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dent cependant vers le même but. Qu'est-ce, en effet, que l'immobilisation ou exclusion de communauté dont nous avons parlé à la section précédente? C'est un moyen offert à l'époux, dont la fortune serait principalement mobilière, de rétablir l'égalité à laquelle le droit commun porterait une atteinte profonde, dans le cas, par exemple, où l'autre époux ne posséderait que des immeubles (1). En limitant ses apports par une exclusion qui retranche de l'actif des choses qui y seraient naturellement comprises, l'époux dont la fortune est mobilière crée une situation tout à fait équitable, en ce que les deux parties concourent alors, dans la même proportion, à la formation d'un actif sur lequel le fait seul du mariage leur donne des droits égaux. Et maintenant, qu'est-ce que la mobilisation, sinon un autre moyen d'arriver précisément au même résultat? Il est évident, en effet, que l'époux dont la fortune est principalement ou exclusivement immobilière, rétablit aussi l'égalité lorsque, en mobilisant cette fortune en tout ou en partie, il fait tomber dans la communauté des choses qui n'y seraient pas naturellement comprises, et consent ainsi à verser dans l'actif une part égale ou équivalente à celle que l'autre époux y apporte.

116. Les conventions de cette dernière espèce sont plus ou moins étendues: elles peuvent embrasser tous les immeubles des époux; elles peuvent aussi ne se rapporter qu'à une partie des immeubles, soit des deux époux, soit de l'un ou de l'autre. Dans le premier cas, la convention constitue plus particulièrement la communauté universelle prévue par l'art. 1526 du Code civil; dans le second, elle opère l'ameublissement prévu et régi par les art. 1505 et suiv. On le pressent très-bien, ces deux clauses se confondent parfois entre elles (2). En effet, lorsque deux époux ameublissent l'un et l'autre leurs biens-immeubles, ils ne font, en définitive, que constituer virtuellement entre eux une communauté universelle; de même que, lorsqu'ils conviennent d'une communauté universelle, ils ameublissent implicitement leurs immeubles. Néanmoins, elles ne comportent pas toujours l'une et l'autre la même étendue, et chacune d'elles a ses particularités: c'est pourquoi nous en traiterons séparément dans deux paragraphes distincts; et dans un troisième paragraphe nous par(1) V. suprà, no 60.

(2) Pothier ne les a pas séparées; il traite de l'une et de l'autre sous la rubrique de la convention d'ameublissement, et considère expressément la communauté de tous biens, comme rentrant dans la catégorie des ameublissements généraux. V. de la Communauté, nos 303, 304, 307, etc.

lerons du droit d'enregistrement dans ses rapports avec ces clauses extensives de la communauté légale.

§ 1er. De la communauté universelle ou à titre universel.

Sommaire.

117. De tous les régimes d'association conjugale, la communauté universelle est celui qui réaliserait le mieux l'idée que révèle le mariage. Toutefois, ce régime n'a pas dû être choisi comme l'expression du droit commun. - Renvoi.

118. Mais il a dû être rangé au nombre des clauses modificatives de la com

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119. Les règles de la communauté universelle dérogent au droit commun en matière de société en quoi.

120. Mais l'exception ne profite aux époux qu'autant que la société est formée entre eux par le contrat de mariage; une société de tous biens qui serait établie après le mariage et pendant sa durée tomberait sous l'application du droit commun.

121. La loi distingue, dans la communauté universelle ou à titre universel, trois espèces de stipulations.

122. Caractères de la convention. — En thèse générale, elle ne constitue pas une donation au profit de l'époux qui a apporté le moins dans la communauté.

123. Mais il en serait autrement, suivant les circonstances, si l'un des époux n'avait rien mis dans la communauté, tandis que l'autre y aurait apporté sa fortune entière, présente et future. La communauté universelle suppose, en effet, un apport réciproque.

124. Conséquemment, la libéralité résultant dans ce cas de la convention contenue au contrat de mariage serait réductible à la quotité disponible.

