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étendue à la séparation de corps, il faudrait que l'analogie fut complète; or, il y a, au contraire, entre les deux cas des différences nombreuses.

Ainsi, d'abord, la séparation de biens ne peut être demandée que par la femme seulement; la séparation de corps peut être demandée par chacun des époux. Or, quand c'est le mari qui la demande et qui l'obtient, il impliquerait qu'elle pût tourner à son détriment, en l'obligeant à restituer les fruits de la dot par lui perçus depuis la demande.

Est-ce contre le mari que la séparation a été prononcée, l'effet rétroactif serait plus souvent préjudiciable qu'utile à la femme; car les causes qui peuvent avoir donné lieu à la séparation n'excluant nullement l'idée d'une sage administration de la part du mari, il est à présumer que depuis la demande en séparation de corps jusqu'au jugement il aura plutôt augmenté qu'appauvri la communauté, tandis que dans le cas de séparation de biens c'est le contraire qu'on doit présumer.

C'est aussi sans doute parce que la séparation de corps ne produit point l'effet rétroactif, que la loi n'a pas exigé que la demande en fût rendue publique comme celle de la séparation de biens.

Il faut donc décider qu'en principe, la séparation de corps ne produit d'effet quant aux biens qu'à dater du jour où elle est prononcée. Seulement, si le mari, durant l'instance de séparation, a fait quelque acte en vue de frauder la femme, cet acte doit être annulé conformément à l'art. 271 du Code civil, écrit, il est vrai, pour le cas de divorce, mais dont la disposition est évidemment applicable à la séparation de corps. Aux termes de cet article: << Toute obligation contractée par le mari à la charge de la communauté, toute aliénation par lui faite des immeubles qui en dépendent, postérieurement à la date de l'ordonnance dont il est fait mention en l'art. 238, sera déclarée nulle, s'il est prouvé d'ailleurs qu'elle ait été faite ou contractée en fraude des droits de la femme. » Donc, toute obligation ou aliénation consentie sans fraude oblige la femme, ce qui suppose que la communauté subsiste jusqu'au jugement.

L'art. 270, il est vrai, donnait aussi à la femme commune en biens, demanderesse ou défenderesse en divorce, le droit de requérir, pour la conservation de ses droits, l'apposition des scellés sur les effets mobiliers de la communauté, et nous ne doutons pas que le même droit n'appartienne, par identité de raison, à la femme demanderesse ou défenderesse en séparation

de corps. Mais ces scellés ont pour but uniquement d'empêcher que le mari ne puisse soustraire frauduleusement une partie de l'actif commun au détriment de la femme, et n'empêchent pas la communauté de subsister. Aussi l'art. 270 permet-il de les lever en faisant inventaire avec prisée, à la charge seulement par le mari de représenter les choses inventoriées, ou de répondre de leur valeur comme gardien judiciaire.

Or, si la séparation de corps n'a point d'effet rétroactif quand les époux sont mariés sous le régime de la communauté, on ne voit pas pourquoi elle produirait cet effet quand ils sont mariés sous tout autre régime.

870. Mais si le mari, demandeur ou défendeur dans l'instance en séparation de corps, paraissait, en attendant, mal administrer la dot et la mettre en péril, la femme serait-elle dans l'impossibilité de se prémunir dès à présent contre cette mauvaise administration? Non, sans doute : à chaque mal son remède. La femme devrait alors, suivant qu'elle serait demanderesse ou défenderesse en séparation de corps, ajouter à sa première demande, ou former reconventionnellement une demande en séparation de biens, afin que la justice, tout en prononçant la première pour l'avenir, pût en même temps, en statuant sur la seconde, faire remonter les effets de la séparation de biens au jour où elle aurait été demandée. Mais il va sans dire qu'il faudrait alors observer les formalités propres à la demande en séparation de biens, et rendre notamment cette demande publique de la manière indiquée par le Code de procédure.

