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de la nullité résultant de l'inexécution du jugement dans la quinzaine? En principe, l'affirmative nous semble certaine : l'exécution du jugement est la condition sine quâ non de sa validité, et la femme à qui le jour de la prononciation du jugement peut être inconnu est censée s'en être remise à son mandataire du soin d'en assurer la conservation. L'avoué n'échapperait à la responsabilité qu'à la condition de justifier qu'il a remis, dans la quinzaine, toutes les pièces à la femme, ou qu'il en a tout au moins offert la remise moyennant le remboursement des frais par lui avancés (1).

852. Le jugement de séparation de biens peut être attaqué de la part du mari par toutes les voies ordinaires ou extraordinaires, que la loi ouvre, en général, à toute partie condamnée. Mais il est de plus soumis à un recours particulier de la part des créanciers du mari.

L'art. 1447 du Code civil dispose en effet : « Les créanciers du mari peuvent se pourvoir contre la séparation de biens prononcée et même exécutée en fraude de leurs droits : et ce texte ne fixant aucune limitation à ce droit des créanciers, il en résultait qu'il pouvait s'exercer en tout temps, ou du moins durant trente ans. Mais l'art. 878 du Code de procédure a restreint ce droit dans des limites plus étroites, en ces termes : « Si les formalités prescrites au présent titre ont été observées, les créanciers du mari ne seront plus reçus, après l'expiration du délai dont il s'agit dans l'article précédent (l'année durant laquelle les extraits du jugement doivent rester affichés), à se pourvoir par tierce-opposition contre le jugement de séparation. » Après ce délai, en effet, les créanciers du mari, même les plus éloignés, sont réputés avoir eu connaissance du jugement. La déchéance que la loi prononce contre eux ne peut donc être imputée qu'à leur faute, et ils ne pourraient en être relevés, même en alléguant que les époux avaient agi de concert et frauduleusement (2), à moins que la fraude des époux n'eût eu pour but de tromper leur vigilance, comme si la demande en séparation avait été portée devant un tribunal autre que celui du domicile du mari; mais ce cas se confond avec celui où les formalités prescrites n'ont pas été observées.

(1) Conf. Limoges, du 11 juillet 1839 (aff. Constant).

(2) Conf. MM. Toullier, t. XIII, n° 93; Dalloz aîné, t. X, p. 242, no 44; Pigeau, Comm., t. II, p. 576; Favard, t. V, p. 106, no 12. Contr. MM. Carré et Chauveau, quest. 2959.

$53. Dans ce dernier cas, l'art. 873 est inapplicable, comme ses termes mêmes l'indiquent, et les créanciers peuvent attaquer, même après l'année, la séparation qui leur préjudicie.

Mais on se demande durant quel délai ils peuvent se plaindre, et s'ils sont obligés, pour rendre leur plainte recevable, de se pourvoir par la voie de la tierce-opposition. Il faut, à cet égard, distinguer le cas où l'inobservation des formalités porte sur des formalités postérieures au jugement, du cas où elle porte sur des formalités antérieures.

Dans le premier cas, c'est-à-dire quand le jugement n'a pas été publié de la manière indiquée en l'art. 872 du Code de procédure, ou quand il n'a pas été exécuté utilement de la manière indiquée par l'art. 1444 du Code civil, il résulte de ces deux articles combinés que la nullité s'opère de plein droit et que le jugement est réputé non avenu. La demande en séparation est réputée alors n'avoir pas été sérieuse, et les créanciers du mari par conséquent sont fondés en tout temps, même après dix ou trente ans, à prétendre qu'elle n'existe pas, et cela sans recourir à la voie de la tierce-opposition, car on n'attaque par cette voie qu'un jugement qui subsiste (1).

S'il s'agit, au contraire, de l'inobservation de quelque formalité antérieure au jugement, aucun événement postérieur n'ayant anéanti les effets de la sentence, les créanciers du mari ne peuvent la faire tomber qu'en l'attaquant par tierce opposition, et cette tierce-opposition ne paraît plus recevable après trente ans, puisque toutes les actions s'éteignent par ce laps de temps (2).

