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J'interromps ici la reproduction du texte de Marguerite. Ce qui suit n'est que la conversation habituelle des devisants de l'Heptaméron après leurs récits. Nous n'avons rien à apprendre ou à commenter de cette conversation, mais on peut quand même en reproduire un fragment qui en dit long sur l'effet de l'acte de Lorenzino à la cour de France et de l'opportunité, voire même de la nécessité, qu'il y avait pour lui, afin de se ménager au moins la sympathie des dames, de lui donner un mobile qui fût de nature à y être tenu pour chevaleresque :

Cette histoire fut bien écoutée de toute la compagnie, mais elle y engendra diverses opinions : car les uns soutenoient que le gentilhomme avoit fait son devoir de sauver sa vie et l'honneur de sa sœur, ensemble d'avoir délivré sa patrie d'un tel tyran; les autres disoient que non, mais que c'étoit une trop grande ingratitude de mettre à mort celui qui lui avoit fait tant de bien et d'honneur. Les dames disoient qu'il étoit bon frère et vertueux citoyen; les hommes, au contraire, qu'il étoit traître et méchant serviteur et faisoit fort bon ouïr alléguer les raisons de deux côtés. Mais les dames (selon leur coutume) parloient autant par passion que par raison, disant que le duc étoit digne de mort et que bien heureux étoit celui qui avoit fait le coup...

Quant à notre conclusion, elle s'impose d'elle-même. Marguerite a reproduit ce que Lorenzino lui a raconté. Loin d'avoir changé ou inventé quoi que ce fût à son rapport, elle a tout reproduit avec une telle fidélité que les moindres détails y subsistent; par quoi la nouvelle XII est bien une preuve typique de la véracité de Marguerite dans son Heptaméron.

Alexandre RALLY.

Il y a une quinzaine de pièces de théâtre ayant dans leur titre soit le nom de Lorenzo soit celui du duc Alexandre. Je puis ajouter deux indications à cette liste déjà si riche: 1° Giovacchino Forzano Lorenzino », dramma, Milano, Trèves, 1923 (?), et 2° Lorenzaccio, drame, 4 actes, 2 tableaux, par Ernest Moret, d'après Alfred de Musset, éd. « au Ménestrel », sans date.

A signaler encore que Gauthiez connaissait la question du cahier rouge de George Sand, dont M. Paul Dimoff a publié et analysé le contenu dans la Revue de Paris du 15 décembre 1920.

L'AVENTUREUSE EXISTENCE

DE PIERRE BELON

DU MANS.

(5° article 1.)

CHAPITRE V.

PIERRE BELON Médecin.

I. - Les études médicales de Belon (1550).- Ses maîtres parisiens. - Son passage à Montpellier; il se lie avec Rondelet. Il prend ses grades à la Faculté de Paris; sa réception à la licence (18 mai 1560).

II. Les idées médicales de Belon: il ne croit point aux sorciers. Il réprouve le charlatanisme spagirique. Belon thérapeute sa confiance naïve dans l'antique zoothérapie. Il blame l'usage de la momie. Polémique avec Matthiole. Ce qu'était la vraie mumie. hygiéniste.

· Belon

I.

Tout en continuant sa mission de naturaliste, Belon poursuivait, à bâtons rompus, ses études médicales. Il se mit sur les bancs de la Faculté de Paris et prêta, pour commencer, le serment qu'elle exigeait préalablement de ses suppôts, à savoir « qu'ils ne [seroient] sectateurs des hérésies nouvelles, ains qu'ils se [tiendroient] fermes et stables en l'obéissance de l'ancienne Église catholique et universelle 2 ». Dès 1551, dans la dédicace, en vers grecs, de ses Estranges poissons marins, il prend le titre de phi

1. Voir Revue du XVI siècle, t. XI, p. 36. 2. Cron., fol. 89.

liâtre, c'est-à-dire d'étudiant en médecine. Et le même ouvrage rappelle qu'il avait fait publiquement, l'année précédente, au Collège de médecine de Paris, l'anatomie d'un dauphin, « lorsque Monsieur Goupil lisoit le Dioscoride en grec, avec moult frequend et tresgrand auditoire, à laquelle anatomie assista une multitude de plusieurs sçavants escoliers médecins ». Une brève expression de gratitude nous apprend qu'il fut aussi l'élève de Claude Roger, honorat[us] decan[us]2, de Philippe de Flesselles3 (lequel l'honora d'une particulière protection) et de Legrain.

Au surplus, Belon avait, à une date indéterminée, passé par Montpellier, ce qui n'a rien de surprenant si l'on pense à l'importance de cette Université dans les fastes de la botanique. «< Des savants du lieu tels que l'évêque Guillaume Pellicier ou le professeur Rondelet; des étudiants étrangers comme Léonard Fuchs, Jacques Dalechamp, Charles de l'Écluse (1551), Matthias de Lobel et les frères Bauhin; des voyageurs : Conrad Gesner, Gaspard Pilletier, Pierre Pena, Pierre Belon, l'y avaient mise ou maintenue en honneur un demi-siècle1. » C'est là, s'il ne l'avait déjà connu dans l'entourage du cardinal de Tournon, — que Belon se lia avec Rondelet, lequel lui offrit des fragments de papyrus trouvés dans l'intérieur d'une momie memphite, peut-être avec Clusius, qui fut, de 1551 à 1554, le secrétaire de Rondelet. Et son séjour est antérieur à l'année 1553, car il dit, en son De admirabili operum antiquorum... praestantia, avoir pris part, en compagnie de

1. Estr. poissons, 1551, l. II, p. 47.

-

2. Claude Roger fut doyen de la Faculté de médecine de Paris en 1526-1528 et en 1540-1542.

3. Philippe de Flesselles, docteur de la Faculté de Paris du 28 octobre 1528, professeur des Écoles le 4 novembre 1531, médecin des rois François Ier, Henri II, François II et Charles IX, mourut le 20 mars 1561 et fut inhumé dans l'église de Saint-Gervais. Il avait épousé Guillemette de Machault (Chéreau, art. Flesselles, Dict. encycl. des sciences méd. de Dechambre, t. XXXVIII, p. 396-397).

