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Pantagruel, au chapitre xxix du Tiers Livre, qualifie de « tres docte et vertueux. » Par les soins de M. Jacoubet, cette œuvre, restée jusqu'ici inédite, est maintenant publiée et peut être consultée avec profit par tous ceux qu'intéresse l'histoire de notre Renaissance.

Boyssoné avait divisé ses dizains en trois centuries, dont une seule, la seconde, est complète. La première, qui ne comprend que quatre-vingt-huit pièces, consiste en épigrammes, traductions de traits empruntés à des poètes latins et italiens, compliments ou diatribes satiriques. La seconde centurie est un livre d'amour. La principale inspiratrice de ces dizains est une certaine Glaucie qui reste inconnue. Elle semble avoir prêté son nom à d'autres femmes, parfois même à la déesse du savoir, Minerve. Il est aisé de retrouver dans ces dizains l'influence des pétrarquistes italiens et notamment de Serafino d'Aquila, que Boyssoné a mentionné comme un de ses modèles. La troisième centurie, incomplète (elle n'a que cinquante-deux dizains), est dédiée à François Ier. Elle est composée surtout de pièces nées de circonstances politiques.

La valeur poétique de cette œuvre est fort mince; la pensée est peu originale, manque d'étoffe et s'exprime souvent en vers lourds et gauches. Tout l'intérêt de cette publication est dans les documents que M. Jacoubet a extraits du texte de Boyssoné. Ils apportent des faits nouveaux sur l'humanisme à l'Université de Toulouse et sur la vie intellectuelle et artistique de la capitale languedocienne dans la première moitié du xvIe siècle. Boyssonné a été en rapports avec Rabelais, Marot, Hugues Salel, Rus, Briand de Vallée, Gratien du Pont, le juriste avignonnais Montaigne, Guillaume de Langey, Guillaume Pellicier, etc. Tous ces noms figurent dans ses Centuries, qui apportent sur leur biographie ou leur caractère quelques traits inédits.

Elles nous renseignent également sur la vie de leur auteur. M. Jacoubet exposera prochainement aux lecteurs de cette Revue les renseignements que lui a fournis son étude sur cet ami de Rabelais. Je me borne aujourd'hui à signaler un simple rapprochement de dates : au moment où Rabelais nous déclare que Pantagruel est prêt à prendre sous sa protection le seigneur Boyssoné, « lequel il aime et revère comme l'un des plus suffisans qui soit huy en son estat, » c'est-à-dire en 1546, date de la publication du Tiers Livre, Boyssoné est engagé dans un procès avec Tabouet, procureur au Parlement de Cham

REV. DU SEIZIÈME SIÈCLE. XI.

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béry, qui le fera condamner à une amende quatre ans plus tard. Je verrais donc dans cet éloge de Boyssoné non une simple allusion au cours qu'il professa douze ans plus tôt à Toulouse, comme l'indique M. Jacoubet (p. 22, n. 4), mais une marque d'amitié et un appui que lui donnait Rabelais en attirant sur lui l'attention du roi François Ier et de la reine de Navarre, à qui le Tiers Livre était dédié. J. P.

LE BON ROI RENÉ. Regnault et Jehanneton, présenté par Maurice DU Bos. Paris, E. de Boccard, 1923. In-8°, 104 pages.

Notre confrère M. Maurice du Bos publie, dans un volume de format élégant, l'idylle en vers intitulée Regnault et Jehanneton que l'on attribue généralement au bon roi René. Sur cette attribution, il fait d'ailleurs des réserves. Il remarque judicieusement que le bon roi a signé, non sans fierté, de son nom trois œuvres : le Mortifiement de vaine plaisance, la Conqueste de Doulce-Mercy, l'Abuzé en court, tandis qu'il ne revendique nulle part cette idylle comme son ouvrage. En outre, le style en est plus alerte que celui des écrits précédemment nommés. Peut-être a-t-elle été composée par un familier du roi ou de la reine.

