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flagrante et durable d'un article des traités de Vienne. Ce fait se liait au renversement des idées d'humanité que ces traités avaient consacrées, et qu'il appartenait à la France de faire respecter. La religion était aussi attaquée; le culte grec avait été mis violemment sous l'autorité d'un synode grecorusse; la loi civile ne reconnaissait plus le culte catholique.

«Si une puissance colossale, ajoutait l'orateur, absorbe ainsi à son profit 13 millions de sujets, le congrès de Vienne a fait plus qu'il ne eroyait; il a été plus imprudent qu'on ne saurait dire. Il a créé, non pour menacer l'Asie, mais pour menacer l'Europe centrale, l'Europe civilisée, une force irrésistible, incalculable; contre ce danger, qui n'est pas une déclamation, qui est un fait matériel, un fait notoire. Je ne prétends pas sans doute que les insistances diplomatiques soient un remède suffisant, mais la publicité de ces insistances est un avertissement pour l'Europe. »

En se résumant, M. Villemain demandait, si, relativement à Cracovie, il avait été fait une démarche conforme à la gravité irremédiable de la dernière infraction.

Suivant M. le président du Conseil, le Gouvernement avait fait tout ce qu'il avait pu faire sans sortir du cercle de la négociation, et la Russie avait justifié, par des circonstances transitoires et puissantes, les mesures qui avaient été prises à l'égard de Cracovie.

M. le comte de Tascher, rappelant la proposition qu'il avait déjà faite, qu'un agent français fùt immédiatement envoyé à Cracovie, M. le ministre répondit que cette proposition ne lui paraissait pas devoir être introduite dans une adresse, alléguant que, du reste, l'Angleterre avait essayé d'envoyer un consul à Varsovie, sans avoir pule faire reconnaître. Ce paragraphe fut mis aux voix et adopté.

4 janvier.-Un amendement relatif à la Pologne, proposé par M. le comte d'Harcourt, fut rejeté après une discussion assez vive. Il était ainsi conçu:

« Nous ne pouvons nous empêcher de déplorer les malheurs d'une nation qui fut notre plus fidèle alliée, et à qui les traités les plus solennels avaient garanti un reste d'existence nationale. »

M. le comte Molé, tout en exprimant ses sympathies

pour la Pologne, repoussa cet amendement; selon le ministre, tous les réfugiés polonais avaient reçu des secours et trouvé un asile en France; mais il n'était pas prudent de hasarder une protestatio inefficace.

Après quelques raisons données par M. Villemain à l'appui du discours du comte d'Harcourt, M. de Montalembert rappelait les antécédents de la Chambre des pairs, qui pouvait, comme en 1832, protester dans son adresse contre l'anéantissement d'une nation malheureuse.

M. le comte Dejean disait que la Pologne actuelle était plutôt russe et autrichienne que polonaise, et qu'elle avait subi tant de démembrements qu'elle était aujourd'hui méconnaissable.

M. le marquis de la Moussaye ajoutait que tout était vague et indéfini dans les stipulations de 1815, relativement à la Pologne ; que ce serait se placer sur un terrain périlleux que de réclamer la stricte exécution des traités de Vienne, après la révolution de 1830 et les événements de la Belgique.

A la suite d'une énergique réplique de M. de Villemain, en faveur de l'indépendance de Cracovie, et d'une réponse de M. le comte de Pontécouland sur le danger qu'il y aurait à censurer la conduite du ministère dans une adresse, M. le duc de Broglie regardait toute protestation de la France comme nuisible à la Pologne: protester cette fois, c'était s'engager à protester tous les ans, et persister sans succès, partant sans dignité.

A l'occasion des vœux pour la fin de la guerre civile dans la Péninsule, M. Cousin désirait savoir si le ministère avait choisi entre la révolution et la contre-révolution en Espagne? s'il s'engageait à donner des secours et non des paroles. Il invoquait l'exécution du traité conclu entre les quatre puissances; puis disait-il :

Je lis dans le discours du trône que vous êtes en pleine sécurité Européenne; vous avez l'entière disponibilité de vos forces; le ministère du 15 avril, avec l'amnistie, a calmé les passions: ia France est paisible et puissante. Ministres du roi, qu'attendez-vous pour prendre en main la

cause d'une nation à laquelle nous lient et un traité solennel et de communs intérêts. »

L'orateur ne voulait ni l'intervention directe ni la coopé ration, mais l'envoi de subsides. Dans son opinion, un secours en argent serait presque aussi efficace qu'un secours en hommes, et il compromettrait moins la politique. M. Cousin concluait donc à ce qu'on garantît un emprunt espagnol.

M. le baron Pelet parlait dans le même sens, et il faisait des vœux en faveur de la continuation de la politique du 11 octobre, qui tendait à mettre un terme à la déplorable situation dans laquelle l'Espagne était plongée.

M. le duc de Noailles reconnaissait la gravité des circonstances dans lesquelles se trouvait la France, par suite de sa position récente en Afrique, position enviée par l'Angleterre. C'étaient nos premières déterminations à l'égard de l'Espagne, qui avaient poussé ce pays dans les voies où il avait failli se perdre; le principal intérêt de la France n'était pas sur le Rhin, mais sur les Pyrénées. Néanmoins l'établissement du gouvernement constitutionnel, en Espagne, lui paraissait impossible, et le ministère ne devait pas persister davantage dans la voie où il s'était engagé.

