Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub
[graphic]
[blocks in formation]

GARNIER FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS

RUE DES SAINTS-PÈRES, 6, ET PALAIS-ROYAL, 215

[blocks in formation]

OBSERVATIONS

SUR

LE THÉATRE DE BEAUMARCHAIS.

(Extrait des Causeries du lundi.)

Le Barbier fut représenté le 23 février 1775.... Le public, sur la foi des récits de société, s'était attendu à tant de rire et de folie qu'il n'en trouva pas assez d'abord. La pièce était primitivement en cinq actes, et elle parut longue; faut-il le dire? le premier jour elle ennuya. Il fut besoin, pour qu'elle réussît, que l'auteur la mît en quatre actes, qu'il se mit en quatre, comme on disait, ou plus simplement qu'il ôtât, comme il le dit lui-même, une cinquième roue à son carrosse. C'est alors que le Barbier, tel que nous l'avons, se releva et se mit à vivre de sa légère et joyeuse vie, pour ne plus mourir. Beaumarchais, en l'imprimant plus tard, se donna le plaisir de mettre au titre : Le Barbier de Séville, comédie en quatre actes, représentée et tombée sur le théâtre de la Comédie-Française, etc. Il excellait à ces malices, qui ajoutent au piquant et qui fouettent le succès.

Ce n'est pas aujourd'hui qu'un critique peut espérer découvrir quelque chose de nouveau sur le Barbier de Séville. L'auteur, en introduisant pour cette première fois Figaro, n'avait pas encore prétendu en faire ce personnage à réflexion et à monologue, ce raisonneur satirique, politique et philosophique qu'il est devenu plus tard entre ses mains: «Me livrant à mon

a

gai caractére, dit-il, j'ai tenté dans le Barbier de Séville de ramener au théâtre l'ancienne et franche gaieté, en l'alliant avec le ton léger de notre plaisanterie actuelle; mais, comme cela même était une espèce de nouveauté, la pièce fut vivement poursuivie. Il semblait que j'eusse ébranlé l'État... La nouveauté du Barbier de Séville fut bien telle que Beaumarchais la définit ici. Il était naturellement et abondamment gai; il osa l'être dans le Barbier : c'était une originalité au dix-huitième siècle. « Faites-nous donc des pièces de ce genre, puisqu'il n'y a plus que vous qui osiez rire en face,» lui disait-on. Collé, qui était de la bonne race gauloise, n'avait ni l'abondance ni le jet de verve de Beaumarchais, et il se complaisait un peu trop dans le graveleux. Beaumarchais y allait plus à cœur ouvert; et, en même temps, il avait le genre de plaisanterie moderne, ce tour et ce trait aiguisé qu'on aimait à la pensée depuis Voltaire; il avait la saillie, le pétillement continuel. Il combina ces qualités diverses et les réalisa dans des personnages vivants, dans un seul surtout qu'il anima et doua d'une vie puissante et d'une fertilité de ressources inépuisable. On peut dire de lui qu'il donna une nouvelle forme à l'esprit.

Le fond du Barbier est bien simple et pouvait sembler presque usé une pupille innue et fine, un vieux tuteur amoureux et jaloux, un bel et noble amoureux au dehors, un valet rusé, rompu aux stratagèmes, et qui introduit son maître dans la place, quoi de plus ordinaire au théâtre? mais comme tout ce commun se relève et se rajeunit à l'instant! Quel plus vif et plus engageant début que celui de la pièce, quand le comte et Figaro se retrouvent et se rencontrent sous le balcon! Dès ce premier dialogue, il y eut des gens qui vous disaient alors qu'il y avait trop d'esprit. N'a pas ce défaut qui veut. Beaumarchais nous a parlé quelque part d'un Monsieur de beaucoup d'esprit, mais qui l'économise un peu trop : lui, il n'était pas ce Monsieur-là. Il a tout son esprit à tous les instants; il le dé¬ pense, il le prodigue; il y a des moments même où il en fait; c'est alors qu'il tombe dans les lazzis, les calembours; mais le plus souvent il n'a qu'à suivre son jet et à se laisser faire. Sa plaisanterie a une sorte de verve et de pétulance qui est du lyrisme dans ce genre et de la poésie.

Les scènes de Rosine et du docteur au second acte, dans

« VorigeDoorgaan »