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dit que tout mariage qui seroit contracté autrement seroit regardé comme illégitime et les enfants båtards. Il ajoute que depuis soixante et dix ans que cette règle subsiste, la plupart des protestants n'ont pas voulu se soumettre à cette loi, et qu'ils ont mieux aimé se marier dans des lieux inconnus et sans formalité de justice ni de religion catholique; c'est ce qu'ils appellent se marier au désert; que quelques autres se sont soumis à la loi et aux épreuves préalables qu'elle exige; et qu'aussitôt après leur mariage ils sont retournés à leurs premières erreurs; que l'utilité des mariages dans un État est trop connue pour entrer sur cela dans aucun détail; que cette utilité est encore plus grande parmi les protestants que parmi les catholiques, puisque leur religion les excluant des monastères et des ordres sacrés, la propagation chez eux doit être bien plus considérable que chez les catholiques; que même cette espèce de sujets peutêtre, par une autre considération, d'une grande utilité à l'État, puisque ne pouvant prétendre à aucunes charges, emplois ni dignités dans l'État, ils sont forcés, en quelque manière, de se livrer entièrement à l'agriculture, au commerce et à tous les arts utiles. Ils payent aussi régulièrement que les catholiques, et sans murmurer, toutes les charges de l'État; cependant ils y éprouvent un traitement rigoureux puisque leurs mariages n'étant autorisés ni par l'Église ni par le prince, leurs enfants n'ont point d'état; et leurs successions peuvent toujours être disputées devant les tribunaux séculiers; que la sévérité de cette loi a fait sortir et fait sortir encore tous les jours un grand nombre de sujets fidèles dont la perte doit être regrettée; que l'expérience prouve que l'exécution exacte de la loi de 1685 n'a produit aucun effet utile; qu'elle a donné occasion à beaucoup de sacriléges et qu'elle a fait peu de conversions; que la force et l'autorité sont faites pour réprimer les abus, mais non pour convertir les cœurs; qu'on ne peut en venir à bout que par les ins

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tructions, les exhortations et les exemples, et que c'est de Dieu seul qu'il faut attendre le succès. L'auteur cite plusieurs autorités respectables pour prouver que l'on doit distinguer dans le mariage le contrat civil et le sacrement; que le premier peut être autorisé par les lois du prince, en expliquant l'édit de 1685; qu'on ne donneroit par là aucune atteinte à la religion, puisqu'on ne permettroit aucun exercice ni public ni particulier aux protestants; qu'on empêcheroit seulement la profanation du sacrement. Toutes les expressions sont ménagées avec tant d'art dans cet écrit que le Clergé même ne peut s'en offenser.

J'oubliois de marquer que l'auteur prétend qu'il y a environ trois millions de protestants dans le royaume et que depuis soixante-dix ans il s'est bien fait 150,000 mariages sans aucune forme qui ait pu autoriser la légitimité. On ne prétend pas qu'il n'y ait beaucoup de réponses à ses raisonnements, mais il paroît qu'on regarde aujourd'hui cette affaire comme digne d'une grande considération.

Du samedi 22. - On apprend par une lettre de Rotterdam du 18 de ce mois qu'il y a eu en cette ville un tremblement de terre qui a duré trois minutes et a fait échouer plusieurs navires dans le port les uns contre les autres; il n'y a eu qu'un seul vaisseau danois qui ait péri, encore par la faute du capitaine, qui ne s'y est pas trouvé; il n'y a pas eu d'autre dommage.

Le colonel York, ambassadeur d'Angleterre, a demandé à Leurs Hautes Puissances une audience pour leur donner part que le roi d'Angleterre poursuivoit avec vigueur la guerre contre les François dans le Canada et qu'il approuvoit toutes les prises faites sur la nation françoise, qu'il exhortoit LL. HH. PP. à veiller à leurs intérêts, et qu'il apprenoit avec peine que les Hollandois restoient dans l'inaction au lieu d'augmenter leurs troupes de terre et de mer. Que le roi seroit au désespoir d'être obligé d'agir contre les vaisseaux françois qui se

trouveroient dans leurs ports; qu'il avoit appris qu'on batissoit plusieurs vaisseaux de ligne sous le nom de quelques particuliers françois, et qu'il espéroit que l'étroite alliance qui régnoit depuis si longtemps auroit toujours la même force.

Le président de semaine de LL. HH. PP. répondit en peu de mots qu'ils avoient résolu d'observer en entier le traité d'Aix-la-Chapelle, dont ils étoient garants; qu'ils étoient surpris et trouvoient extraordinaire que la nation angloise attaquât des vaisseaux françois sans aucune déclaration de guerre, et qu'elle cherchat à allumer une nouvelle guerre et à replonger toute l'Europe dans ce malheur.