Dans le commentaire que M. du Bos a joint au texte de cette bergerie et dans l'introduction, on trouvera une évocation pittoresque de l'époque et de la personne du roi René. Quelle singulière figure que celle de ce prince qui aimait les livres, la peinture, les devises, les emblèmes, qui s'entourait de peintres, de nains, de bouffons et d'esclaves maures, qui créait l'ordre de chevalerie du Croissant et réglait le cortège de la Tarasque, qui attirait dans sa Provence des artistes d'Italie et un vacher d'Anjou « pour faire le beurre au plaisir du roy », qui vénérait la Madeleine et les Saintes-Maries de la Mer et idolâtrait sa femme, Jeanne de Laval! J. P.

CHRONIQUE.

LE PORTRAIT DE JEANNE d'Aragon.

Un incident est soulevé en ce moment au sujet du portrait de Jeanne d'Aragon, le célèbre portrait peint par Raphaël, et qui est conservé au musée du Louvre. Au début de l'année dernière on vendait à Londres un lot de tableaux ayant appartenu à l'impératrice Eugénie et provenant de la maison de l'empereur Napoléon III. Parmi ces œuvres d'art, dont la provenance est certaine, se trouvait une Jeanne d'Aragon, que le catalogue désignait prudemment comme « d'après Raphaël ». Or, l'acquéreur de cette toile croit aujourd'hui qu'il possède l'original et que le tableau qui est au Louvre serait de Giulio Romano.

Le fait est que deux portraits de Jeanne d'Aragon ont été peints en 1518. Brantôme, écrivant un siècle plus tard, dit les avoir vus tous deux, l'un « dans le cabinet du roi, l'autre dans celui de la reine ».

Les circonstances dans lesquelles Jeanne d'Aragon fut peinte, sur l'ordre du cardinal Bibbiena, qui voulait en offrir les traits à François Ier, sont connues, ont été rapportées par Vasari, contemporain de Raphaël : lorsque Raphaël reçut la commande, il habitait Rome. Ne pouvant se rendre à Naples, où séjournait Jeanne d'Aragon, il y envoya son élève, Giulio Romano, pour prendre les croquis qui devaient servir à l'exécution de l'œuvre. D'après Vasari, la tête seule de Jeanne d'Aragon aurait été peinte par le maître, qui aurait laissé à Romano le soin de peindre le buste et les mains. De son côté, Romano fit sa propre version de la femme du prince Ascanio Colonna, et les deux toiles furent envoyées en France.

La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si le tableau conservé au Louvre est l'œuvre de Raphaël ou celle de Giulio Romano.

On peut rappeler à ce sujet que le docteur Locard a trouvé la possibilité d'identifier une œuvre peinte par les empreintes digitales qu'on peut relever sur la peinture. Et, comme l'œuvre originale fut peinte en collaboration par les deux artistes, il

serait intéressant que l'on relevât sur l'une des toiles deux empreintes.

Mais, à en juger par le catalogue du Louvre, rédigé en 1861 par Villot, l'authenticité du tableau du Louvre ne saurait faire aucun doute, bien qu'il reste « beaucoup de copies de cette œuvre ». « Lépicié dit, ajoute Villot, que le portrait de Jeanne d'Aragon, dont la tête est peinte par Raphaël et le reste par Jules Romain, fut présenté à François Ier par Hippolyte de Médicis; mais c'est une erreur, car Hippolyte de Médicis n'avait que neuf ans lors de la mort de Raphaël. Il est plus que probable que ce fut Jules de Médicis, plus tard pape sous le nom de Clément VII, qui envoya au roi le portrait d'une princesse italienne célèbre par sa beauté. »

Cette version vient à l'encontre de celle de Vasari, que nous reproduisons plus haut, et que l'existence de deux portraits de Jeanne d'Aragon, vus par Brantôme chez le roi et la reine, semble confirmer.