Nous estimon's en outre que si l'époux défendeur à la séparation de corps avait, en suscitant des difficultés, retardé le jugement, ce retard ne devrait pas nuire à l'époux demandeur. Si ce dernier, par exemple, marié sous le régime de la communauté, avait recueilli, peu de temps avant le jugement, une succession mobilière, et que, lors de l'ouverture de cette succession, la séparation de corps eût déjà probablement été prononcée, si l'autre époux n'avait fait de mauvaises contestations, le premier serait fondé à demander que la succession n'entrât pas dans la communauté et lui fût attribuée en totalité, parce qu'une chicane ne doit jamais devenir pour celui qui l'a suscitée une cause de gain (1); mais ce serait à titre de dommages-intérêts que cette succession devrait être attribuée en totalité au demandeur en

(1) Ce tempérament suffit pour obvier aux inconvénients que M. Massol, loc. cit., p. 207 et 208, reproche à la doctrine que nous soutenons.

séparation, et non point par une conséquence naturelle de la demande.

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· Dans quelle proportion la femme séparée judiciairement doit-elle contribuer aux dépenses du ménage?

Sommaire.

871. La femme séparée doit contribuer aux dépenses du ménage proportionnellement à ses facultés et à celles du mari, et les supporter entièrement, si celui-ci est insolvable. Art. 1448.

872. Le jugement de séparation peut régler d'avance la part contributive de chaque époux; mais cette fixation est provisoire.

873. La femme qui abandonne au mari les entiers revenus de sa dot, n'est pas obligée de contribuer aux dépenses sur ses paraphernaux, si le mari peut supporter ces dépenses.

874. L'art. 1448 est applicable au cas de séparation de corps en ce qui concerne les enfants, mais non pas en ce qui concerne les époux l'un vis-à-vis de l'autre.

875. La part contributive de la femme doit, en principe, être remise au mari pour en régler l'emploi.

971. La femme séparée contractuellement n'est obligée, comme nous l'avons vu, de contribuer aux dépenses du ménage que jusqu'à concurrence du tiers de ses revenus (C. civ., art. 1537 et 1575). La raison en est que le mari est censé avoir assumé sur lui l'excédant des charges du mariage, et qu'il est présumé à même de les supporter; car, nous l'avons dit, il est certain qu'en cas d'insolvabilité du mari ces charges retomberaient en entier sur la femme.

En matière de séparation judiciaire, la loi a dû poser une autre règle. Cette séparation, en effet, a pour résultat de procurer à la femme la jouissance des biens qui, à la différence des paraphernaux, sont naturellement affectés aux charges du mariage, savoir, de sa dot ou des biens de communauté. D'un autre côté, la séparation judiciaire n'étant guère prononcée que lorsque les affaires du mari sont dérangées, il est peu probable que ce dernier pût supporter toutes les charges du mariage avec le tiers seulement des revenus de la femme. L'art. 1448 dispose donc : « La femme qui a obtenu la séparation de biens doit contribuer, proportionnellement à ses facultés et à celles du mari, tant aux frais du ménage qu'à ceux d'éducation des enfants comElle doit supporter entièrement ces frais, s'il ne reste rien au mari. » Si donc les revenus du mari paraissent égaux à

muns.

-

DE LA SÉPARATION DE BIENS JUDICIAIRE. 623 ceux de la femme, chacun des époux doit contribuer aux dépenses du ménage pour moitié; si les revenus du mari égalaient seulement la moitié de ceux de la femme, le premier ne doit supporter que le tiers de ces dépenses; la femme doit supporter les deux autres tiers: ainsi de suite.

872. Si l'on peut prévoir quelque difficulté ultérieure entre les époux pour la fixation de leur part contributive, il convient que le jugement même de séparation de biens fasse la fixation. Seulement, le jugement, en ce point, ne peut être que provisoire comme tout ce qui a trait aux matières alimentaires, la décision doit être modifiée si les proportions de fortune des époux viennent à changer.

