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travailler au labourage. » Caton le Censeur, 3. Amyot ne s'attache pas tant à bien faire comprendre la forme du vêtement que la destination. Le mot wpis, tout au moins, ne paraît pas très exactement traduit par le mot jaquette, mais les deux vêtements ont ce caractère commun d'être des vêtements rustiques; ils ne diffèrent pas beaucoup l'un de l'autre, et c'est assez pour que la traduction soit justifiée.

Amyot, d'ailleurs, ne craint pas d'employer des mots précis pour traduire des mots un peu vagues, pourvu que le sens général soit respecté. Nous pouvons en voir un exemple dans cette phrase: «< Aians honte... de demourer tout un jour à requoy en robbe de chambre (dipepεúεv év iuztios), pendant que les autres vont jouer à la paume..., ils s'y en vont, et se mettent en pourpoint ou tous nuds (auvaπodúovτat), comme les autres. » Regles et preceptes de santé, 11.

D'autres exemples pourraient nous montrer les efforts d'Amyot pour rendre chaque détail de la vie des anciens. Quelquefois les expressions auxquelles il a recours peuvent donner lieu à la critique, car elles présentent les mœurs antiques sous des traits fort inexacts. Je n'en donnerai qu'un exemple. Traduire yuvatxwvītis par les cabinets des dames, c'est peut-être faire croire à tort que la condition de la femme dans l'antiquité ressemblait à celle des Françaises du xvIe siècle : « [Demetrius] ne sortoit point des cabinets des dames (ἐκ τῆς γυναικωνίτιδος) poly et mignon pour aller à la bataille. » Compar. de Demetrius et d'Antoine, 6. — « Il [Aratus] les amena depuis [les Macédoniens] luy mesme par la main en son païs, et les feit entrer jusques en son foyer propre avec les armes, voire jusques aux chambres et cabinetz des Dames (äx.pt tñs γυναικωνίτιδος). » Cléomène, 16.

Une des difficultés que rencontrent les traducteurs, c'est celle que présentent les noms de mesures, de poids et de monnaies. Aujourd'hui, presque toujours on emploie le mot ancien, ne pouvant lui trouver un exact équivalent

moderne. Amyot est plus hésitant. Il conserve souvent le mot grec, souvent aussi il y substitue un mot français. Le blé se mesure au boisseau et au minot; l'argenterie se pèse au marc; parmi les monnaies anciennes apparaissent le quadrin et la maille : « Le minot de sel se vendoit quarante drachmes d'argent, et le boisseau de bled (v uç póotog) trois cents. » Demetrius, 33. — « Estant Chef d'armee, il ne prit jamais du public plus de trois minots de froment par mois (οὐ πλέον εἰς τὸν μῆνα πυρῶν ἢ τρεῖς Αττικούς Medivous), pour la nourriture de luy et de sa famille. » Caton le Censeur, 6. «< [Rufinus] se trouva avoir en sa maison plus de dix marcs (ὑπὲρ δέκα λίτρας) en vaisselle d'argent. » Sylla, 1. — « Un de ses amoureux luy envoya (à Clodia) une bourse pleine de quadrins, qui sont petites monnoyes de billon. » Cicéron, 29. Ici, Amyot n'a pas cherché une équivalence de valeur, mais une ressemblance dans la forme des mots : quadrin est presque semblable au latin quadrans. Plutarque avait écrit : τὸ δὲ λεπτότατον τοῦ χαλκοῦ νομίσματος κουαδράντην ἐκάλουν. — « De tant d'or et d'argent qui estoit passé par ses mains, tant d'authorité qu'il avoit eue..., jamais il n'en avoit aggrandy ny augmenté sa maison d'une seule maille. » Lysandre, 30. Amyot emploie le mot maille simplement parce qu'il désigne la plus petite des pièces de monnaie. Le texte grec disait : μηδὲ μικρὸν ἐπιλαμπρύναντος τὸν οἶκον εἰς χρημάτων λόγον.

Toutes les fois qu'on étudie de près les traductions d'Amyot, on en apprécie mieux la fidélité. M. René Sturel, dans l'excellent livre que j'ai déjà cité, a démontré de la façon la plus évidente la grande valeur scientifique de la plus connue des œuvres d'Amyot, la traduction des Vies parallèles. Il nous a montré Amyot toujours occupé d'améliorer son livre, de rendre la version plus exacte et la forme plus parfaite. Mais dès les premières œuvres, dès le Plutarque manuscrit de 1547, dès les traductions d'Héliodore et de Diodore de Sicile, on pouvait reconnaitre les qualités qui devaient s'affirmer de plus en plus nettement la conscience scrupuleuse de l'érudit, sa connais

