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LES ARMOIRIES DES RONSARD

DANS UN MANUSCRIT

DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE

La Bibliothèque nationale conserve, sous le numéro 24920 du fonds français, un manuscrit héraldique des xve et xvIe siècles, formé de trois fragments d'armoriaux auxquels on a ajouté çà et là quelques blasons, les uns dessinés, les autres peints.

Au folio 55, se voient trois écus rangés sur une même ligne. Celui du centre porte trois poissons posés en fasce. Celui de dextre, écartelé, renferme les mêmes armes au premier quartier; le deuxième quartier offre une étoile à six rais entourée de six cercles; le troisième, un fascé enté; le quatrième, un chef sur champ d'hermine. Celui de senestre est écartelé; aux premier et quatrième quartiers, il porte trois chaudrons; aux deuxième et troisième, un burelé ou un fascé, irrégulièrement tracé.

Au-dessus des deux premiers écus, se lit le nom de Ronssart ou Roussart; il est impossible de distinguer les u des n, dans cette écriture. Au-dessus du dernier écu, est écrit le mot : Paissonniere.

Il est aisé de reconnaître dans ces croquis les armoiries de la famille Ronsard et de ses alliances.

Au centre, se trouve le blason propre des Ronsard : les trois rousses d'or (ou d'argent) en champ d'azur.

1. Les gardons, appelés rosses ou rousses dans le langage populaire, ont pris place comme emblèmes parlants dans les armes des familles Rosset (Provence), Le Rosseau (pays de Liège), Rousselot (Franche-Comté), comme dans celles de la famille Ronsard (ou Roussart). Sur les erreurs qui se sont produites dans la description et

L'écu de dextre est semblable à l'un de ceux qui ont été peints sur les murs du château de la Poissonnière et qui s'y voient encore, plus ou moins détériorés'. Il renferme, avec les armes des Ronsard, trois autres blasons. On reconnaît, au deuxième quartier, les annelets de gueules et l'étoile d'azur sur champ d'or des d'Illiers des Radrets: au troisième quartier, le fascé enté d'or et de gueules des Maillé; au quatrième, le chef de sable sur hermine des Verrières. On sait que Louis Ronsard, père du poète, était né du mariage d'Olivier Ronsard et de Jeanne d'Illiers, et qu'Olivier Ronsard était fils de Jean Ronsard et de Briande de Verrières 2.

La réunion au blason des Ronsard de ceux des familles d'Illiers et de Verrières s'explique donc facilement. Mais que font là les armes des Maillé ?

Certains biographes de Pierre de Ronsard, certains généalogistes de sa famille ont pensé que c'était par une prétention injustifiée que les Ronsard avaient introduit dans leurs armoiries un quartier de Maillé3. Ils ne refusent pas de croire que Jean d'Illiers, seigneur des Radrets, ait épousé Catherine de Maillé plusieurs documents le démontrent. Mais ils veulent que Jeanne d'Illiers, mariée à Olivier Ronsard, soit issue d'une première femme du même Jean d'Illiers, qu'ils nomment Catherine d'Échelles.

La filiation qu'ils admettent n'est fondée que sur un ta

l'interprétation de ces dernières armes, on pourra consulter O. de Poli, Les armoiries de Ronsard, dans l'Annuaire du Conseil héraldique de France, 1893, p. 163-183. Je ne crois pas, comme l'auteur de ce mémoire, que les poissons rappellent le nom de la Poissonnière. Voir aussi H. Longnon, Pierre de Ronsard, p. 417-422.

1. L.-A. Hallopeau, Sur les armes peintes au manoir de la Possonnière, dans les Annales fléchoises, t. VI, 1905, p. 90-96.

2. Bibl. nat., Pièces originales 2540, dossier 56832, fol. 27, 34; Hallopeau, loc. cit.; du même, Sur les armoiries sculptées au manoir de la Possonnière, volume cité, p. 1-14; du même, Sur les ancêtres maternels de Pierre Ronsard, même volume, p. 189-192.

3. Voir Hallopeau, Sur les armoiries peintes au manoir de la Possonnière, recueil cité, p. 92; E. Vallée, Notes généalogiques sur la famille d'Illiers, dans La province du Maine, t. XII, p. 193-197.