M. le président du Conseil, répliquant aux divers orateurs, mais d'abord à M. Cousin, examinait, de nouveau, le véritable sens des traités :

Je suis, disait-il, parfaitement d'accord avec M. Cousin. Le vœu du traité, c'est de faire triompher la cause constitutionnelle en Espagne; mais le traité a-t-il prétendu que la France épuiserait ses efforts au triomphe de cette cause? A-t-il imposé à la France de s'oublier elle-même, de sacrifier tous ses intérêts au succès de la lutte qui s'établissait en Espagne ?

Messieurs, la France n'a pas l'Espagne pour unique frontière; elle n'a pas seulement l'Espagne pour voisin; elle ne doit pas seulement avoir l'Espagne présente à la pensée. Je crois qu'un ministre français a pour devoir d'envisager avant tout la situation générale de son pays; d'embrasser, de réunir dans un même coup-d'œil ses rapports avec toutes les autres puissances, de calculer ses moyens d'action, ses ressources de tout genre, et de ne pas en

gager l'avenir de la Francc sans avoir apprécié toutes les chances que la situation de l'Europe permet de prévoir.

De plus, si la Frances'engageait en Espagne avec une armée, son honneur nelui permettrait plus d'en sortir que victorieuse, qu'après un grand succès.»

Le chef du Cabinet n'hésitait pas à se déclarer contre l'intervention; loin, disait-il, d'avoir fini en Afrique, on commençait; et d'ailleurs il n'était pas permis à la France de faire ou de tenter trop de politique intérieure en Espagne. Quant aux secours d'argent, il attendait le budget, afin de connaître les besoins et les ressources du pays, et continuerait la politique suivie jusqu'alors vis-à-vis de la péninsule.

Après quelques vives répliques de M. Cousin, M. Villemain soumettait en ces termes à M. le comte Molé une question importante.

«Le renversement du pouvoir et des droits de la reine Isabelle, la destruction de ce gouvernement protégé, avoué, proclamé par la France; l'installation de don Carlos sur le trône de l'Espagne au mépris des droits de la nation espagnole, au mépris de la constitution de l'Espagne, au mépris des intérêts de la France, seraient-ils considérés par le ministère comme un cas de guerre ? »

Sur cette question décisive, interpellé très-vivement par MM. Cousin et Villemain, le président du Conseil répondait, qu'il ne déclarait pas ainsi la guerre, que la prudence lui ordonnait d'attendre les événements, pour se prononcer. M. Molé répétait enfin ce qu'il avait dit l'année dernière à la Chambre des députés, que le triomphe de don Carlos pourrait être à ses yeux un cas de guerre, suivant la situation où se trouverait alors la France.

A l'occasion de la question d'Afrique, M. de Gasparin énumérant toutes les difficultés d'une prise de possession, était d'avis d'abandonner Constantine, après l'avoir démantelée et rendue incapable de résistance. La position purement continentale, le climat délétère de l'Algérie lui paraissaient devoir engager le Gouvernement à cette mesure; car la Ann. hist. pour 1838.

2

France ne savait pas imiter l'Angleterre dans le grand art de coloniser et de conserver ses conquêtes.

M. Mérilhou venait ensuite sommer le ministère de conserver l'Algérie, en ce que cette conquête avait eu toutes les sympathies de la France; le Gouvernement devait donc déclarer s'il était toujours dans l'intention de conserver cette colonie?

Sur ce doute de conservation exprimé par l'orateur et plusieurs autres membres, M. le président du Conseil s'expliquait ainsi :

« L'honorable auteur de l'amendement a conçu des inquiétudes qu'il a exprimées avec talent et avec chaleur, mais dont je ne m'explique pas bien la source. Comment! c'est en reconnaissant que tous les présidents du Conseil, tous les ministres quelconques qui ont parlé d'Afrique à la tribune, ont dit que jamais la France ne pouvait songer à abandonner l'Algérie; c'est lorsque nous venons de prendre Constantine et de porter 49,000 hommes en Afrique, au lieu de 23,000 autorisés par le budget; c'est quand nous avons pris autant sur nous pour affermir notre puissance dans la régence, qu'on vient nous dire : Vous craignez la responsabilité, vous craignez de vous engager, rassurez-moi, et déclarez si vous ne pensez pas à évacuer Alger. En vérité, je suis prêt à répéter une fois de plus ce que nous avons déjà répété si souvent; mais je craindrais que tant de répétitions ne fissent naître le doute. »

M. Mérilhou insistait de nouveau pour que la Chambre des pairs déclarât, à l'exemple du ministère, sa volonté ferme de maintenir nos possessions en Afrique.

M. Villemain, en reconnaissant l'utilité de l'Algérie comme établissement militaire et comme colonie, regardait encore ce pays comme un champ de bataille nécessaire à l'activité de nos soldats et à l'apprentissage pratique de la guerre. Sous ce point de vue il voulait encore la conservation de notre conquête.

L'amendement de M. Mérilhou ayant pour but de demander que l'Algérie fût définitivement unie à la France par une loi, fut rejeté.

Relativement aux affaires d'Haïti, le comte de Noailles manifestait le désir de voir dans l'Adresse l'expression d'une plus grande sympathie envers les anciens colons de SaintDomingue, qui étaient tous des Français.

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