854. Mais dans le cas où toutes les formalités prescrites par la loi, soit avant le jugement, soit depuis, ont été fidèlement observées, si le jugement de séparation contient en même temps la liquidation des reprises de la femme, les créanciers du mari peuvent-ils après l'année se pourvoir encore par tierce-opposition contre le chef relatif à la liquidation des reprises? La cour de cassation avait d'abord jugé la négative, par un arrêt du 4 dé

(1) Conf. M. Merlin, Rép., v° Séparation de biens, sect. II, no 5.-MM. Toullier, t. XIII, n° 94; Battur, no 643, et Dalloz aîné, t. X, p. 242, no 45, enseignent, au contraire, que les créanciers doivent se pourvoir contre le jugement dans les dix ans, conformément à l'art. 1304 du Code civil.

(2) Dans le système des auteurs cités à la fin de la note précédente, la tierceopposition ne serait recevable dans ce cas comme dans le précédent que durant dix ans ; mais nous ne pensons pas que l'art. 1304 du Code civil puisse s'appliquer aux actions révocatoires formées par les créanciers.

cembre 1815 (1); mais depuis elle est sagement revenue sur cette jurisprudence (2). Les déchéances en effet sont de droit étroit, et doivent par conséquent être restreintes au cas que la loi a prévu. Or, l'art. 873 ne prononce de déchéance après l'année qu'en ce qui concerne le jugement de séparation, c'est-à-dire évidemment la disposition du jugement qui déclare les époux séparés. L'intérêt de certains créanciers à former tierce-opposition envers le jugement au chef de la liquidation peut d'ailleurs ne se révéler qu'après l'année, si l'ordre pour la distribution des biens du mari ne s'ouvre qu'après cette époque.

A plus forte raison, si la liquidation des reprises n'a été faite qu'après le jugement de séparation, les créanciers sont-ils admissibles sans difficulté à former tierce-opposition à cette liquidation, quoiqu'elle ait été faite depuis plus d'une année (3): ils peuvent, d'après ce que nous avons dit dans le numéro précédent, la quereller durant trente ans.

855. L'art. 874 indique le lieu où la femme séparée qui était mariée sous le régime de la communauté doit faire sa renonciation. << La renonciation de la femme à la communauté, porte ce texte, sera faite au greffe du tribunal saisi de la demande en séparation : » quand même, par conséquent, le mari aurait, depuis, transporté son domicile dans un autre arrondissement, car la loi ne distingue pas.

Mais ce n'est pas à dire que la femme séparée soit obligée de renoncer à la communauté; elle peut, en certains cas, avoir intérêt à l'accepter, et il n'est pas douteux qu'alors elle ne puisse le faire. L'opinion contraire, avancée par le tribun Mouricaut, dans son rapport au corps législatif, est, à bon droit, taxée d'erreur par tous les auteurs (4). Seulement, la femme, en pareil cas, est présumée renonçante, quand elle n'a pas accepté dans les délais pour faire inventaire et pour délibérer (C. civ., art. 1463).

(1) (Trésor royal c. Collin).

(2) Civ. rej., 11 nov. 1833 (aff. Havas); Civ. cass., 26 janvier 1836 (aff. Villange). Conf. Poitiers, 18 juin 1838 (aff. Perrot).

(3) Req., 26 mars 1833 (aff. Tournilhon). Conf. Paris, 25 avril 1835 (aff. Velut); Bordeaux, 20 juin 1835 (aff. Ferchat).

(4) V. notamment MM. Carré, quest. 2963; Pigeau, t. II, p. 389 et 500; Toullier, t. XIII, no 129; Dalloz aîné, t. X, p. 2451, no 46.

SECTION IV.

DES EFFETS DE LA SÉPARATION DE BIENS.

856. Les principaux effets de la séparation de biens sont de dissoudre la communauté et de rendre à la femme la jouissance de sa dot et de ses droits; mais pour exposer ces effets d'une manière complète, il convient d'examiner: 1o à quelle époque les droits de la femme doivent être réglés; 2° dans quelle proportion la femme séparée doit contribuer aux dépenses du ménage; 3° quelle est sa capacité pour disposer de ses biens ou pour s'obliger; 4° quelle est la responsabilité du mari relativement aux biens aliénés par la femme; 5o quels sont les effets de la séparation relativement aux gains de survie.

