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CHRONIQUE.

LE PORTRAIT DE JEANNE D'ARAGON.

Un incident est soulevé en ce moment au sujet du portrait de Jeanne d'Aragon, le célèbre portrait peint par Raphaël, et qui est conservé au musée du Louvre. Au début de l'année dernière on vendait à Londres un lot de tableaux ayant appartenu à l'impératrice Eugénie et provenant de la maison de l'empereur Napoléon III. Parmi ces œuvres d'art, dont la provenance est certaine, se trouvait une Jeanne d'Aragon, que le catalogue désignait prudemment comme « d'après Raphaël ». Or, l'acquéreur de cette toile croit aujourd'hui qu'il possède l'original et que le tableau qui est au Louvre serait de Giulio Romano.

Le fait est que deux portraits de Jeanne d'Aragon ont été peints en 1518. Brantôme, écrivant un siècle plus tard, dit les avoir vus tous deux, l'un « dans le cabinet du roi, l'autre dans celui de la reine ».

Les circonstances dans lesquelles Jeanne d'Aragon fut peinte, sur l'ordre du cardinal Bibbiena, qui voulait en offrir les traits à François Ier, sont connues, ont été rapportées par Vasari, contemporain de Raphaël lorsque Raphaël reçut la commande, il habitait Rome. Ne pouvant se rendre à Naples, où séjournait Jeanne d'Aragon, il y envoya son élève, Giulio Romano, pour prendre les croquis qui devaient servir à l'exécution de l'œuvre. D'après Vasari, la tête seule de Jeanne d'Aragon aurait été peinte par le maître, qui aurait laissé à Romano le soin de peindre le buste et les mains. De son côté, Romano fit sa propre version de la femme du prince Ascanio Colonna, et les deux toiles furent envoyées en France.

La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si le tableau conservé au Louvre est l'œuvre de Raphaël ou celle de Giulio Romano.

On peut rappeler à ce sujet que le docteur Locard a trouvé la possibilité d'identifier une œuvre peinte par les empreintes digitales qu'on peut relever sur la peinture. Et, comme l'œuvre originale fut peinte en collaboration par les deux artistes, il

serait intéressant que l'on relevât sur l'une des toiles deux empreintes.

Mais, à en juger par le catalogue du Louvre, rédigé en 1861 par Villot, l'authenticité du tableau du Louvre ne saurait faire aucun doute, bien qu'il reste « beaucoup de copies de cette œuvre ». « Lépicie dit, ajoute Villot, que le portrait de Jeanne d'Aragon, dont la tête est peinte par Raphaël et le reste par Jules Romain, fut présenté à François Ier par Hippolyte de Médicis; mais c'est une erreur, car Hippolyte de Médicis n'avait que neuf ans lors de la mort de Raphaël. Il est plus que probable que ce fut Jules de Médicis, plus tard pape sous le nom de Clément VII, qui envoya au roi le portrait d'une princesse italienne célèbre par sa beauté. »

Cette version vient à l'encontre de celle de Vasari, que nous reproduisons plus haut, et que l'existence de deux portraits de Jeanne d'Aragon, vus par Brantôme chez le roi et la reine, semble confirmer.

(Journal des Débats du 13 septembre.)

EN MARGE DE L'« ASTRÉE ». — En dépouillant un manuscrit «< informe » que conserve la Bibliothèque nationale (FF. 32.526), M. le comte Guy de Courtin de Neufbourg a retrouvé de curieuses lettres reçues par Pierre d'Hozier, le généalogiste célèbre, juge d'armes et conseiller d'État. Elles émanent d'un Forézien, François du Rozier, écuyer, sieur de Thaix, important seigneur de sa province et digne magistrat, et contiennent une foule de détails précieux sur la noblesse du xvIIe siècle. Mais on y trouve parfois des renseignements d'un autre ordre, dont l'intérêt est moins austère, et que les historiens de la littérature accueilleront avec profit.