4. L. Guiraud, Le premier Jardin des plantes français, p. 273. 5. De admirabili, fol. 25 v.

médecins, de marchands et de masseurs montpelliérains, à une discussion sur le choix de la meilleure mumie1.

En 1555, à la fin de son Histoire des oyseaux, Belon réitère ses remerciments au roi, au cardinal de Tournon, au chancelier Olivier, « qui ont jusques à cy entretenu [son] estude fondée sur la médecine ». Mais si les voyages forment la jeunesse, voire l'âge mûr, ils sont moins propices au cours normal de la scolarité. Peut-être aussi, les études et l'installation professionnelle coûtant cher,que « pour l'exiguïté de son patrimoine » il n'était pas très pressé de les poursuivre. Les Commentaires de la Faculté de Paris témoignent que Belon fut, à tout le moins, un élève irrégulier. Retardé par sa mésaventure de Thionville, il n'est admis au baccalauréat que longtemps après ses compagnons d'études; il ne fait son principium qu'à la rentrée de 1557, le 16 octobre, à la fin de la messe de la Saint-Luc, nullo reclamante2. Le vendredi 1er avril 1558, il soutient sa thèse cardinale, sous la présidence de J. Goupyl3. En 1559-1560, il est encore de ceux qui in tempore non responderunt. C'est pourquoi, le 20 mai 1560, le bachelier Belon dut adresser supplique à la Faculté pour rentrer dans le curriculum universitaire. Alléguant pour son excuse que, retenu par les affaires du roi, il n'avait pu soutenir les thèses quodlibétaires d'octobre 1559, ni la cardinale, il sollicita néanmoins la faveur d'être admis à la prochaine promotion de licence. Sa requête fut exaucée, à la condition qu'il irait, d'ici là, se faire examiner en particulier au domicile de chaque docteur. Et il conquit, le 28 mai 1560, sous le décanat de Brigard, le titre de licencié en médecine de la très salutaire Faculté de Paris.

Les récipiendaires étaient au nombre de dix-huit. Son compatriote Peletier obtint le cinquième rang. Belon, modeste, se contenta du dix-huitième et dernier! La cérémonie

1. De admirabili, fol. 34 vo.

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2. Commentaires de la Faculté de médecine, reg. VI, fol. 372, anc. 370 ro. — Belon paya « stipendio lectorum : lxx s.; pour le principium et le baccalauréat, x l. x s. » (Ibid., 1557, fol. 374, anc. 372 v°) (Arch. de la Faculté de médecine de Paris, mss. 562-563).

3. Comment., reg. VII, fol. 11 (anc. 5) ro.

n'en fut pas moins brillante: pour la première fois, les Écoles avaient voulu donner un grand éclat à la cérémonie du paranymphe, en conviant MM. du Parlement, Mgr le chancelier, le prévôt des marchands et autres moindres dignitaires. Et l'assistance fut abreuvée d'éloquence cicéronienne.

Il ne semble pas que Belon ait eu le loisir de pousser ses grades au delà de la licence, et son nom ne figure point au catalogue des docteurs-régents. Au reste, le défaut de pécune et d'instruction première, peut-être une insuffisante possession des langues grecque et latine, que lui reproche Denis Lambin, lui eussent probablement interdit de pousser plus haut ses ambitions, tout au moins à Paris.

II.

La culture classique de Belon ne se traduit guère que par de rares allusions aux textes d'Hippocrate et de Galien. Mais, à défaut d'une profonde érudition, il manifeste, du moins, quelque bon sens. Fait remarquable en un temps où l'Église et la magistrature, imbues de la croyance à la sorcellerie, la réprimaient avec l'atroce rigueur que l'on sait, Belon ne partage point leur avis. Il déclare que c'est là illusion « du peuple ignorant » et que les prétendus sorciers qui « ont esté condamnez ès païs de diverses langues » sont « touts pauvres idiots hommes forcenez ». - « Une pauvre personne troublée et hors de ses sens se peut bien imaginer quelque chose supernaturelle et, estant atteinte et convaincue par tesmoings, advouer choses incrédibles à nostre esprit; mais, à la vérité, nous pensons attribuer ce vice à sa maladie; par quoy l'on doit juger d'eux comme des gens qui, par maladie mélancholique et songes fantastiques, s'imaginent diverses choses faulses qui trompent et troublent leur sens. » — « Et un homme croyant beaucoup de telles folies ne nous semble moins malade que ceux qui se les sont imaginées vrayes'. »

1. Hist. des oyseaux, p. 72-73.

REV. DU SEIZIÈME SIÈCLE. XI.

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