Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub
[blocks in formation]
[blocks in formation]

1. Il s'agit de l'ordre des Cordeliers qui observaient la règle fran

ciscaine plus littéralement.

LA

COUR DE LA REINE MARGUERITE

(2 article).

DEUXIÈME PARTIE.

I.

L'ESPRIT DE LA RENAISSANCE CHEZ LA REINE MARGUERITE. SENSUALITÉ ET PLATONISme.

LES PLATONICIENS DE LA RUE DE SEINE.

Un des protégés de la reine Margot, le poète ardennais Charles de Navières, consacra un poème à chanter la ressemblance de la reine « au roy François, son aïeul » :

François aux honneurs ramantus,

Qui moins de poils avoit que de vives vertus,

et raconta comment, à la naissance de Marguerite, l'âme de son aïeul

Descendit en son corps, inspirant sa puissance,

Ses mœurs et ses façons.....

Cette fiction naïve est vraie à sa manière; les familiers de Marguerite pouvaient croire bien souvent que l'âme du roi voluptueux et lettré s'était réincarnée en sa petite-fille et, avec elle, l'âme même de son époque, cette Renaissance où l'esprit semblait, pour la première fois, prendre conscience de la joie de vivre, voulait en embrasser tous les aspects, tout voir, tout comprendre, tout savoir, tout

rev. du seiZIÈME SIÈCLE. XI.

13

aimer. C'est cette avidité universelle qui poussait Marguerite, d'un même élan passionné, vers les pures jouissances de l'esprit et le culte sensuel de la beauté, vers les voluptés de l'art, vers l'amour et vers la piété.

Son esprit avait toujours faim; elle eût volontiers étudié, comme Du Perron, « jusques à la pâmoison ». « Quand elle a entrepris à lire ung livre, dit Brantôme, tant grand et long soit-il, elle ne laisse ny ne s'arreste jamais jusqu'à ce qu'elle en ayt veu la fin, et bien souvent en perd le manger et le dormir. » Un document témoigne de la vivacité et de l'étendue de cette « curiosité » dont parle Brantôme c'est l'inventaire de la bibliothèque de la reine Marguerite, dressé en 1608, dont Saint-Poncy a eu connaissance et a donné l'analyse dans son Histoire de Marguerite de Valois.

Cette bibliothèque comprenait plus de mille volumes, manuscrits et imprimés, traitant de toutes les sciences, depuis les plus attrayantes jusqu'aux plus austères, depuis la poésie jusqu'à la théologie et la scolastique, en passant par l'histoire, la philosophie, la physique et les sciences proprement dites, histoire naturelle, mathématiques, astrologie, astronomie... Il y avait là tous les classiques, poètes, historiens, philosophes, les historiens du moyen âge et du xvie siècle, les œuvres de Dante, de Pétrarque, Machiavel, Boccace, l'Arioste, tous les poètes de la Pléiade, tous les grands théologiens saint Augustin, saint Denys l'Areopagite, saint Thomas, saint Jean Chrysostome, les controversistes, les moralistes, jusqu'à un austère Traité de l'âme du jésuite Maldonato, et bien d'autres ouvrages dont l'aridité effraierait de nos jours l'esprit le plus sérieux. C'était la réalisation du cri de Gargantua à Pantagruel: « Bref, que je voye un abisme de science!... »

Un abîme de science! C'était bien là l'ambition de Marguerite. Ambition trop passionnée, peut-être, pour être clairvoyante. La science, en dieu exigeant, ne lui permettait de faire un choix ni parmi ses disciples, c'est ce qui explique l'admiration qu'elle eut parfois pour de vulgaires pédants, ni parmi ses formes multiples,

et

et c'est ce qui explique qu'elle aidât à la diffusion d'idées qui heurtaient en réalité sa propre nature. C'est ainsi qu'elle s'intéressa au progrès des idées stoïciennes, discrètement introduites en France par ce qu'on peut à peine nommer la philosophie des Essais, tant elle est fine, nuancée et peu dogmatique, et qui se précisent et élargissent leur influence dans les premières années du XVIIe siècle. Amie de Montaigne, qui lui dédia son Apologie de Sebonde2; élève de Charron, qui fut en Gascogne son prédicateur ordinaire, elle trouva dans leurs idées un nouvel aliment spirituel, et c'est elle qui encouragea d'Urfé à écrire ses Epistres morales, toutes stoïciennes d'inspiration, et qui demanda au Père Jean de Saint-François sa fameuse traduction des Propos d'Epictète, qui parut en 1609. Quel écho pouvait donc éveiller, dans cette voluptueuse nature, la morale la plus austère de tous les temps? Aucun, assurément. Mais il suffisait que ce fût une manifestation de la pensée pour que Marguerite l'adoptât d'enthousiasme, comme elle adoptait un serviteur << sur la seule réputation qu'il avoit d'estre docte ».

Avec tout ce qui pouvait satisfaire son esprit, elle aimait tout ce qui pouvait flatter sa sensualité délicate, la poésie, la musique, la peinture; elle aimait le luxe des palais et les parcs royaux, qu'elle appelait des « jardins de volupté » ; « ces sphères d'enchantement », dit Sainte-Beuve; « ces Iles fortunées, mi-parties d'Uranie et de Calypso... ».

Elle avait le culte de la beauté sous toutes ses formes, et comme elle était belle, elle avait le culte d'elle-même. Dans une lettre à Champvallon, elle écrit avec désespoir, parlant de ses ennemis : « Races maudites et infernales, qui ternissent mes yeux par l'abondance de leurs larmes, ostent le lustre à ma beauté!... » C'est qu'elle l'entretenait, ce « lustre », avec des soins dévots. La duchesse d'Uzès, celle que Marguerite appelait sa Sibylle et qui lui envoyait à l'occasion des recettes d'eau pour le teint,

1. Sur l'identification de Marguerite avec la dédicataire de l'Apologie, voir l'article de J.-H. Mariéjols, Revue de Paris, 1 et 15 février 1922 « Marguerite de Valois en Gascogne. »>

« VorigeDoorgaan »