C'est ainsi qu'en recherchant pour le compte de d'Hozier la généalogie et les origines nobiliaires d'un certain François des Goutelas, notre gentilhomme forézien est amené, en des pièces qui datent de 1654 à 1656, et que les Amitiés foréziennes et vellaves viennent de reproduire, d'esquisser la physionomie véritable d'un des personnages que Honoré d'Urfé avait introduit dans l'Astrée sous un nom supposé. François des Goutelas descend d'une honnête famille du tiers état établie à Croset, sur les confins du Forez et du Bourbonnais. Son grand-père, Jean Papon, fut, au milieu du xvre siècle, judex forensis, lieutenant général au bailliage de Forez, à Montbri

son, « sous Claude d'Urphé, l'an 1569 », et maître des requêtes de la reine. Homme de devoir et magistrat de talent, il fut << assez fameux par son savoir, et par ses écrits, et par sa charge pour donner commencement de noblesse à sa maison avec assez d'illustration », et d'Hozier vante l'« autorité », la « capacité » et la « probité » qui le firent unanimement respecter dans sa province.

Or, ce Jean Papon « aida beaucoup Honoré d'Urphé dans la composition de son roman de l'Astrée, et c'est de lui, Jean Papon, dont il est parlé dans ce roman sous le personnage d'Adamas ». François du Rozier le rappelle expressément à son correspondant, « l'incomparable Messire Pierre »; au surplus, Messire Pierre Daniel, évêque d'Avranches, l'avait déjà noté, en 1712, dans un livre intitulé: Diverses matières de religion et de philosophie.

Ce n'est ni de philosophie ni même de religion dont il est question dans cette lettre du 26 octobre 1654, où du Rozier déclare qu'il n'attend que le froid « pour mettre nos testes de cardinal en campagne ». Ceci n'apporte une contribution d'aucune sorte à l'histoire des rapports de l'Église et de l'État au temps où Louis XIV était encore mineur, et d'Hozier nous donne lui-même le mot de l'énigme : « C'étaient des fromages », inscrit-il en note, et le froid, comme on peut facilement s'en douter, «<leur est fort propre ». Louis VILLat.

(Extrait du Journal des Débats du 20 novembre 1923.)

RABELAIS A NARBONNE. Extrait du Bulletin de la Commission archéologique de Narbonne (années 1922-1923), p. 213: « M. le Dr Albarel fait une intéressante communication sur le séjour de Rabelais à Narbonne. D'un texte latin, quatre vers de Salmon Macrin, secrétaire du cardinal du Bellay et ami de Rabelais, notre collègue conjecture, et non sans vraisemblance, que l'auteur de Pantagruel aurait séjourné à Narbonne en 1531 ou 1532. A cette époque, notre cité était désolée par la peste et Rabelais pouvait bien être un de ces médecins de Montpellier que les consuls appelaient pour suppléer les chirurgiens et médecins de Narbonne qui fuyaient prudemment le fléau ou marchandaient, quand ils ne les refusaient pas, leurs services à la population, les chirurgiens et médecins «< absents « ou monopolés », comme les qualifiait un document cité par Léonce Favatier dans ses remarquables études sur la Vie

municipale à Narbonne, parues en 1914 dans notre Bulletin. Peut-être aussi que l'auteur de Gargantua n'a que traversé notre ville pour se rendre aux thermes de Limoux (Rennesles-Bains), où il a promené son joyeux Pantagruel. »

Découverte de fresques du XVIe SIÈCLE A PÉrouges (Ain). — Sous l'action des pluies qui ont détrempé les couches successives de badigeon sur les parois intérieures d'une maison sans toit du vieux Pérouges, une fresque murale, fort intéressante, remontant au XVIe siècle, vient d'être découverte. La partie mise à nu a 2 mètres de largeur sur om80 de hauteur et formait frise dans une salle du premier étage d'une ruine, appartenant actuellement à M. Émile Salomon et située dans une petite rue qui monte, face à la maison du docteur Masson, non loin de la maison de M. Herriot. Sur les mêmes murs, à la même hauteur, on devine d'autres fragments, non encore mis à nu. L'encadrement a une teinte jaune-orange et le sujet est peint en bleu-pourpre. Il s'agit là non, comme on pourrait s'y attendre, d'une représentation de batailles, ou même d'une scène religieuse, mais bien d'une paisible scène pastorale.

