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elle a de l'esprit; mais Me de Pompadour a le crédit. Le garde des sceaux s'occupe beaucoup des affaires particulières de Mme de Pompadour et de tout ce qui peut lui faire plaisir; d'ailleurs il a dans ses intérêts presque tout le ministère et tout ce qui environne le Roi. Je ne sais si je n'ai pas déjà marqué ce détail. Le parti de M. le garde des sceaux, qui sans doute est le plus grand, tire avantage et avec raison de l'accès facile qu'on trouve auprès de ce ministre, qui reçoit froidement mais poliment, qui écoute avec patience, et ne paroît jamais pressé, qui expédie promptement, et reproche à M. d'Argenson de ce qu'on a peine à le voir, sans vouloir faire attention que le grand nombre d'affaires dont il est chargé et sa santé souvent mauvaise le mettent hors d'état de donner autant de temps que M. de Machault. Enfin Mme de Pompadour voit très-peu M. d'Argenson. Il y a quelques jours qu'elle avoit deux affaires à traiter avec lui. Elle en parla à M. le maréchal de Belle-Isle, qui lui dit avec sa vérité ordinaire qu'il y en avoit une qui ne pouvoit pas réussir; elle ajouta foi à ce conseil et le pria de parler de l'autre à M. d'Argenson; il s'en chargea et elle fut faite sur-lechamp.

Du 26. J'ai souvent parlé du travail de M. le prince de Conty avec le Roi, travail que personne ne sait ni ne comprend. La petite vérole de Mme la duchesse d'Orléans, sa sœur, avoit interrompu ce travail. Il recommença le jeudi-saint, 11, et dura deux heures.

Du 27. J'ai marqué dans mon journal que le jeudisaint, Mine de Renty, dame d'honneur de Mme la princesse de Condé, peu instruite des usages de la Cour, avoit cru devoir suivre toujours régulièrement sa princesse, qui servoit à la cène de la Reine; qu'on l'avoit remarqué et trouvé mauvais, parce qu'il n'y a que les filles de France qui doivent être suivies en pareil cas. Immédiatement après la cène, le Roi et la Reine allèrent aux ténèbres. J'ai déjà parlé d'une tribune nouvellement faite pour

Mme de Pompadour au-dessus du passage qui donne du balcon à la sacristie de la chapelle. Mme de Pompadour fait grand usage de cette tribune les jours de grandes fêtes. Autant qu'on peut voir de la chapelle, elle paroît y ètre seule et un livre à la main. M. le prince et Mme la princesse de Condé, qui ont beaucoup de piété l'un et l'autre, se rendirent à la chapelle aux ténèbres. On remarqua que M. le prince de Condé monta dans la tribune dont je viens de parler, et parla à Mme de Pompadour avec vivacité, et qu'étant ensuite revenu auprès de Mme la princesse de Condé, elle marqua grand empressement de lui parler, apparemment pour savoir le succès de la commission. Ce détail prouve ce qu'un prince du sang juge du crédit de Mae de Pompadour.

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Du 4, Versailles. — J'ai marqué, au 2 de ce mois, dans mon journal que le Roi a accordé une pension de 10,000 livres à Mme de Talmond, à la prière de la Reine; Mme de Talmond s'étoit adressée à Mme de Pompadour pour cette pension. C'est ce que la Reine ignore; il est vraisemblable que cette voie lui auroit déplu. Mme de Pompadour en avoit sans doute parlé au Roi, mais elle a jugé fort sagement que la demande de Mme de Talmond, qui a l'honneur d'être cousine de la Reine, devoit passer par la Reine. C'est ce qui a déterminé Me de Talmond à s'adresser à la Reine.

Du 7, Versailles. --- J'ai marqué dans mon journal, à la date du 6, l'arrivée de M. le premier président à Versailles, le 4. Il y a quelques circonstances à ajouter que je n'ai pas cru devoir mettre dans le journal. On savoit à

Soissons que le Roi devoit envoyer un ordre au premier président; on attendoit cet ordre dès le samedi veille de la Pentecôte et on fut même étonné de ne le voir pas arriver ce jour-là; tout cela avoit été mandé à Paris. Dans la lettre du Roi, il étoit marqué que le premier président ne passât point par Paris, qu'il pourroit venir dans l'habit qu'il voudroit, et qu'il ne vit personne. Le Roi travailla avec M. le chancelier, comme je l'ai dit, une heure avant l'arrivée du premier président; dans ce travail il dit au chancelier que le premier président viendroit, mais qu'il ne le verroit pas (lui chancelier).

J'ai dit que le Roi soupa ce jour-là au grand couvert; on sait qu'après le souper, le Roi reste quelque temps chez la Reine; c'est ce qu'on appelle la conversation. La cérémonie faite à Saint-Cyr, le mardi, de la bénédiction des abbesses donna occasion de parler de couvents de religieuses et des confesseurs, suivant les usages différents de chaque ordre. La Reine parla des Carmélites. Le Roi répondit qu'il ne devoit rien y avoir de si libre que la confession; il paroissoit très-occupé de ce sentiment, comme en ayant beaucoup parlé dans la conversation qu'il venoit d'avoir. Cette remarque est essentielle. Le temps apprendra si elle est juste.

