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COMMUNAUTÉ CONVENTIONNELLE. mettre que la déclaration de la quantité de son mobilier, faite par le mari dans son contrat de mariage, suffit seule pour établir la possession effective de ce mobilier : c'est à la femme ou à sa famille à se garantir par de bons renseignements avant que de signer le contrat. Cette règle, qui a été introduite dans la jurisprudence par un arrêt du 30 juillet 1712, rendu par le parlement de Paris, avait été constamment suivie dans la pratique, et, comme on l'a vu, elle a été expressément consacrée par l'art. 1502 du Code civil.

Néanmoins, on doit admettre avec M. Duranton (1) que si la femme ou ceux qui l'ont dotée s'étaient réservé la faculté d'exiger ultérieurement la justification de l'apport du mari, cette réserve devrait recevoir son effet.

92. Au surplus, à l'égard du mari comme vis-à-vis de la femme, la disposition de l'art. 1502 n'est pas exclusive. La loi énonce que la quittance donnée par le mari à la femme, et la déclaration contenue au contrat de mariage que le mobilier du mari est de telle valeur, prouvent suffisamment la remise effective de l'apport. Elle admet donc d'autres preuves que celles qui résultent de la quittance ou de la déclaration. Aussi pensons-nous qu'il en est de ce cas comme de celui où des époux mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquets, ont négligé de. faire constater, par l'inventaire ou l'état en bonne forme dont parle l'art. 1499, la consistance de leur fortune mobilière au jour du mariage. Les époux seraient donc admis à justifier, l'un vis-à-vis de l'autre, la consistance de ce mobilier, par tous les moyens de preuves dont l'emploi nous a paru, dans le cas supposé, devoir être laissé aux époux mariés avec stipulation d'une communauté d'acquêts (2).

93. Quant au mobilier qui échoit respectivement aux époux durant le mariage, il doit être constaté par un inventaire, aux termes de l'art. 1504. Le mari est tenu, dans tous les cas, de faire procéder à cet inventaire : il doit agir, soit en son nom, si ce mobilier lui est échu personnellement; soit au nom de sa femme, si le mobilier est échu à celle-ci. Par suite, d'après le même article, à défaut d'inventaire du mobilier échu au mari, ou d'un titre propre à justifier de sa consistance et de sa valeur, déduction faite des dettes, le mari ne peut en exercer la reprise; mais si le défaut d'inventaire porte sur un mobilier échu à la femme,

(1) T. XV, no 44. V. aussi M. Zachariæ, t. III, p. 524. (2) V. suprà, nos 47 et suiv.

celle-ci ou ses héritiers sont admis à faire preuve, soit par titre, soit par témoins, soit même par commune renommée, de la valeur de ce mobilier. Ainsi, l'absence d'inventaire entraîne contre le mari la même conséquence que si les époux étaient mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts; et, sous ce rapport, encore, nous nous référons aux observations que nous avons présentées en nous occupant de ce dernier régime (1).

94. Les apports étant ainsi justifiés, l'art. 1503 donne à chaque époux, lorsque la communauté vient à se dissoudre, le droit de reprendre et de prélever la valeur de ce dont le mobilier qu'il a apporté lors de son mariage, ou qui lui est échu depuis, excédait sa mise en communauté. La valeur, dit la loi : en faut-il conclure qu'il y a exclusion du droit de reprendre en nature l'excédant du mobilier sur la mise en communauté? ou faut-il faire encore ici les distinctions admises dans le cas de communauté d'acquêts et même dans le cas de réalisation proprement dite expresse ou tacite, entre les choses fongibles et les choses non-fongibles et non-estimées au contrat de mariage (2)? La doctrine des auteurs n'est pas précise sur ce point. En général, ils n'ont pas séparé, dans leurs commentaires, la convention d'apport des clauses de réalisation; et comme ils ont admis, en général du moins, la distinction dont nous venons de parler, on en pourrait conclure que, dans leur pensée, la solution s'applique indistinctement au cas de convention d'apport et au cas de réalisation. Nous ne croyons pas, pour notre part, qu'il en soit ainsi; la disposition de l'art. 1503, qui, ainsi que nous en avons fait la remarque, est particulièrement relative à la convention d'apport, doit être suivie à la lettre par les époux qui ont stipulé cette convention. Ainsi, ils ne pourraient pas, à notre avis, exiger la restitution en nature de l'excédant de leur mobilier respectif sur leur mise en communauté, et réciproquement on ne pourrait pas les contraindre à recevoir cette restitution en nature. Cela tient à l'essence même de la convention et à ses résultats. Comme nous l'avons dit, tout le mobilier des époux, ou lorsque la stipulation n'est pas réciproque, tout le mobilier du conjoint de qui elle émane, tombe dans la communauté, par l'effet de la convention d'apport. La communauté reçoit ce mobilier en payement de la somme promise, et devient ainsi cessionnaire en vertu d'une sorte de dation en payement. La conséquence