M. de Broglio le fils fut présenté hier ou avant-hier par son père, qui n'a été présenté lui-même que depuis quinze jours. Pour entendre la généalogie de MM. de Broglio il faut un petit détail. Le premier maréchal de Broglio avoit un frère, nommé M. de Revel, qui avoit épousé une sœur de feu M. le duc de Tresmes, père de M. le duc de Gesvres d'aujourd'hui. Le premier maréchal de Broglio, mort en 1727 à l'âge de quatre-vingts ans, n'eut le baton de maréchal de France qu'en 1724. Il avoit épousé une fille de M. de Basville, premier président du parlement de Paris; il en eut sept enfants : 1° [ le marquis de Broglio qui fut tué au siége de Charleroy en 1693 (1); 2o le marquis de Broglio; 3° le comte de Buhy, qui fut ambassadeuren Angleterre, et depuis maréchal de France; il s'appeloit le maréchal de Broglio; 4° l'abbé de Broglio abbé des Vaux-de-Cernay, agent du Clergé en 1710 jusqu'en 1720, et promoteur à l'assemblée du Clergé en 1723; il est vivant. Les cinquième et sixième enfants furent tous deux chevaliers de Malte; l'un mourut en 1751, l'autre en 1719. Le septième fut une fille qui épousa M. Riquet

(1) Voy. Journal de Dangeau, tome IV, p. 362.

de Bonrepos et qui mourut en 1699, ne laissant qu'une fille unique.

M. le marquis de Broglio, le second des enfants de M. le maréchal, fut d'abord destiné à l'église, et fut bachelier en théologie; mais il quitta l'habit ecclésiastique à la mort de son frère aîné; il épousa une des quatre filles de M. Voisin, depuis ministre et chancelier de France; il en eut un fils et une fille. Le fils est M. de Broglio, présenté il y a quinze jours; la fille est Mme de Lignerac. Ce M. de Broglio, frère de Mme de Lignérac, a épousé une fille de feu M. de Besenval (1), colonel des Suisses; c'est de ce mariage qu'il a eu ce fils qu'il présenta hier et avant-hier et qui a une jolie figure.

J'ai dit que le grand-père de ce jeune homme étoit le fils du premier maréchal de Broglio, et que le comte de Buhy, nommé depuis maréchal de Broglio, étoit le troisième fils du premier maréchal. Ce second maréchal de Broglio avoit épousé Thérèse Gillette Loquet de Grandville, dont il a eu trois garçons et une fille; cette fille a été mariée à M. de Bussy-Lameth. Des trois garçons, l'un est M. le duc de Broglio, marié deux fois, la première avec Me du Bois, morte à Vincennes le 15 décembre 1751, et en secondes noces, le 9 avril 1752, avec Mlle de Thiers, sœur de Mmes de Béthune. [Les deux autres sont : ] M. le comte de Broglio, actuellement ambassadeur à Dresde, qui n'est point marié, et M. de Revel, qui a épouse Me Savalette.

J'ai marqué que M. le marquis de Broglio avoit épousé Mile Voisin. Des quatre filles de M. Voisin, l'aînée avoit épousé M. de La Rochepot et est morte sans enfants; une autre épousa M. de Leuville, mort en Bohême, et mourut le 28 février 1748; des deux autres filles, l'une épousa M. de Broglio et l'autre M. le comte depuis duc de Châtillon, qui ne laissa qu'une fille, qui étoit Mme la duchesse de Rohan, dame de Mme la Dauphine.

(1) On prononçait Beuzeval.

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Du dimanche 23, Paris. Me de Cambis, la nouvelle mariée (Chimay), a été présentée aujourd'hui par Mme de Cambis (Gruyn). Ce mariage a été fait à Bellevue par Me de Pompadour. Il y avoit 30 ou 40 personnes à la noce. Tous les ministres et secrétaires d'État y étoient. Ce fut le curé de Meudon qui fit le mariage dans la chapelle de Bellevue; le repas fut un diner. Il y eut une table de 30 couverts et une autre de six personnes. On commença à jouer avant le diner, on joua encore après, et tout le monde s'en alla à six heures. La mariée avoit couché à Bellevue, et après le mariage les mariés vinrent coucher à Versailles. M. de Cambis le nouveau marié s'appelle d'Orson; sa mère est Bernis; elle n'est ni sœur ni nièce de l'abbé de Bernis, mais de même famille. La grand'mère maternelle de M. de Cambis (d'Orson) étoit Baschi, sœur de M. du Cayla. M. du Cayla avoit épousé une d'Estrades, sœur de feu M. d'Estrades. M. d'Estrades avoit épousé, comme on le sait, une Me le Normand, sœur de M. de Tournehem et de M. le Normand, père de M. d'Étiolles et de Mme de Baschi; ainsi Mme de Baschi est bellesoeur de Mme de Pompadour, et Mme d'Estrades, qui a été dame d'atours de Mesdames, est par son mari cousine germaine de Mme de Pompadour. Tout ce détail d'alliance ne fait pas une véritable parenté entre Mme de Pompadour et M. de Cambis, mais une raison d'y prendre in

térêt.

J'ai parlé de M. de Bernis, qui a épousé Me Pelet de Narbonne, amie de Mm la princesse de Rohan, et j'ai dit qu'il est de même nom que l'abbé de Bernis; ce M. de Bernis, nouveau marié, est plus proche parent de M. de Cambis que l'abbé de Bernis.

Il est arrivé depuis peu deux aventures sur mer qui méritent d'être racontées. Quoique les Anglois actuellement ne prennent pas beaucoup de nos vaisseaux marchands, ils profitent cependant de toutes les occasions de s'en rendre maitres.

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