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tant une erreur dans laquelle sont tombés le P. Antoine Becquet' et d'autres à sa suite.

Le talent trop facile de Nicolas Le Conte ne dépasse pas, il faut le dire, la banalité courante à l'époque, et sans doute se sentait-il même incapable de rendre une physionomie dans sa ressemblance et sa vérité, car on ne constate que trop, par son propre portrait, dépourvu de toute individualité, qu'il ne s'y est pas essayé.

Dessin sommaire et souvent défectueux, couleurs brillantes largement rehaussées d'or, mais sans harmonie, ornementation d'un goût peu sûr malgré ces défauts notoires, certaines de ses miniatures offrent du moins l'intérêt de prêter à quelques observations iconographiques.

L'une d'elles est désignée par Auguste Molinier comme le couronnement d'un pape. Comme elle est en tête de la messe de saint Pierre-Célestin, on est amené naturellement à supposer qu'il s'agit du couronnement de Célestin V, fondateur de l'ordre des Célestins, et cela est confirmé par le nimbe, il est vrai très peu visible, sur lequel se détache la tiare. J'ai eu récemment l'occasion d'attirer l'attention sur un tableau du Louvre représentant le même sujet et de démontrer qu'il avait été peint vers 1530 pour le couvent des Célestins de Marcoussis. Dans le tableau du Louvre, on remarque la présence du roi et de l'empereur, ce que j'avais expliqué en rappelant les conditions dans lesquelles avait eu lieu l'élection de Célestin V, la lutte entre les deux partis des Orsini et des Colonna, les premiers guelfes, les seconds gibelins, que cette élection semblait devoir apaiser, et je m'étais demandé s'il n'y avait pas, dans le tableau du Louvre, la persistance d'une tradition iconographique plus ancienne, en souhaitant que d'autres représentations du même sujet vinssent confirmer ou infirmer mon hypothèse. Or, ici le roi et l'empereur

1. « Gallicae celestinorum... congregationis... fundationes, virorumque vita aut scriptis illustrium elogia historica. » Paris, 1719, in-4°, p. 234-235.

2. Cf. Bulletin de la Société des Antiquaires de France, 1923, p. 103.

font défaut. Il faut en conclure ou que mon hypothèse était fausse, ou que Nicolas Le Conte qui, très vraisemblablement, connaissait le tableau de Marcoussis, s'est délibérément affranchi d'une tradition dont il ne comprenait plus le sens.

Cette miniature est tout ce qui reste d'un feuillet primitif en vélin, disparu. Elle a été collée par la suite à la place qui lui fut réservée quand on transcrivit sur papier la partie qui manquait.

Une autre miniature, mais celle-là franchement détestable, représente sainte Geneviève gardant ses moutons dans un parc. La sainte, assise, semble lire dans un livre placé sur ses genoux; de la main droite, elle tient le cierge dont la flamme est tour à tour rallumée et éteinte par un ange et par un démon.

On voit donc ici réunies en une seule image, comme au célèbre vitrail de Saint-Étienne-du-Mont, les deux façons habituelles de représenter sainte Geneviève, et cette réunion, pour n'être pas unique, n'en est pas moins rare et mérite d'être notée.

On a prétendu que le type de sainte Geneviève bergère. était né au xvie siècle, à la suite de la publication par Pierre du Pont, de Bruges, de son Genovefeum, sorte de poème épique à la gloire de la sainte, qui est le premier texte contenant une allusion au fait qu'elle avait été dans sa jeunesse occupée à la garde des troupeaux'.

le

Or, ce poème imprimé à Paris par Guillaume Le Rouge

7 des calendes de février 1512, autrement dit le 26 janvier 1513 (n. st.), est orné d'une gravure représentant saint Denis et sainte Geneviève. On s'attendrait, si l'origine du nouveau type était bien celle qu'on indique, à y voir sainte Geneviève représentée en bergère. Il n'en est rien, et nous avons encore une image de la sainte selon l'ancienne formule. C'est qu'en effet sa représentation en bergère est antérieure au poème de Pierre du Pont.

1. Cf. Ch. Kohler, Étude critique sur le texte de la vie latine de sainte Geneviève, 1881, in-8°, p. xi.

Nous trouvons exerçant à Paris en 1501 un libraire nommé Jean Hérouf, dont la boutique, à l'enseigne de Saint-Nicolas, était située rue Neuve-Notre-Dame, tout près de l'église de Sainte-Geneviève-des-Ardents, ce qui l'avait amené à prendre pour marque une gravure représentant saint Nicolas et sainte Geneviève. Or, on y voit sainte Geneviève debout au milieu d'un troupeau de mou

tons.