(1) V. suprà, no 46.

(2) V. suprà, nos 51 et suiv.

COMMUNAUTÉ CONVENTIONNELLE. directe de cet état de choses est que la communauté détient, comme tout propriétaire, avec les chances favorables et avec les chances contraires; ainsi, elle profite seule de l'augmentation de valeur que le mobilier peut recevoir, et réciproquement, elle seule supporte la perte ou la dépréciation auxquelles le mobilier est soumis. C'est sur ce fondement que le mobilier, comme nous le dirons bientôt, doit être, en thèse générale, compté sur le pied de la valeur qu'il avait au moment où il a été remis à la communauté, lorsqu'il s'agit de supputer les prélèvements à faire par les époux après la dissolution de la société conjugale. S'il en est ainsi, la communauté ne saurait jamais se décharger de la dépréciation qu'aurait éprouvé le mobilier, en contraignant l'époux qui l'aurait apporté à le reprendre en nature; et, d'un autre côté, l'époux qui aurait apporté le mobilier ne saurait priver la communauté de l'augmentation que ce mobilier aurait reçue, en exigeant qu'on lui en fît la remise avant tout partage. La loi s'exprime donc très-exactement, en disant que chaque époux a le droit de reprendre et de prélever, lors de la dissolution de la communauté, la valeur de ce dont le mobilier qu'il a apporté lors du mariage, ou qui lui est échu depuis, excédait sa mise en communauté. Son expression, qui est en parfait rapport avec la convention qu'elle a en vue, s'explique par la nature même de cette convention : l'interprétation ne saurait donc en étendre la signification.

95. Mais il n'y a de prélèvement possible pour les époux qu'à la condition d'avoir apporté dans la communauté une dot d'une valeur supérieure à la somme qu'ils avaient promise. De là, la nécessité de rechercher quelles sont, parmi les choses mises par les époux dans la communauté, celles sur lesquelles doit être imputée la somme promise, ou celles qu'on doit considérer comme reçues par la communauté en payement de cette somme. Le Code civil ne précise rien à cet égard; mais, à défaut de dispositions spéciales, les auteurs ont eu recours aux règles suivies dans l'ancienne jurisprudence, règles qui, en effet, dans la plupart des cas, se combinent très-bien avec les principes de la loi actuelle.

96. D'abord, l'imputation se fait sur les choses mobilières dont le conjoint qui a promis l'apport peut justifier avoir eu la possession au jour du mariage. Il importe peu que la possession lui ait été acquise dans l'intervalle du contrat à la célébration; mais il est indispensable qu'il en ait eu la possession à cette dernière époque. S'il les avait perdues, de quelque manière que ce

fût d'ailleurs, dans l'intervalle du contrat à la célébration, la communauté ne serait pas censée les avoir reçues en payement de la chose promise, puisque la communauté ne commence qu'au jour du mariage contracté devant l'officier de l'état civil (art. 1399), et qu'à ce moment le conjoint avait cessé d'être propriétaire.

Que si les choses avaient été perdues après la célébration du mariage, elles n'en devraient pas moins être considérées comme versées en payement de la somme promise: la communauté étant, dans ce cas, aux lieu et place d'un cessionnaire véritable de toute la fortune mobilière, il s'ensuit, comme nous l'avons déjà dit, qu'elle est chargée de tous les risques de dépréciation ou de pertes auxquelles cette fortune est soumise; en sorte que les choses venant à périr, elles périssent pour elle.