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A quelle époque les droits de la femme séparée doivent-ils être réglés?

Sommaire.

857. C'est au jour de la demande que les droits de la femme doivent être réglés. Art. 1445.

858. La demande n'est censée formée qu'à dater de l'assignation donnée au

mari.

839. Dans le cas où les époux ne sont pas communs en biens, le mari doit

d'abord les intérêts et les fruits de la dot à dater de la demande. 860. La disposition de l'art. 1571, relative au partage des fruits de la dot durant la dernière année, doit pourtant recevoir son application. 861. Le mari doit également de plein droit les intérêts ou les fruits paraphernaux. 862. Il peut retenir pourtant sur les intérêts ou les fruits par lui dus, la portion pour laquelle la femme devait contribuer aux dépenses du ménage. 863. Si la femme commune renonce, ses droits sont réglés comme ceux de la femme non commune, si ce n'est que l'art. 1571 est inapplicable à

ce cas.

864. Si elle accepte la communauté, tous les biens échus à l'un ou à l'autre époux depuis la demande lui demeurent propres.

863. La femme peut se désister de sa demande jusqu'au jugement de séparation dûment exécuté.

866. L'effet rétroactif prononcé par l'art. 1445 peut-il être opposé aux tiers?

Exposé des divers systèmes sur ce point.

867. Il ne peut leur être opposé, à l'égard des actes qui ne dépassent pas les limites ordinaires du pouvoir d'administrer.

868. Secùs des autres actes.

869. L'art. 1445 ne s'applique pas, en principe, aux demandes en séparation de corps.

870. Exceptions.

857. L'art. 1445 dispose, à cet égard, dans sa seconde par

tie : « Le jugement qui prononce la séparation de biens remonte, quant à ses effets, au jour de la demande. » C'est donc au jour de la demande que les droits de la femme doivent être réglés, à moins que l'instance en séparation de biens n'ait été interrompue par suite d'un accord survenu entre les époux, auquel cas les intérêts ne devraient courir qu'à dater du jour où les poursuites auraient été reprises (1).

858. Mais d'abord quand doit-on considérer la demande de la femme comme formée? Est-ce à partir du jour de la requête présentée au président du tribunal, conformément à l'art. 865 du Code de procédure? est-ce seulement à dater du jour de l'assignation donnée au marí? C'est, ce nous semble, à dater de ce dernier jour. La requête présentée au président n'annonce encore de la part de la femme qu'un projet auquel elle peut ne pas donner suite, et le mari d'ailleurs pouvant ignorer cette requête, il serait injuste qu'elle devînt pour lui le principe d'obligations importantes, dont il a le plus grand intérêt à demeurer instruit.

Cela posé, voyons les conséquences de l'effet rétroactif attaché au jugement de séparation, suivant que la femme était commune en biens ou qu'elle ne l'était pas, et commençons par ce dernier cas, qui est le plus simple.

$59. Si la femme n'était point commune en biens, le mari doit lui faire compte, outre le capital de sa dot, de tous les fruits perçus ou intérêts échus depuis la demande. S'il a aliéné tout ou partie de ces fruits sans le concours de sa femme, il en est comptable suivant le plus haut prix auquel ils ont pu monter depuis la demande, d'après les mercuriales; et dans le cas où les fruits seraient sujets à dépérir, il doit, pour éviter cette responsabilité, ne les vendre qu'avec permission de justice, la femme présente ou dûment appelée.

860. Toutefois, si le mari est comptable de tous les fruits perçus depuis la demande, c'est sans préjudice de l'application'de l'art. 1571, relatif au partage des fruits de la dernière année; car cet article doit être appliqué au cas de séparation de biens comme au cas de dissolution du mariage (2), parce que sa disposition étant fondée sur l'équité est très-favorable, et que les dispositions favorables doivent être étendues par analogie. Ne serait-il pas in

(1) Req., 4 février 1846 (aff. Lutn).

(2) Conf. MM. Proudhon, De l'usufruit, t. V, n° 2696; Zachariæ, t. III, p. 606; Sériziat, p. 414, no 305.

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