Le premier livre sorti des presses de Jean Hérouf, et portant cette marque, est une édition de l'ouvrage bien connu de Guy Juvénal: In latine lingue elegantias... a Laurentio Valla... proditas... interpretatio'. Daté des calendes de novembre 1512, il est par conséquent antérieur d'environ trois mois au poème de Pierre du Pont. On dira que c'est peu; cela suffit pourtant à établir que l'origine de la représentation de sainte Geneviève en bergère n'est pas celle indiquée.

Il convient au surplus de rappeler ici qu'on trouve au folio 120 vo du manuscrit 91 de la bibliothèque SainteGeneviève une représentation de sainte Geneviève qui a, le cierge en moins, beaucoup d'analogie avec celle du manuscrit de la Mazarine. C'est un missel exécuté, semblet-il, à la fin du xve siècle pour l'abbé Philippe Cousin, qui gouverna l'abbaye de 1488 à 1517, et il y a lieu de croire qu'il offre, dans cette miniature, la plus ancienne représentation actuellement connue de sainte Geneviève en bergère.

Ces simples observations, d'autres aussi plus compétentes que le temps ou l'occasion feront naître, montreront, j'espère, qu'en dépit de son rang modeste comme œuvre d'art, le livre de chœur des Célestins méritait de ne pas rester inconnu. On devait en tout cas à la mémoire du pieux moine qui s'appliqua à le décorer aussi richement, de ne pas laisser tomber dans l'oubli son nom ni son œuvre; au surplus, Nicolas Le Conte, contemporain des

1. Je dois ce renseignement à l'obligeance de M. Philippe Renouard, que je remercie vivement.

grands sculpteurs qui élevaient sous ses yeux, dans son église, les somptueux tombeaux connus de tous', ne fera aucun tort à leur gloire.

Charles BARBARIN.

1. Le dépouillement des comptes des Célestins entrepris à l'occasion de cette étude m'y a fait découvrir une date précieuse échappée jusqu'ici aux recherches des historiens de l'art. C'est celle de la mise en place de la statue de l'amiral Chabot. Elle marque évidemment l'époque à laquelle fut terminé le monument et confirme de tout point l'opinion émise autrefois par Montaiglon (Archives de l'Art francais, t. V, p. 361).

Voici donc ce qu'on lit au fol. 83 vo du ms. 3700 de l'Arsenal : « Le xvii dud. moys [juin 1565] pour avoir mys l'effigie de l'admiral Chabot en sa place, baillé à plusieurs chroceteux (sic), x s. » Je crois devoir publier incidemment ici ce texte formel.

LE VIN CHEZ RABELAIS

Rabelais a pris soin de nous faire connaître lui-même, en plusieurs endroits de son œuvre, les circonstances qui l'avaient amené à goûter, dès son âge le plus tendre, « ceste nectarique, delicieuse, precieuse, celeste, joyeuse et deificque liqueur que l'on nomme le piot » (I, ch. 1), qu'il devait célébrer par la suite en tant de passages de son immortel roman. Il était né, en effet, d'après les plus grandes vraisemblances, dans le domaine de la Devinière, près de Seuilly, qui appartenait à sa famille; il y avait passé les années de son enfance et il y revint plus d'une fois, au cours de son existence quelque peu vagabonde. Or, la Devinière comprenait un vignoble, « en la plante du grand cormier, au-dessus du noyer grollier », et ce cru produisait un « bon vin blanc », cher au cœur de l'écrivain chinonais (I, ch. xxxviii; III, ch. xxx11). C'est même auprès de cet endroit béni du clos familial que Gargantua nous déniche messieurs les pèlerins. Dès le chapitre v de Gargantua, où l'auteur a semé tant de souvenirs personnels, au milieu des «< propos des bien yvres », nous rencontrons cet éloge du produit de la Devinière :

Du blanc! Verse tout, verse de par le diable! Verse deça, tout plein, la langue me pelle. Lans, tringue. - A toy, compaing! De hayt! de hayt! — Là! là! là! C'est morfiaillé, cela. - O lachryma Christi! C'est de la Deviniere, c'est vin pineau ! - O le gentil vin blanc! Et par mon ame, ce n'est que vin de tafetas. - Hen, hen, il est à une aureille, bien drappé et de bonne laine.

Pour tenter d'esquisser le rôle du vin et du culte bachique dans Rabelais, il importe de respecter l'ordre dans

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