(Journal des Débats du 13 septembre.)

EN MARGE DE L'« ASTRÉE ». En dépouillant un manuscrit «< informe » que conserve la Bibliothèque nationale (FF. 32.526), M. le comte Guy de Courtin de Neufbourg a retrouvé de curieuses lettres reçues par Pierre d'Hozier, le généalogiste célèbre, juge d'armes et conseiller d'État. Elles émanent d'un Forézien, François du Rozier, écuyer, sieur de Thaix, important seigneur de sa province et digne magistrat, et contiennent une foule de détails précieux sur la noblesse du xvIIe siècle. Mais on y trouve parfois des renseignements d'un autre ordre, dont l'intérêt est moins austère, et que les historiens de la littérature accueilleront avec profit.

C'est ainsi qu'en recherchant pour le compte de d'Hozier la généalogie et les origines nobiliaires d'un certain François des Goutelas, notre gentilhomme forézien est amené, en des pièces qui datent de 1654 à 1656, et que les Amitiés foréziennes et vellaves viennent de reproduire, - d'esquisser la physionomie véritable d'un des personnages que Honoré d'Urfé avait introduit dans l'Astrée sous un nom supposé. François des Goutelas descend d'une honnête famille du tiers état établie à Croset, sur les confins du Forez et du Bourbonnais. Son grand-père, Jean Papon, fut, au milieu du xvIe siècle, judex forensis, lieutenant général au bailliage de Forez, à Montbri

son, « sous Claude d'Urphé, l'an 1569 », et maître des requêtes de la reine. Homme de devoir et magistrat de talent, il fut << assez fameux par son savoir, et par ses écrits, et par sa charge pour donner commencement de noblesse à sa maison avec assez d'illustration », et d'Hozier vante l'« autorité », la « capacité » et la « probité » qui le firent unanimement respecter dans sa province.

Or, ce Jean Papon « aida beaucoup Honoré d'Urphé dans la composition de son roman de l'Astrée, et c'est de lui, Jean Papon, dont il est parlé dans ce roman sous le personnage d'Adamas ». François du Rozier le rappelle expressément à son correspondant, « l'incomparable Messire Pierre »; au surplus, Messire Pierre Daniel, évêque d'Avranches, l'avait déjà noté, en 1712, dans un livre intitulé : Diverses matières de religion et de philosophie.

Ce n'est ni de philosophie ni même de religion dont il est question dans cette lettre du 26 octobre 1654, où du Rozier déclare qu'il n'attend que le froid « pour mettre nos testes de cardinal en campagne ». Ceci n'apporte une contribution d'aucune sorte à l'histoire des rapports de l'Église et de l'État au temps où Louis XIV était encore mineur, et d'Hozier nous donne lui-même le mot de l'énigme : « C'étaient des fromages », inscrit-il en note, et le froid, comme on peut facilement s'en douter, «<leur est fort propre ». Louis VILLat.

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(Extrait du Journal des Débats du 20 novembre 1923.)

RABELAIS A NARBONNE. Extrait du Bulletin de la Commission archéologique de Narbonne (années 1922-1923), p. 213 : « M. le Dr Albarel fait une intéressante communication sur le séjour de Rabelais à Narbonne. D'un texte latin, quatre vers de Salmon Macrin, secrétaire du cardinal du Bellay et ami de Rabelais, notre collègue conjecture, et non sans vraisemblance, que l'auteur de Pantagruel aurait séjourné à Narbonne en 1531 ou 1532. A cette époque, notre cité était désolée par la peste et Rabelais pouvait bien être un de ces médecins de Montpellier que les consuls appelaient pour suppléer les chirurgiens et médecins de Narbonne qui fuyaient prudemment le fléau ou marchandaient, quand ils ne les refusaient pas, leurs services à la population, les chirurgiens et médecins << absents « ou monopolés », comme les qualifiait un document cité par Léonce Favatier dans ses remarquables études sur la Vie

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