Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

Et l'autre qui, du Ciel, a pris son origine,
En croyant que c'estoit un fabuleux discours,
Car, pour loger ces Dieux en leurs divers séjours,
Il nous faudroit avoir deux cœurs en la poitrine;
Pour moy je cognoissois le seul fils de Cyprine,
Qui, de ses feux ardans, me consume toujours.
Mais, si tost que je vois les ardeurs de vostre ame
Enfanter un Amour plein d'une saincte flame
Qui ne va respirant que la gloire des Cieux,
Alors je recogneu mon erreur manifeste,
Et à l'amour divin qui s'allume en vos yeux
Que vous estiez çà-bas ceste Venus celeste.

Il y a plus de sincérité dans le bizarre poème d'Hélye Garel La mythologie du vray amour', dédié à « la grand'Royne du Parnassid troupeau », c'est-à-dire à Marguerite. Mais le platonisme y est tellement habillé, affublé même, à la chrétienne, qu'il est méconnaissable.

La mythologie du vrai amour, c'est la distinction entre l'amour charnel, l' « Antheros » :

né des ords accouplemens

De Mars et de Vénus...

et l'amour divin, Cupidon. Mais Cupidon, c'est JésusChrist, que les païens ont figuré sous cette forme par une sorte de divination; l'histoire de Psyché n'est que le mythe de la Rédemption, tandis que les emblèmes dont l'imagination païenne ornait Cupidon sont les emblèmes allégoriques des vertus du Christ :

Les ailes qui couvroient la delicate eschine
De Cupidon ne sont que la bonté divine...
... Le crespe qui seilloit la paupière amoureuse
Nous monstre quelle fut la cure soucieuse

De nous ravir au mal.....

Paris, J. Millot, 1609. On y trouve à la p. 208 le Dialogue d'Apollon et Daphné sur l'amour honneste contre l'amour vulgaire vicieux. 1. La mythologie du vray amour et le Persée devot. A la royne

Les flèches d'acier doré qui garnissaient le carquois de Cupidon donnent aux cœurs qu'elles ont atteints l'amour du Christ et des délices éternelles, tandis que les flèches de plomb engendrent

.....

les regrets qui reduisent en glace

De nos sales ardeurs l'infasme populace...

Il est difficile de retrouver Platon, même le Platon chrétien de Marsile Ficin, dans cette singulière allégorie. Hélye Garel semble pourtant avoir été le seul panégyriste convaincu de l'« honneste amour » à la cour de la rue de Seine. Marguerite, malgré ses efforts, ne put inciter ses poètes à chercher une source d'inspiration dans une doctrine qui avait profondément évolué depuis son apparition et ne se manifestait plus qu'indirectement par l'intermédiaire de la poésie pétrarquiste et du roman sentimental.

Elle eut donc à cet égard peu d'influence. Il n'en fut pas de même sur tous les points: en poésie surtout, à cette époque où une nouvelle école, dédaigneuse des gloires du passé, se groupait autour de Malherbe, la reine Margot contribua à maintenir autour d'elle le respect des traditions qu'avaient enseignées les maîtres poétiques du siècle des Valois; en face de Malherbe et de ses disciples, la cour de la rue de Seine est un centre de résistance où rayonnent toujours le nom de Ronsard, l'influence plus directe encore de Desportes, où s'organise la lutte pour la défense de leur idéal poétique.

(A suivre.)

Simonne RATEL.

Marguerite, duchesse de Valoys, etc..., par Helye Garel, angevin. Paris, François Jacquin, 1611, in-8°.

COMMENTAIRE

DE LA

XII NOUVELLE DE L' « HEPTAMÉRON »1

Dans la préface de l'Heptaméron, Marguerite de Navarre nous dit qu'elle a voulu faire, tout comme Boccace, un Décaméron, « sinon en une chose différente, c'est de n'écrire nouvelle qui ne fût véritable histoire », et que, à cet effet, dans la compagnie des « devisants » de son livre il n'entrait pas de « ceux qui auroient étudié et seroient gens de lettres »; car elle ne voulait « que leur art y fut mêlé, de peur que la beauté de réthorique fit tort en quelque partie à la vérité de l'histoire ». Ce que chacun d'eux a raconté n'est donc que « quelque histoire qu'il aura vue ou bien ouïe dire à quelque homme digne de foi ».

Entre toutes, la douzième nouvelle de l'Heptaméron est typique pour sa véracité. J'entends qu'elle met pleinement en lumière le soin que prend Marguerite de Navarre à y transcrire, jusqu'aux moindres détails, la vérité ou ce qu'elle croit tel.

Comme nous le verrons plus loin, elle tient du héros même de son histoire le récit des faits que, par l'intermède de Dagoncin, elle nous raconte dans la nouvelle. Si, sur les mobiles du drame, il y a eu désaccord entre le témoignage des contemporains les mieux informés et le sien, c'est qu'un intérêt spécial, et les circonstances dans lesquelles il se trouvait, obligea le protagoniste du drame à fournir pour la France une explication truquée, différente de celle qu'il avait donnée à la première heure en Italie. Marguerite n'y est pour rien.