4. Ledru et Denis, La maison de Maillé, t. I, p. 123; t. III, p. 171.

bleau généalogique qui renferme plusieurs erreurs'. Il est à croire que c'est de Catherine de Maillé qu'est née Jeanne d'Illiers et que ce sont les armes de cette Catherine que l'on trouve à la Poissonnière, non seulement peintes sur un écu semblable à celui que nous examinons, mais encore sculptées sur le linteau d'une cheminée, parmi les blasons des familles alliées aux Ronsard2.

Je crois que, dans son ensemble, l'écu de dextre représente les quatre lignes de Louis Ronsard : les deux paternelles étant Ronsard et Verrières; les deux maternelles, Illiers et Maillé. Il faut noter que l'ordre des lignes n'est pas correctement observé. En effet, les deux quartiers paternels devraient être à dextre, les deux maternels à senestre. Il faudrait que les deux quartiers de la pointe (Maillé et Verrières) fussent intervertis.

L'écu qui figure à senestre dans notre manuscrit donne les armes de la femme de Louis Ronsard, Jeanne Chaudrier. Le blason parlant des Chaudrier3 (d'argent à trois chaudrons de sable) y est écartelé d'un fascé ou burelé qui me paraît être une reproduction incomplète du blason des Parthenay (burelé d'argent et d'azur à la bande, ou baton, de gueules). De la même manière, les chaudières des Chaudrier sont jointes au burelé à la bande brochante des Parthenay sur le sceau qui a été apposé à des quittances données par Jean Chaudrier, seigneur de Cirière1,

1. Bibl. nat., Pièces originales 1556, dossier 35560, p. 147. Cette généalogie a été publiée par M. Froger (Nouvelles recherches sur la famille de Ronsard, dans la Revue historique et archéologique du Maine, t. XV, p. 224).

2. Hallopeau, Sur les armoiries sculptées au manoir de la Possonnière, volume cité, p. 8. Cf. H. Longnon, Pierre de Ronsard, p. 33, note 1; E. Vallée, loc. cit. Un écu écartelé d'Illiers et de Maillé se voit aussi sur la belle cheminée construite, en 1515, à Fleury-enVexin, par Antoine de Thibivilliers, fils de Jean de Thibivilliers et de Catherine d'Illiers (L. Régnier, Notice archéologique sur la commune de Fleury, dans les Mémoires de la Société académique de l'Oise, t. XVIII, p. 412 et suiv., 736 et suiv.; Vallée, op. cit., p. 194, note 1, 239, 240).

3. Le nom de cette famille s'écrivait ordinairement Chauderie jusque vers la fin du xv siècle.

4. Deux-Sèvres, arr. de Bressuire, cant. de Cerizay.

en 1444, 1466, 1468 et 1475'. Les armes des Chaudrier et celles des Parthenay paraissent encore réunies dans un des écus peints au château de la Poissonnière2.

Les Chaudrier ont voulu conserver dans leurs armoiries la trace d'une parenté lointaine, mais singulièrement flatteuse. Au xive siècle, Jean Chaudrier3, bourgeois de la Rochelle, plusieurs fois maire de cette ville, avait obtenu la main d'une personne de haute lignée, Jeanne, fille de Gui l'Archevêque de Parthenay, seigneur de Soubise et

1. Bibl. nat., Pièces originales 713, dossier 16363, p. 2, 4, 7, 13. 2. L'un des écus peints sur les murs de la grande salle, au manoir de la Poissonnière, porte, au premier quartier, un blason qui paraît bien réunir, sur champ coupé, les armes des Parthenay à celles des Chaudrier. D'après la description et le dessin donnés par M. Hallopeau (Sur les ancêtres maternels de Pierre de Ronsard, volume cité, p. 190), la peinture présente des incorrections héraldiques qui peuvent être le fait d'un artiste peu instruit ou peu soigneux, ou encore résulter de retouches maladroites. On a voulu, je pense, y représen ter les quatre lignes de Jeanne Chaudrier. Au premier quartier sont les armes des Chaudrier augmentées de celles des Parthenay; au deuxième, les armes (incorrectement reproduites) des Beaumont; au troisième, les armes (correctement représentées) des Rouault; au quatrième, les armes des Bonenfant (avec substitution de besants à des roses). On sait que Jeanne Chaudrier, mère de Pierre de Ronsard, était fille de Jean Chaudrier et de Joachine de Beaumont. Ledit Jean Chaudrier était fils d'un autre Jean Chaudrier (et non, comme on l'a dit, de René Chaudrier) et de Françoise Bonenfant. Joachine de Beaumont était fille de Jean de Beaumont, seigneur de Glenay, et de Louise Rouault (Bibl. nat., Pièces originales 713, dossier 16363, p. 2-17; Beauchet-Filleau, Dictionnaire des familles du Poitou, t. I, p. 377, 603; t. II, p. 328). Il est à remarquer que dans cet écu, comme dans celui où nous avons reconnu les quatre lignes de Louis Ronsard, l'ordre des quartiers inférieurs est interverti.

