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FRÈRE NICOLAS LE CONTE

CÉLESTIN, MINIATURISTE

La bibliothèque Mazarine possède, sous le no 391, un manuscrit du xvIe siècle, que rien, peut-être, ne recommanderait particulièrement à l'attention, s'il n'arrivait qu'un heureux concours de circonstances permit de déterminer non seulement sa provenance et sa date exacte, mais aussi l'auteur de ses miniatures.

C'est un livre de choeur de 103 feuillets de très grande dimension, ne mesurant pas moins de om76 de hauteur sur om58 de largeur. Il contient un choix d'offices pour les différents jours de la semaine et pour les différentes fêtes.

Le volume, comme tous les livres qui ont beaucoup servi, a subi bien des détériorations : il y a des lacunes et, de certains des feuillets primitifs en vélin, les marges seules subsistent; on les a utilisées comme un cadre dans lequel on a collé une feuille de papier à la place du vélin absent, papier sur lequel le texte a été récrit. Un accident de ce genre est arrivé aux trois premiers feuillets dès le XVIe siècle. Les dix derniers, eux, ne remoutent qu'au début du xvIIIe siècle et ont été évidemment ajoutés à cette époque pour remplacer les feuillets primitifs qui avaient été arrachés.

La partie du xvre siècle, la seule dont nous nous occuperons, est ornée de nombreuses initiales en couleurs et de quatorze grandes initiales contenant des miniatures.

La date de 1549 se lit sur plusieurs feuillets, accompagnée parfois de l'emblème des Célestins, une croix autour de la hampe inférieure de laquelle s'enroule un S'. On

I. Fol. 29, 34, 52, 81 vo, etc.

REV. DU SEIZIÈME SIÈcle. xi.

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rencontre aussi, plusieurs fois répété, un monogramme formé des trois lettres N. L. C. surmontées d'une couronne, qu'il est facile d'identifier.

Il y a, en effet, à la bibliothèque de l'Arsenal un manuscrit provenant aussi de la bibliothèque des Célestins de Paris, en tête duquel on trouve exactement le même monogramme. C'est le manuscrit 113: Secunda pars officii nocturnalis secundum seriem et modum cantandi in monasterio Celestinorum Parisinorum. Ce manuscrit est signé

«

et daté, grâce à une note qu'il renferme, ainsi conçue << Faciebat totum in XLa diebus frater Nicolaus Le Conte, anno domini 1566. » Les initiales N. L. C. du monogramme qui est en tête ne sont évidemment qu'une forme différente de cette signature. Il suit de là que c'est aussi le célestin Nicolas Le Conte qui a écrit, en 1549, le manuscrit de la Mazarine, et la couronne qui surmonte le monogramme n'a pas été choisie au hasard : c'est une couronne comtale, transparente allusion au nom du copiste'.

1. Cette couronne, au moyen âge, est constituée, il est vrai, par un bandeau surmonté d'un rang de perles. Le rang de perles est ici supprimé. Modification plutôt rare, mais pas unique dans les temps modernes, et M. Max Prinet, avec son obligeante érudition habituelle, a bien voulu m'en indiquer un autre cas et également du xvi siècle au vitrail de l'incrédulité de saint Thomas, décorant

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NICOLAS LE CONTE PRÉSENTÉ PAR SAINT NICOLAS

A SAINT BENOÎT ET A SAINT ANTOINE

(Bibliothèque Mazarine, ms. 391, fol. 19).

Mais Nicolas Le Conte n'était-il qu'un vulgaire copiste? Je suis tenté de croire le contraire en examinant l'une des miniatures.

Au folio 19, un O initial renferme une scène décrite en ces termes par Auguste Molinier dans son Catalogue: «< Un moine augustin présenté par saint Augustin à saint Antoine, ermite. » Il n'est pas nécessaire d'être très versé en iconographie pour remarquer à gauche les trois petits enfants ressuscités et reconnaître auprès d'eux, non pas saint Augustin, mais saint Nicolas; et le religieux qui est à ses pieds n'est pas un augustin, mais un célestin c'est Nicolas Le Conte lui-même. Les deux autres saints sont saint Benoît et saint Antoine.

Nicolas Le Conte est encore représenté au folio 45, toujours accompagné de son saint patron, mais présenté cette fois à la Vierge.

Ce double portrait ne s'expliquerait guère si l'on ne supposait que Nicolas Le Conte s'est peint lui-même, c'est-àdire qu'il était à la fois copiste et miniaturiste.

S'il subsistait d'ailleurs à ce sujet le moindre doute, diverses mentions que j'ai relevées dans les comptes des Célestins, conservés tant à la Bibliothèque nationale qu'à la bibliothèque de l'Arsenal, suffiraient, je pense, à le détruire.

Ces comptes s'échelonnent de 1542 à 1552 à la Bibliothèque nationale (ms. fr. 24078) et de 1562 à 1570 à la bibliothèque de l'Arsenal (ms. 3700). On y trouve maintes fois répétées des mentions comme celle-ci :

<< En peintures à frère Nicole Le Conte, xIII s. », en juin 1546.

On trouve même une fois, novembre 1546, la mention suivante: « En patrons à frère Le Conte, I s. 6 d. », qui prouve que Nicolas Le Conte ne devait pas se borner à

dans l'église de Brou la chapelle de Gorrevod, les armes du donateur, Laurent de Gorrevod, comte de Pont-de-Vaux, conseiller de Marguerite d'Autriche et gouverneur de Bresse, sont surmontées d'une couronne comtale identique à la nôtre.

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