1. Étude présentée à la conférence d'histoire littéraire de la Renaissance (École pratique des Hautes Études), dirigée par M. Abel

Lefranc.

L'énigmatique figure de ce Lorenzino de Médicis a suscité beaucoup de commentaires et une ample littérature, surtout théâtrale. Traité tour à tour, par les historiens, de Brutus florentin ou d'aspirant à la tyrannie, de Hamlet toscan ou de vengeur de sa sœur, de dégénéré prédestiné au crime ou de demi-fou en proie à la manie de la persécution et enfin même d'Érostrate moderne, on s'accorde à le reconnaître représentatif de son époque.

La meilleure étude qu'on en ait donnée est celle de L.-A. Ferrai: Lorenzino de Médicis e la società cortegiana del cinquecento con le rime e le lettere di Lorenzino e un appendice di documenti, Milano, Ulrico Hoepli, 1861, in-8°.

Le livre plus récent et mieux informé pour quelques intéressants détails de Pierre Gauthiez, Lorenzaccio (Paris, Fontemoing, collection Minerva, 1904, in-4o), lui doit presque tout.

Je citerai donc Gauthiez pour tous les détails et Ferrai aux questions de plus d'importance.

J'ai cru devoir présenter mon commentaire sous la forme de texte annoté comme plus convaincant pour la démonstration et plus commode pour l'exposition. A cet effet, j'ai reproduit le texte édité par Franck, presque identique à celui de Montaiglon et Leroux de Lincy.

Les commentateurs qui ne disposaient pas des études de Ferrai et Gauthiez n'ont pas donné de commentaire à cette nouvelle. Ils se sont contentés de déclarer qu'elle contient un fonds de vérité historique. >> et de fournir quelques autres renseignements biographiques, avec la remarque de Leroux de Lincy sur la date à laquelle Marguerite fait raconter à Dagoucin notre nouvelle. On la retrouvera à la note suivante.

A défaut des études de Ferrai et Gauthiez, ils auraient pourtant, en cherchant tant soit peu, trouvé les passages nécessaires de Varchi, Cellini et Brantôme. Ces auteurs se présentent naturellement à l'esprit, dès qu'on réfléchit sur le sujet.

Leroux de Lincy, Montaiglon et Franck auront couru

REV. DU SEIZIÈME SIÈCLE. XI.

14

au plus pressé, afin de donner un commentaire aux nouvelles plus hermétiques, si l'on peut s'exprimer ainsi. Ils ont, par cela même, négligé une nouvelle qui se trouve être typique, du moins j'espère pouvoir le démontrer ici, – pour la véracité des histoires contenues dans l'Heptaméron.

[ocr errors]

XIIe NOUVElle.

Depuis dix ans en ça3, en la ville de Florence, y avoit un duc, de la maison de Médicis, lequel avoit épousé Madame Marguerite', fille bâtarde de l'empereur, et pource qu'elle étoit encore si jeune1 qu'il ne lui étoit licite de coucher avec elle, attendant son âge plus mûr2, la traita fort doucement; car, pour l'épargner, fut amoureux de quelques autres dames de la ville, que la nuit il alloit voir, tandis que sa femme dormoit. Entre autres, il le fut d'une fort belle et sage dame', laquelle étoit sœur d'un gentilhomme que le duc aimoit comme lui-même et auquel il donnoit tant d'autorité en sa maison que sa parole

1. Les événements racontés dans la nouvelle ont eu lieu en 1537. Dagoucin est donc censé les narrer en 1547. Leroux de Lincy, Montaiglon et Franck l'ont signalé sans remarquer que c'était là l'explication du silence de Marguerite au sujet de la mort tragique de Lorenzino, qui fut assassiné l'année suivante à Venise par ordre de Cosme de Médicis.

2. Et même le premier des ducs de Florence: Alexandre de Médicis, bâtard de Laurent, duc d'Urbin, ou du pape Clément VII et d'une esclave du premier. Né en 1510, il fut proclamé duc de Florence en 1531. L'empereur l'avait d'abord créé duc de Penna. Il fut assassiné par le héros de notre nouvelle le 6 janvier 1537. C'était le propre frère de la dauphine, Catherine de Médicis.

3. Marguerite, bâtarde, elle aussi, de Charles-Quint et de Marguerite de Gest.

4. Née en 1522, mariée en 1536, elle avait donc quatorze ans, ou presque, à son mariage et n'avait pas atteint quinze ans à son veuvage.

5. Elle fut d'ailleurs remariée l'année suivante avec un Farnèse, âgé... de douze ans.

6. Il s'agit de la sœur aînée de Lorenzino: Laudomine, veuve d'Averardo Salviati, née le 8 août 1518 et mariée en premières noces au Salviati en 1532.

On trouvera plus loin la référence pour ce qu'en dit Brantôme. Quant à Varchi, il la qualifie d' « excessiva bellezza ». Marguerite, qui la connaissait bien à l'époque où elle écrivit la nouvelle, lui est tout au long très favorable.

« VorigeDoorgaan »