3. Voir sur ce personnage: Archives historiques du Poitou, t. II, p. 311, note; Beauchet-Filleau, Dictionnaire des familles du Poitou, t. II, p. 328. On dit que Jean Chaudrier fut anobli par Édouard III à la suite d'une mission dont il avait été chargé auprès de ce prince, en 1360. Le fait de la mission est certain, celui de l'anoblissement est douteux. Il est à remarquer que, en 1372, Édouard III le qualifie simplement « burgensis ville nostre de Rupella ». Voir plus loin. Dans des documents postérieurs à son décès, nous le trouvons qualifié « miles » (arrêts du Parlement de Paris, cités ci-dessous).

4. Charente-Inférieure, arr. de Marennes, cant. de Saint-Agnant.

de Taillebourg', et de Jeanne d'Amboise. Une alliance aussi inégale paraît surprenante; mais le fait est certain.

Nous en trouvons la preuve dans des actes officiels, d'une authenticité indiscutable, relatifs à un procès où les Chaudrier se sont trouvés engagés contre les vicomtes de Thouars. Il s'agissait de la succession de Guiard de Thouars qui était mort à la bataille de Crécy, sans laisser de postérité. Il avait pour héritiers naturels ses cousins germains: Louis et Jean de Thouars, frères, et Gui l'Archevêque de Parthenay. Celui-ci donna en dot ce qui devait lui revenir à sa fille Jeanne, lorsqu'elle épousa Jean Chaudrier. Pour entrer en possession de la part d'héritage appartenant à sa femme, Chaudrier eut à lutter contre Louis, vicomte de Thouars, qui s'était emparé de la totalité des biens du défunt. Les débats, poursuivis plus tard par les enfants de Jean Chaudrier contre la fille de Louis

1. Même département, arr. de Saint-Jean-d'Angély, cant. de SaintSavinien.

2. Commission donnée par Édouard III, le 18 février 1372 (et non 1373), à Thomas de Felton, sénéchal de Guyenne, et autres, pour juger définitivement le procès « dilecti et fidelis nostri Johannis Chauderier, burgensis ville nostre de Rupella, et Johanne Parthenay, ejus uxoris » (Miscellanées, dans les Archives historiques du Poitou, t. II, 1873, p. 289). Arrêts du Parlement de Paris du 3 août 1381 et du 21 juillet 1385 (Arch. nat., X1 31, fol. 78; X1 34, fol. 79). 3. Fils de Hugues de Thouars et de Jeanne de Bauçay, sa seconde femme, petit-fils de Gui, vicomte de Thouars, et de Marguerite de Brienne (fille de Jean de Brienne, comte d'Eu), il avait épousé Jeanne de Maulevrier (arrêts du Parlement, cités ci-dessus. Cf. P. Anselme, Histoire généalogique, t. IV, p. 194, 196).

4. Louis, vicomte de Thouars, et Jean, enfants de Jean I, vicomte de Thouars, et de Blanche de Brabant, petits-fils de Gui, vicomte de Thouars, et de Marguerite de Brienne (Ibid.).

5. Gui l'Archevêque de Parthenay, fils puîné de Guillaume l'Archevêque, seigneur de Parthenay, et de Marguerite de Thouars. Celle-ci était fille de Gui, vicomte de Thouars, et de Marguerite de Brienne, et sœur du vicomte Jean et de Hugues de Thouars (Ibid.).

6. Il l'assigna, le 14 octobre 1309, devant le Grand Conseil du prince de Galles, alors maître de la Guyenne (commission d'Édouard III, citée plus haut; arrêt du Parlement du 3 août 1381).

7. Hélie, Louis, Jeanne, Catherine et Marguerite Chaudrier.

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