Dans un médaillon à gauche se voit un ménétrier jouant de la cornemuse (on croirait voir un Breton avec son biniou). A côté de lui est placé un vase de forme antique à col de cygne et dont le bouchon forme une fleur de lis. On devine que le vase doit certainement contenir le produit de la vigne voisine, escaladant de ses pampres une belle fenêtre à meneau sur rue, et qu'il est destiné à rafraîchir le musicien, qu'un arbre symbolique abrite d'ailleurs de son ombre.

Plus loin, dans un encadrement rectangulaire, au milieu d'un décor champêtre, est un groupe de quatre danseurs, deux bergers et deux bergères paraissant exécuter un classique « branle à quatre » bressan. La première bergère porte une houlette. Le costume masculin est celui des paysans de l'époque : blouse serrée à la taille. Les deux personnages de droite sont incomplets. A droite et en bas se voit une inscription en latin aux trois quarts effacée, en caractères gothiques, qui contient, assez visiblement écrite, la date 1574.

Le Comité du Vieux-Pérouges prend toutes précautions utiles pour assurer la protection de ce document, précieux témoignage de l'art primitif des décorateurs de la cité à cette époque.

(Nouvelliste de Lyon du 12 octobre 1923.)

PEINTURES MURALES.

En procédant à des remaniements à l'église paroissiale, M. l'abbé Guichard, curé de Saint-Forgeux-l'Espinasse (Loire), a découvert des peintures intéressantes, qui se divisent en deux parties, de dates différentes.

C'est d'abord la représentation d'une sainte assise sur un siège sans dossier. Ses attributs indiquent sainte Agnès. La scène suivante est un baptême du Christ. La peinture est exécutée sur une couche de crépi extrêmement mince; le dessin est sommaire, les couleurs sont peu variées. Il semble qu'on se trouve devant des compositions du début du xve siècle.

Une autre partie de la décoration murale paraît plus récente. Elle représente un saint Claude avec robe rouge et mitre blanche, debout derrière un tombeau peint en jaune d'où sort un corps que le saint se dispose à bénir. Plus loin, l'on voit une Notre-Dame de Pitié avec nimbe jaune d'or, robe rouge et voile blanc.

Il s'agit ici d'une œuvre du xvie siècle.

Les découvertes de Saint-Forgeux-l'Espinasse sont de nature à faire désirer que les investigations soient poursuivies. Que d'essais de nos bons vieux imagiers français restent encore ignorés sous les couches profanatrices de barbares badigeons! (Journal des Débats du 21 novembre 1923.)

UN ÉTUDIANT FRANÇAIS A LEYDE DU TEMPS DE Scaliger. L'Université de Leyde, créée à la fin du xvIe siècle, acquit rapidement une grande faveur auprès de la jeunesse studieuse, parce que curateurs et bourgmestres surent consentir tous les sacrifices nécessaires pour attirer les plus réputés savants d'Europe. Scaliger, qui y professait en 1593, où il devait donner l'enseignement à la fois en latin et en français, fut tout de suite entouré d'une quarantaine de Français venus de Poitou, de Saintonge, de Guyenne et de Gascogne.

Parmi eux se trouvait Jean Grenon, le futur avocat au présidial de La Rochelle, ensuite procureur du roi en l'Amirauté. Grenon pouvait avoir dix-neuf ou vingt ans quand il arriva à Leyde. Il venait y suivre les cours de droit et très probablement de littérature, au moins latine et grecque; il ne semble pas avoir nourri, par contre, une sympathie quelconque pour l'hébreu. Ce qui permet de l'affirmer, c'est l'Album amicorum de l'étudiant, qui est arrivé jusqu'à nous et que présentait récemment M. Ch. Dangibeaud à la Société de Saintonge et d'Aunis.

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