873. La femme qui aurait des paraphernaux considérables pourrait-elle, du reste, échapper à l'application de l'art. 1448, en offrant d'abandonner tous les revenus de sa dot à son mari, alors d'ailleurs que celui-ci conserverait assez de fortune pour suffire aux charges du mariage? Ce serait notre sentiment. La séparation de biens n'étant établie qu'en faveur de la femme, ne doit jamais tourner à son détriment. S'il en était autrement, la femme pourrait, au grand préjudice de la famille entière, laisser périr la dot dans la crainte de voir diminuer, par la séparation de biens, ses revenus paraphernaux. Pourvu d'ailleurs que la séparation de biens n'aggraye point pour le mari les charges qu'il supportait précédemment, il semble qu'il n'est pas recevable à se plaindre. Enfin, la séparation de biens prouvant ordinairement la mauvaise administration du mari, il est de l'intérêt bien entendu de la famille entière que les revenus des paraphernaux demeurent en entier à la disposition de la femme, qui saura probablement les conserver, plutôt que de servir à rendre libres pour partie les revenus personnels du mari, bien exposés à être dissipés.

874. La règle posée dans l'art. 1448 s'applique-t-elle au cas de séparation de corps? L'affirmative est indubitable en ce qui concerne les enfants. L'art. 303 du Code civil, fait, il est vrai, pour le cas de divorce, mais applicable par analogie à la séparation de corps, dispose en effet : « Quelle que soit la personne à laquelle les enfants seront confiés, les père et mère conserveront respectivement le droit de surveiller l'entretien et l'éducation de leurs enfants, et seront tenus d'y contribuer à proportion de leurs facultés. »

Mais la règle est inapplicable aux époux l'un envers l'autre. Quand il n'y a que séparation de biens, en effet, l'existence des

époux continuant d'être commune, toutes leurs dépenses doivent être communes aussi, c'est-à-dire que si leurs revenus sont égaux, chacun d'eux doit contribuer par moitié à la totalité des dépenses, quoiqu'à raison de quelque infirmité ou pour tout autre motif, les dépenses de l'un soient beaucoup plus considérables que celles de l'autre. La séparation de corps au contraire brisant l'existence commune, chacun des époux doit supporter ses dépenses personnelles sur ses revenus et même au besoin sur ses capitaux, et ce n'est que dans le cas d'une impossibilité constatée d'y faire face à l'aide de ses propres ressources, qu'il peut avoir un recours alimentaire contre son conjoint.

875. La séparation de biens laissant subsister toute l'autorité du mari sur la personne de la femme, nos anciens auteurs (1) en concluaient que le mari comme chef du ménage pouvait exiger le versement dans ses mains de la part contributive de la femme, afin d'en régler seul l'emploi. Cette doctrine, à notre sens, doit encore être suivie (2). L'autorité maritale est toujours respectable, et la justice ne doit y apporter d'autres restrictions que celles que l'intérêt de la famille commande. C'est dire que si les juges ont de justes motifs de craindre que les fonds remis au mari ne soient détournés de leur véritable destination, ils peuvent autoriser la femme à se libérer directement entre les mains des fournisseurs ou des maîtres chez lesquels les enfants communs se trouvent placés (3) mais ce surcroît de rigueur vis-à-vis du mari ne peut résulter que d'une disposition expresse du jugement.

§ 3. De la capacité de la femme séparée de corps ou de biens.

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877. Du cas où les époux étaient mariés en communauté.

878. La femme séparée de corps ou de biens reprend d'abord la libre administration de ses biens.

Conséquences.

879. Elle peut, en outre, disposer de son mobilier et l'aliéner, à la différence de la femme séparée contractuellement ou de femme dotale relativement à ses paraphernaux.

(1) V. notamment Bourjon, Droit commun de la France, t. I, p. 511; et Pothier, De la communauté, nos 464 et 465.

(2) Conf. M. Merlin, Rép., v° Séparation de biens, sect. II, § 5, no 8 ; Dict. du notariat, vo Séparation de biens, no 2. V. aussi Req., 28 juillet 1808 (aff. Montmorency). Nancy, 28 janvier 1841 (aff. Jean Bille).

(3) Conf. Req., 6 mai 1835.

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