123. Serait-elle révoquée par la séparation de corps prononcée contre l'époux donataire? Renvoi.

126. La clause qui établit la communauté universelle doit être entendue dans un sens restrictif. - Règles d'appréciation.

127. La stipulation d'une communauté universelle s'étend à tous les biens des époux, à leurs immeubles à venir aussi bien qu'à leurs immeubles présents.

128. Mais la convention n'embrasse pas les immeubles à venir, lorsque les époux ont déclaré mettre tous leurs biens en communauté. - Controverse.

129. A plus forte raison il en est ainsi lorsque les époux ont mis en communauté tous leurs biens présents.

130. Les époux qui établissent une communauté de tous leurs biens présents réalisent virtuellement leur mobilier futur; mais la règle n'est pas absolue.

131. Réciproquement, s'il a été établi une communauté de tous les biens à venir, meubles et immeubles, les meubles présents sont implicite

ment réalisés; toutefois cette règle n'est pas plus absolue que la précédente.

132. Quid lorsque la communauté universelle ou à titre universel est limitée aux immeubles à échoir, soit par succession, soit par donation? — Renvoi.

133. Le régime de la communauté universelle ne comporte pas, en général, des biens personnels à chacun des époux. Toutefois il y a des exceptions.

134. Par suite de ce principe, toutes les dettes, de quelque nature qu'elles soient, tombent dans le passif de la communauté. — Exceptions.

133. De l'administration de la communauté universelle. — Renvoi.

136. De la dissolution. - La femme peut accepter la communauté ou y re

noncer.

137. En cas de renonciation, elle perd tous ses droits, même sur les immeubles qui sont entrés de son chef dans la communauté; mais elle conserve son hypothèque légale sur ces immeubles pour ce que le mari pourrait lui devoir.

138. Si la femme accepte la communauté, le partage se fait conformément aux règles relatives à la communauté légale, sauf l'application de l'article 1509, qui permet à l'époux qui a ameubli un héritage de le retenir en le précomptant sur sa part pour le prix qu'il vaut au moment du partage.

139. La disposition de cet aticle peut elle être invoquée même par la femme renonçante? - Renvoi.

117. De tous les régimes d'association conjugale, la communauté universelle est assurément celui qui réalise de la manière la plus complète l'idée que le mariage révèle. En confondant dans un seul patrimoine ce que chacun des époux possède au jour du mariage et ce qui pourra lui être acquis par la suite, ce régime fonde une association de biens vraiment corrélative à l'association des personnes, et répond ainsi parfaitement aux vues d'assistance et de secours inhérentes à la société de l'homme et de la femme (1). Toutefois, quoiqu'elle se concilie si bien avec les idées qu'inspire une association considérée, à juste titre, par la morale et par la loi comme la plus intime et la plus indissoluble, la communauté universelle n'a pas été et n'a pas dû être choisie comme droit commun de la France. Nous en avons déjà exposé les motifs dans nos observations préliminaires sur ce chapitre (2); nous n'avons pas à y revenir ici.

(1) Portalis a dit, en définissant le mariage, dans son exposé des motifs, au corps législatif: « Le mariage est la société de l'homme et de la femme, qui s'unissent pour perpétuer leur espèce, pour s'aider, par des secours mutuels, à porter le poids de la vie, et pour partager leur commune destinée. »

(2) V. t. Ier, nos 301 et suiv.

118. Disons-le, néanmoins, si elle n'a pas été admise comme expression du droit commun, elle ne devait pas, du moins, être repoussée d'une manière absolue. La communauté universelle répond au vœu de la loi, en ce qu'elle est susceptible parfois de faciliter le mariage; d'un autre côté, elle se combine très-bien avec le principe qui accorde aux époux une liberté entière pour · le règlement de leurs conventions matrimoniales. A ces titres divers, elle se présentait d'elle-même à l'attention du législateur, et ne pouvait être passée sous silence dans les dispositions qui, organisant le système de la communauté conventionnelle, avaient pour objet de prévoir et de régler les principales combinaisons de cette espèce de communauté.

