'analogie ne suffit pas pour étendre une peine, nous ne pensons pas que le retard qu'elles auraient souffert dût, en aucun cas, entraîner par luimême la nullité d'une demande, dont l'affiche au greffe du tribunal civil garantit suffisamment la sincérité.

$31. La nullité, dit l'art. 869, peut être opposée par le mari ou par ses créanciers; elle ne peut donc jamais être opposée par la femme elle-même : l'équité ne permet pas que celle-ci se fasse, en aucun cas, un titre de la faute, peut-être calculée, de son représentant.

932. « Les créanciers du mari, porte l'art. 871, pourront, jusqu'au jugement définitif, sommer l'avoué de la femme, par acte d'avoué à avoué, de leur communiquer la demande en séparation et les pièces justificatives, même intervenir pour la conservation de leurs droits sans préliminaire de conciliation. » Cette intervention est recevable en tout état de cause, et ne peut être écartée sous le prétexte que l'affaire est en état (3). Elle pa

(1) M. Rodière, Cours de procédure, t. III, p. 370.

(2) Dans son Dictionnaire de pratique, vo Formalités.

(3) Conf. arrêt déjà cité de la cour suprême du 18 novembre 1835 ( aff. Bochard).

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