Du 14, Versailles. On sait il y a longtemps que le premier président ayant assemblé Messieurs de la grande chambre, à Soissons, leur dit : « J'ai fait le voyage que vous savez. La bonté avec laquelle le Roi m'a écouté me fait espérer que la compagnie éprouvera bientôt les effets de sa clémence. J'ai été une heure et demie seul avec le Roi. » Dans ce moment-ci on ne sait encore rien de plus positif. Il paroit cependant dans Paris depuis quatre ou cinq jours la copie d'une lettre du Roi au premier président, et on commence à regarder cette lettre comme trèsvraisemblable; on la trouvera ci-après. Elle semble prouver qu'il y a eu une déclaration qui a été envoyée à la grande chambre; qu'ils ont délibéré sur cette décla

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ration et que le premier président a reçu ordre de venir rendre compte de la délibération; ou bien dans l'audience du premier président, le mardi de la Pentecôte, lecture a été faite par le Roi de la déclaration. Le premier président l'a emportée. Il a été délibéré sur cette déclaration; le premier président a envoyé au Roi la délibération et la lettre ci-après copiée et la réponse du Roi à la lettre du premier président.

LETTRE DU ROI AU PREMIER PRÉSIDENT.

Je jugerai de la vérité des sentiments de mon Parlement par la suite de sa conduite.

Je persiste dans le refus que j'ai fait de recevoir les remontrances, et mon Parlement doit sentir que c'est lui qui m'a forcé à ce refus par la nature des objets qu'il avoit arrêté de traiter.

Mon intention n'est point de lui interdire l'usage des remontrances; j'écouterai toujours favorablement celles qu'il me fera, lorsqu'elles auront pour objet le bien de la religion et la tranquillité de l'État et qu'elles ne contiendront rien de contraire au respect et à l'obéissance qui me sont dus. Je sens la nécessité de remédier aux maux présents de l'Église et de l'État ; je suis déterminé à employer pour y parvenir tous les moyens possibles, et je saurai punir avec la plus grande sévérité tous ceux qui oseront y mettre obstacle.

Dans cette vue j'ordonne à mon Parlement de travailler incessamment, conjointement avec les avocats, procureurs généraux, à un mémoire dans lequel ils me proposeroient ce qu'ils estimeroient être le plus utile pour le rétablissement de la paix dans l'Église et dans l'État. J'ai donné de pareils ordres à mes autres Parlements.

Jusqu'à la présentation qui me sera faite de ce mémoire, je veux et ordonne qu'il soit sursis à toutes poursuites et procédures commencées pour refus de sacrements, me réservant de faire savoir à mon Parlement quelles seront pour lors mes intentions, et je vais faire donner mes ordres aux évêques pour qu'ils contiennent ceux de leurs ecclésiastiques qui se conduisent par un zèle indiscret dont les effets seroient capables d'augmenter le trouble auquel j'ai intention de remédier.

Je veux bien accorder à la commodité de mes peuples le rétablissement de mon Parlement en ma ville de Paris, et je vais faire expédier les lettres pour ce nécessaires.

Les 29 et 30 juin, le Roi travailla avec M. le prince de

Conty, M. le cardinal de la Rochefoucauld et M. l'archevêque de Paris, séparément, vingt minutes ou environ avec chacun.

Mile Murphy.

-

JUILLET.

Les soupers avec Mme de Pompadour recommencent.
Changements et

Tapage nocturne à Compiègne. Le prince de Conty.

partis dans le ministère. Mme d'Estrades. M. de Machault. M. de Séchelles.

Du 10. - On a eu nouvelle que Me Morphise (1) est accouchée d'une fille à Paris. On prétend que la place qui est vacante pendant ce temps est remplie par une autre à Compiègne.

Le Roi recommença hier à souper dans ses cabinets avec Mme de Pompadour. Il avoit soupé plusieurs fois chez elle. M. le prince de Conty étoit de ce souper d'hier; mais il n'a pas soupé chez Mme de Pompadour. Il n'a nulle liaison avec elle. Ils se voient et voilà tout.

On joua à la Comédie-Françoise à Paris, il y a quelques jours, une petite pièce en trois actes intitulée le Souper: on dit qu'elle est de M. de Tressan, de l'académie de Nancy. Elle est tombée à cette première représentation.

Du 14.MM. le marquis de Villeroy et de Monaco ont fait du bruit dans la ville de Compiègne, et ce qu'on appelle du tapage; le Roi l'a su. Le lendemain, ils allèrent à la chasse du Roi; tous les chasseurs excepté ces Messieurs soupèrent avec S. M. Tout le monde a été fort aise que le Roi leur ait marqué n'être pas content d'eux.

Du 23. On trouvera dans mon journal l'état présent

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(1) Il s'agit de Mile Morphy ou Murphy. Voy. Soulavie, Anecdotes de la cour de France, p. 218. Mémoires de Casanova, éd. in-8o, 1833, t. m, chap. 11. - Anecdotes sur Mme la comtesse du Barry, p. 58. Barbier (édit. Charpentier, t. V, p. 351), parle dès le mois de mars 1753 de cette jeune fille. et ne trouve qu'à féliciter le Roi sur les distractions que Mme de Pompadour lui procurait.

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