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année.

Leur figure colorée indique la santé (nourriture saine et sain travail), leurs costumes souillés sont parfaitement sobres,

naturels et bien peints.

Ils ont pris cette dernière benne sur un char qui tient à peu près le milieu de la toile, et qui est d'une facture franche et toute de chic. L'artiste l'a traité dans une pâte copieuse : la peinture crue du char, remis sans doute à neuf pour la circonstance, transparaît bleue et nette sous la boue grasse et bien réussie qui la salit: il y a là, sur les fers des roues, par exemple, des touches multicolores (bleu, blanc, jaune, vert, rouge, tout le prisme, toute la palette, −) harmonisées dans un ton d'ensemble artistement réaliste.

Un vigneron, juché sur l'avant de la voiture, remet en place, les unes sur les autres, les bennes de sapin, vides maintenant, mais rouges et luisantes des bavures gluantes de la vendange.

Il n'y a plus, semble-t-il, qu'à aller chercher les deux vaches d'attelage, à moins qu'on n'ait roulé le char à bras, et à retourner à la vigne faire un nouveau chargement.

Tel est ce tableau fort intéressant à mon sens : il est d'un bon dessin, d'un bon coloris, d'un bon rendu. Il va reprendre, au printemps, le chemin de Paris, où il figurera dignement au Salon il y aura, de la part des professionnels de la critique, les honneurs d'un jugement plus autorisé que le mien.

Quant à moi, qui n'y ai pas cherché des raffinements de poésie ou des évocations de gaieté rurale, j'ai ressenti, je l'avoue, devant cette peinture évidemment réaliste mais sincère, l'impression d'un raccourci synthétique de l'œuvre virile des vendanges. Hélas! en effet, les poètes imaginent volontiers que les vendanges ne sont qu'une fête folle, une bacchanale délurée, tandis qu'elles sont trop souvent, pour le pauvre vigneron, le prix

insuffisant de ses peines, le bilan désastreux de son travail ! C'est làdessus que, trop souvent, il faut payer d'abord l'arriéré de la subsistance du ménage, les dettes de la maladie ou même du pain de l'homme, de la femme et des enfants. Et comment alors resterat-il assez pour vivre pauvrement jusqu'à la future récolte? que de soucis, que de transes, que de misères en perspective! et que de douloureux aléas dans le rendement du dur labeur à recommencer! Oh! non, allez, la vendange n'est pas toujours joyeuse : elle est toujours un moment grave pour le pauvre vigneron!

Et je songeais, en m'éloignant, combien celle de 1897 avait eu une physionomie morne et famélique sur nos coteaux du Mâconnais brûlés par la gelée, ravagés par la grêle!

Tout en devisant ainsi mélancoliquement, je voulus rentrer au musée de l'Hôtel de Ville pour y revoir l'École des Tambours: j'y retrouvai, par rapprochement avec les Vendanges, le caractère un peu dur, je dirais presque le caractère un peu positiviste, du très réel et très indéniable talent de Léon Couturier.

Comme je me retournais, après cet examen, j'éprouvai le sentiment d'un contraste piquant d'impression en me trouvant placé devant une toile signée d'un autre de nos confrères, Jean Laronze, (de Génelard), le peintre si universellement estimé dans le monde des arts pour son mérite, l'homme si unanimement aimé de tous ceux qui le connaissent (et moi je le connais bien) pour son caractère et pour son cœur.

C'est un ami charmant, c'est un homme de famille modèle, c'est un fils admirable. Et voilà peut-être même une des raisons qui en font un artiste remarquable: c'est un fils tendrement attaché à la terre natale, et qui a su découvrir et retracer tout ce que le pays charollais, qui tout d'abord ne semble ni bien original, ni bien beau, ni bien pittoresque, peut révéler au cœur de ceux qui le comprennent d'intimité touchante et de douce mélancolie.

Le tableau que j'avais devant les yeux était tout justement Un Soir en Charollais.

Dans un ciel doux dont le fond est comme floconné du duvet de nuages légers, le soleil à peine disparu laisse après lui l'impression d'une chaude journée de moisson.

-Sous la teinte lilas d'un horizon aux lignes monotones, les lointains se développent dans un bleu assombri d'un ton presque uniforme, mais les derniers reflets du couchant leur donnent leurs distances respectives en indiquant sobrement la succession de leurs plans sans relief. Quelques peupliers de port médiocre, quelques massifs d'arbres et des buissons touffus délimitent les terres prochaines. -Sur le champ du premier plan, maigre comme une lande et plaqué de quelques taches d'herbe courte égayée de fleurs sauvages, la fumée d'un feu de berger s'élève vague et vaporeuse dans l'air tranquille. Et deux jeunes glaneuses rapportent des javelles de blé bien mûr: l'aînée debout, dans une pose un peu lassée, semblant attendre la plus jeune qui s'est agenouillée, dans une jolie attitude de fillette qui s'attarde, pour cueillir des fleurs de marguerite.

En somme, point d'action, point de scène à proprement parler, point d'effets mouvementés de paysage, mais dans ce rayonnement doux et en quelque sorte vivant de l'atmosphère au coucher du soleil, une rêveuse impression de simplicité de nature et de calme moral qui fait penser au vers si pur de La Fontaine :

C'est le soir d'un beau jour.

Dans cette œuvre, il semble qu'un horizon sans grandeur et un paysage sans caractère reçoivent tout leur charme du rêve attendri de l'âme du peintre; il s'en dégage une impression sereine de sensibilité, de délicatesse et de poésie : ce sont bien là les sources supérieures du talent si personnel de notre ami Jean Laronze.

L'Académie de Mâcon doit être, à bon droit, fière de ce compatriote charollais, comme elle l'est de notre compatriote mâconnais Léon Couturier; chacun d'eux, dans son genre, lui fait véritablement honneur, et je me sens, quant à moi, doublement heureux d'avoir été le parrain de l'un et de l'autre, lors de leur admission dans les rangs de notre Compagnie.

A. DURÉAULT.

ANNALES DE L'ACADÉMIE DE MACON (3me Série, T. III)

PL. I

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