sance profonde de la langue grecque et de l'antiquité grecque et romaine, la souplesse de l'esprit, admirablement habile à tirer parti de toutes les ressources de notre langue, la sûreté du goût choisissant infailliblement l'expression juste, enfin la volonté d'être compris, qui savait résoudre les problèmes les plus embarrassants sans jamais sacrifier l'exactitude à la clarté. Dans la traduction des Euvres morales, le génie d'Amyot ne faiblit pas. J'ai cherché, dans toutes les parties de son œuvre, le cas où il avait à lutter contre une difficulté que n'ont pas connue les traducteurs modernes faire comprendre Plutarque à des lecteurs dépourvus de la connaissance même la plus superficielle de l'antiquité, éviter autant que possible l'emploi d'un mot inusité, qui pût les troubler dans leur plaisir, et pourtant ne pas trahir l'écrivain qu'il voulait leur faire connaître. Par des moyens à la fois très ingénieux et très simples, il a su atteindre son but. Aussi comprend-on bien la popularité de cette œuvre, où la société de son temps goûtait le plaisir de se reconnaître, et dont la lecture était aussi facile que celle de l'Amadis de Gaule. Les hommes les plus illustres de la Grèce et de Rome se laissaient ainsi familièrement aborder par les hommes du XVIe siècle, ravis de les trouver si facilement accessibles. Et en même temps les érudits les plus sévères n'avaient pas à se plaindre. Amyot avait réussi à moderniser le monde antique sans le défigurer. Aujourd'hui, plus habitués que nos ancêtres aux mots de l'antiquité grecque et latine, nous exigeons des traducteurs une précision plus rigoureuse. Mais si nous voulons demander à Amyot de nous aider à lire Plutarque, nous pouvons nous abandonner sans inquiétude au charme de la lecture. Les légères retouches qu'il a faites ne nous empêcheront pas de distinguer les traits véritables.

Edmond Huguet.

L'AVENTUREUSE EXISTENCE

DE PIERRE BELON

DU MANS.

(6⚫ article1.)

CHAPITRE VI.

PIERRE BELON ET LES GUERRES DE RELIGION.

I. Avènement de François 11: Olivier et Tournon rentrent en grâce; mort du roi. Avènement de Charles IX; édit de 1561; premières collisions entre catholiques et protestants; Belon à Saint-Germain et au colloque de Poissy. — Édit de janvier 1562; renvoi de Coligny et de Tournon; les chanteurs de Saint-Germain et la canne de M. le connétable; massacre de Vassy; la guerre civile; Le Mans, Lyon, Bourges et les places de la Loire aux mains des protestants.

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II. Belon à Lyon (1562); il s'enfuit à Moulins. Siège de Moulins. L'armée royale s'organise; derniers colloques diplomatiques; offensive sur la Loire; siège de Bourges. — Belon arrive devant Bourges avec M. de Montaré; sa harangue au roi Charles IX; incertitude de la situation. Belon arrêté comme espion. — Capitulation de la place; le défilé des vaincus; état de la ville. Mouvement tournant vers Orléans; reprise de Châtillon-sur-Loire et de Montargis. - Diversion anglo-protestante en Normandie; prise de Rouen et ba1. Voir Revue du XVI siècle, t. XI, p. 222.

taille de Dreux. 1563).

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III. — Belon perd ses protecteurs et ses amis; il habite comme escholier du roi au château de Madrid; il est assassiné en avril 1564. Une donation de Belon?

I.

En 1559, Henri II étant tombé sous la lance de Montgomery, François II monta sur le trône. Et, tandis que déclinait de nouveau le crédit des Montmorency, Belon voyait son protecteur Olivier reprendre les Sceaux; et Catherine, affolée du tumulte d'Amboise, prise entre les Bourbons et les Guise, rappeler d'Italie, en toute hâte, le vieux cardinal de Tournon'. Belon n'y perdit point. François II lui continua son titre d'écolier du roi. Pauvre roi, en vérité, qui ne pesait guère dans la main des Guise, et que le récent échec de la Renaudie mettait à leur discrétion!

La mort du jeune roi et l'avènement de Charles IX, âgé de dix ans seulement, ne firent qu'aggraver les difficultés. Les États généraux d'Orléans, convoqués en pleine crise, hâtivement congédiés (janvier 1561), n'y purent porter remède. Les protestants demeuraient menaçants et le devinrent plus encore quand, essayant de la conciliation, Catherine, brusquement les démusela. Succédant aux mesures de rigueur, l'édit du 24 février 1561, inspiré par L'Hospital, révoqua toutes les condamnations antérieurement portées contre l'hérésie et lui laissa le champ libre. Ce fut une explosion. Encore adversaire des « entrepreneurs » de troubles lors du coup de main de La Renaudie, Odet de Coligny évolua peu après. Suspect dès la fin de 1560, puis entraîné par son frère d'Andelot, il abandonnait ouvertement en avril 1561 la religion catholique'. Les

1. Cf. L. Romier, Le royaume de Catherine de Médicis. La France à la veille des guerres de religion, Paris, Perrin, 1922, 2 vol. in-16, t. II, p. 141 et suiv.

2. Ce fut probablement l'occasion d'une rupture définitive avec son protégé Belon, dont il était devenu quelque peu le compatriote.

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