Aussi la loi prévoit expressément la communauté universelle. L'art. 1526 dispose, en effet, que « les époux peuvent établir, par leur contrat de mariage, une communauté universelle de leurs biens, tant meubles qu'immeubles, présents et à venir, ou de tous leurs biens présents seulement, ou de tous leurs biens à venir. >>

119. La loi déroge ici, en un point essentiel, au droit commun en matière de société; elle établit en même temps, en faveur des époux exceptionnellement, une règle qui, dans l'ancienne jurisprudence et notamment dans les principes du droit romain, s'appliquait d'une manière générale aux sociétés universelles entre toutes personnes.

On sait, en effet, que dans l'ancien droit la société universorum bonorum comprenait même la propriété des biens advenus aux associés par succession, donation ou legs, pendant la durée de la société (1), sauf le cas de stipulation contraire, et celui où l'auteur de la libéralité avait manifesté l'intention que la chose par lui donnée demeurât propre au donataire ou au légataire. Le principe s'appliquait aussi à la communauté qui se formait entre époux, non pas qu'une telle communauté eût, dans les principes du droit romain, un caractère particulier et constituât, comme dans notre droit actuel, un régime spécial d'association conjugale, mais précisément parce que, considérée comme une société ordinaire, elle était soumise aux règles qui régissaient les sociétés (2). Ce n'est plus dans ces termes que les dispositions de la loi se présentent aujourd'hui : en principe, d'abord, on a pensé que les stipulations tendantes à faire entrer dans les sociétés ordi

(1) V. la loi 3, § 1, ff. Pro socio.

(2) V. notre introduction historique, t. I, n° 12.

naires la propriété de biens à venir, pourraient servir à éluder les dispositions qui défendent de donner à des incapables, et celle qui défend de donner ses biens à venir, même à des personnes capables de recevoir. La loi ne veut pas que, sous les fausses apparences d'une société, on puisse, par des libéralités, échapper à ses prohibitions. Une règle générale a donc été posée, d'après laquelle, dans les sociétés ordinaires même universelles, les parties ne peuvent faire entrer en société que la jouissance des biens immobiliers à elles acquis par succession, donation ou legs: toute stipulation qui tendrait à y faire entrer la propriété de ces biens est expressément prohibée ( article 1837) (1).

Mais le principe n'a pas été étendu jusqu'à la société formée entre époux par leur contrat de mariage; si cette société est stipulée universelle, elle peut comprendre la propriété des biens à venir, aux termes de l'art. 1526. En cela cet article déroge au droit commun en matière de société, et confirme, par exception, relativement aux sociétés conjugales, une règle qui, sous l'empire du droit romain, était étendue à ces sortes de sociétés par une application toute naturelle des principes gé

néraux.

120. Toutefois, pour que le bénéfice de l'exception puisse être invoqué, la société doit être formée par le contrat de mariage. Ce n'est pas à dire qu'une société universelle ne puisse pas s'établir, même entre des époux, pendant leur mariage. Quel que soit le régime de l'associatiou conjugale, fût-ce même la séparation de biens, rien ne s'opposerait à ce que les époux missent leurs biens en société (2). Mais comme il ne leur est pas permis de faire un changement quelconque à leurs conventions matrimoniales, l'acte de société devrait être considéré comme entièrement distinct du contrat de mariage. La société, dès lors,

(1) V. encore notre premier volume, no 297,

(2) M. Duvergier enseigne néanmoins, dans son Traité des Sociétés, no 102 (t. 5 de la continuation de Toullier), que les époux ne peuvent, durant le mariage, former entre eux aucune espèce de société, parce que, dit cet auteur, ils modifieraient par là leurs conventions matrimoniales qui doivent rester immuables. Mais en considérant le contrat de mariage et l'acte de société comme formant essentiellement deux actes distincts soumis l'un et l'autre à leurs lois particulières, il nous semble que l'on concilie très-bien le principe de l'immutabilité des conventions matrimoniales avec celui qui permet à toutes personnes de mettre leurs biens en société. V. Conf. M. Duranton, t. XVII, no 347 et la note.

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