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font des œuvres, & des œuvres diftinétes de la foi; & dans leur idée elles renferment les premiers actes de toutes les vertus Chrêtiennes, foi, charité, efperance, humilité, &c. Car il eft impoffible d'être vrai penitent & contrit, que l'on n'aime Dieu en quelque degré de veritable amour, que l'on n'efpere en lui & en fa mifericorde ; & enfin l'on ne fçauroit être vrai converti & repentant qu'on ne foit humilié veritablement. Or comme ces premiers actes de foi, de charité, d'efperance, & d'humilitê, qui font renfermez fous l'idée de la repentance, font de veritables bonnes œuvres, fi la repentance doit préceder la juftification, il eft clair que quelques bonnes œuvres doivent auffi préceder la juftification. Il ne faut donc pas prendre à la rigueur cette Thefe de Saint Auguftin, qui a été adoptée par tous nos Theologiens, Bona opera non præcedunt juftificandum, fed fequuntur juftificatum. Čar cela fignifie feulement que cette fuite de bonnes œuvres, qui font un hon me habituellement faint & jufte, ne viennent qu'aprés la juftification, & ne la précedent pas. En effet il faut remarquer que les bonnes œuvres qui compofent la repentance devant la juftification de l'homme, ne partent pas des habitudes de vertu quifoient déja établies dans l'ame. Ce font feulement des actes qui font produits par le Saint Efprit, & par cette grace que l'Ecole appelle gratia.

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præveniens, auxilium actuale; Ainfi la difference qui eft entre les bonnes œuvres qui fuivent la juftification, & celles qui la précedent, eft tres-grande, parce que celles qui fuivent la juftification, viennent d'une grace actuelle & habituelle,& elles font l'homme veritablement jufte, puis qu'elle le font habituellement jufte, au lieu que les ceuvres qui précedent la juftification, ne font encore que des actes fans habitude, & ne peuvent par confequent donner à leurs fujets le nom de veritables juftes. C'eft pourquoi les œuvres qui fuivent la juftification,meritent beaucoup mieux que les autres le nom de bonnes œuvres, & en ce fens il eft tres-vrai de dire, bona opera fequuntur juftificatum non præcedunt juftificandum.

Au refte fi l'on confidere de prés la Theologie de Saint Paul dans la matiére de la juftification, il paroîtra évidemment qu'il n'a pas deffein d'en exclure generalement toute forte d'oeuvre: Car au moins il est certain que quand il attribuë la juftification à la foi, il entend une foi operante par charité, comme il parle ailleurs, c'est à dire, une foi qui produit efficacement les bonnes œuvres. Il faut donc confiderer la foi fous deux égards, 1. entant qu'elle eft un inftrument de reception, ou une main qui embraffe & qui fait application des promeffes. 2. comme une œuvre par laquelle on obeït au commandement que Dieu nous donne

de croire à fa parole. Sous l'un & l'autre égard, la foi contribue à la juftification. Sous le premier égard, c'est à dire, entant qu'elle eft une main qui reçoitles promeffes, on peut dire que la foi juftifie d'une maniere qui lui eft propre exclufivement aux bonnes œuvres. Mais fous le fecond égard,, c'est à dire, entant qu'elle eft une œuvre, il eft certain qu'elle n'entre point dans la juftification, autrement que quelques autres bonnes œuvres. C'eft à dire, qu'elle eft une condition que Dieu demande de l'homme avant que de le juftifier. Or les autres bonnes œuvres comme font les premieres actes dela charité, l'efperance, l'humilité, la repentance, font des conditions qui ne font pas moins requifes que la foi pour obtenir la juftification. Selon quoi il eft clair que l'on ne peut dire que l'homme eft juftifié par foi fans les œuvres de la Loi. D'où je conclus que le fens que l'on donne ordinairement à ces paroles de Saint Paul, a de grandes difficultez qui nous doivent obliger d'en chercher un plus commode.

Pour le trouver il faut d'abord voir ce que fignifie dans cette difpute le terme de juftifier; chacun fçait que le mot fe prend en deux manieres. Le 1. eft le fens du barreau, dans lequel fens le mot de juftifier signific déclarer jufte ou abfoudre. Il faut tomber d'accord qu'il fe prend en ce fens dans beaucoup de paffages de l'Ecriture, par exemple

au fixiéme verfet du Pfeaume cinquante & un. La Vulgate a tourné ut juftificeris in verbis tuis ; il eft clair qu'ici le mot de juftificeris, fe prend pour être déclaré jufte. Ainfi au dixiéme chapitre de Saint Luc verfet 29. il nous eft parlé d'un Docteur de la Loi qui fe voulant juftifier dit à Jefus,& qui eft mon prochain? Au 16. chapitre verfet 15. Jefus difoit aux Pharifiens, C'est vous qui vous juftifiez vous-mêmes devant les hommes. Au dixfeptiéme des Proverbes verf. 15. Salomon dit, que celui qui juftifie le méchant &condamne le juste, font également en abomination à l'Eternel. Au douziéme chapitre de l'Evangile de Saint Matthieu verfet 37. Par tes paroles tu feras justifié, & par tes paroles tu feras condamné Au feptiéme chapitre du Livre de Job, Comment l'homme mortelle juftifiera-t'il envers le Dieufort,&c. & au verfet 20. du méme chapitre, Si je mejuftifie, ma propre bouche me condamnera. Ileft clair que dans tous ces paffages, le terme de juftifier fe prend au fens du barreau, mais il y a plufieurs autres paffages où ce terme ne fe peut prendre en ce fens. Par exemple, au douziéme chapitre de la Prophetie de Daniel verfet 3. il eft dit, que ceux qui en'auront justifié plusieurs, réluiront comme des étoilles. Nous avons tourné qui en auront amené plusieurs à justice, mais la Vulgate Latine fuit l'Hebreu en cet endroit, & qui juftificant multos. Au dixhui

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tiéme chapitre de l'Ecclefiaftique, verset 22. nous lifons felon la Vulgate, Ne expectes ufque ad mortem juftificari, ce que nous avons touné, n'attend point d'être homme de bien jufqu'à la mort. Au vingt-deuxième chapitre de l'Apocalypfe verfet 1 1. que celui qui eft jufte fe justifie encore, celui qui est faint, foit encore fantifié. Pour peu que l'on aitd'équité,il eft impoffible dè ne pas avoüer que le mot de juftifier ne fignifie point en ces endroits abfoudre, mais qu'il fignifie plûtôt rendre jufte, devenir jufte, & paffer d'un état de damnation à un état de falut & de grace. Maintenant il s'agit de fçavoir dans lequel de ces deux fens on le doit prendre dans cette difpute de la juftification. Je ne trouve pas que le premier fens foit commode felon les intentions de Saint Paul & le but de toute la difpute; Ainfi felon mon fentiment le terme de juftifier dans cette difpute fignifie tranfporter de l'état de nature, qui eft un état de condamnation, à l'état de falut & de grace. Or comme l'état de falut & de' grace ne confifte pas fimplement dans l'abfolution que nous appellons remiffion des pechez, mais auffi dans l'infufion des qualitez & des difpofitions requifes pour être fauvez, il eft clair que le terme de juftifier doit comprendre l'un & l'autre, c'est à dire, la remiffion des pechez & la communication des difpofitions internes & inherentes.

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