97. Tout ce qui fait partie de la dot mobilière d'un conjoint fait essentiellement partie de la somme qu'il a promise pour son apport. Ainsi, lorsque indépendamment de la dot fournie à un conjoint, ses père et mère se sont engagés, par le contrat, à nourrir les époux pendant un certain nombre d'années, la valeur de la nourriture fait partie de la dot, et la communauté qui profite de la stipulation accessoire, devra imputer la somme promise non-seulement sur la dot, mais encore sur la valeur à laquelle pourront s'élever les frais de nourriture.

Il en est ainsi de la valeur des fruits d'un héritage que des раrents auraient donnés pendant quelques années à l'un des conjoints à titre de dot. Dans ce cas, les revenus ou les intérêts que peuvent produire les sommes provenues de la jouissance, constituent les fruits qui, en principe, doivent servir à soutenir les charges du ménage; mais la jouissance elle-même forme le principal de la dot, et c'est ce principal qui vient en déduction de la somme promise.

Néanmoins, si le droit d'usufruit d'un certain héritage a été donné en dot à l'un des conjoints, c'est cet usufruit lui-même qui constitue le principal de la dot. Les fruits, dans ce cas, appartiennent à la communauté qui les perçoit ad sustinenda onera ; c'est dire qu'ils ne sauraient venir en déduction de la somme promise pour apport; l'imputation de cette somme ne pourrait se faire que sur le droit d'usufruit (1).

n

Comme aussi, suivant la remarque de Lebrun (2) adoptée par

(1) V. Pothier, De la communauté, nos 291 et suiv.

(2) De la communauté, liv. I, ch. v, dist. 2, no 1; liv. II, chap. II, sect. IV, 07; et liv. V, ch. 1, sect. 1, dist. 1, no 1.

Pothier (1), les fruits qui doivent être perçus durant la communauté, ne composant pas ordinairement le capital de la dot, il s'ensuit qu'on ne doit pas leur donner cette destination lorsque les parties ne s'en sont pas clairement expliquées. Ainsi disent, avec raison, les auteurs précités, lorsque des père et mère ont donné en dot, peu avant la récolte, un héritage en ces termes, un tel héritage avec les fruits qui y sont pendants, on ne doit pas croire que leur intention a été que les fruits qui étaient pendants au temps du mariage, et qui n'ont été perçus que depuis, dussent faire partie du principal de la dot; on doit plutôt croire qu'ils n'ont voulu dire autre chose, sinon qu'ils donnaient cet héritage tel qu'il se trouvait, sans s'en réserver la récolte qui était à faire, quoique imminente. Ces termes, avec les fruits qui y sont pendants, doivent donc être regardés comme superflus; la récolte qui en est faite durant la communauté doit appartenir à la communauté, et ne peut, conséquemment, être imputée sur la somme promise pour l'apport.

98. Les créances actives que les époux possèdent au jour du mariage, tombent dans la communauté comme les autres parties de leur fortune mobilière. La communauté les reçoit donc, au même titre, en payement de la somme jusqu'à concurrence de laquelle leur mobilier a été mis dans le fonds social. Mais l'imputation de l'apport ne peut se faire sur les créances que sous la condition essentielle qu'elles auront été acquittées durant la communauté. En effet, la communauté n'en saurait profiter qu'autant qu'elle en a touché le montant.

Mais il y a, sous ce rapport, entre le mari et la femme, une différence essentielle qui résulte de leur position respective dans la société conjugale. C'est au mari, comme chef de la communauté, qu'il appartient de procurer le payement de ses créances à la femme; celle-ci ne pourrait donc pas être tenue de prouver que le payement a eu lieu durant la communauté; et le mari, de son côté, ne serait pas admis à alléguer que le payement n'a pas été effectué, à moins qu'il ne justifiât de poursuites exercées par lui en temps utile et demeurées sans résultat. Faute par le mari de faire cette dernière preuve, il suffirait à la femme d'établir la réalité de ses créances au jour du mariage, pour que ces créances fussent réputées avoir été payées durant la communauté, et conséquemment, pour les faire considérer comme remises en payement de la somme promise pour son apport.

(1) Loc. cit., no 295.

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