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l'autre, celle de droite, est celle d'un guerrier au manteau dénoué jeté sur l'épaule, les yeux élevés au ciel; la main droite tenant une couronne d'épines; la main gauche, l'épée courte et appuyée sur un bouclier. Sur le socle, cette mention :

GODOFREDUS

BULLIONIUS

COMES

BOLONIÆ

REX

HIEROSOLIMI

TANUS

L'entablement qui repose sur les deux colonnes ne porte, à l'architrave et à la frise, aucun ornement, mais la corniche est décorée de moulures et de corbeaux minutieusement ouvragés. L'attique est couronné, à son sommet, par une statue du Temps debout, ayant à ses pieds un cartouche qui renferme les armes. des La Tour d'Auvergne surmontées de la couronne ducale, et les statues assises de la Force et de la Charité : la première tenant, à la main droite, une épée nue; à la main gauche, une Minerve casquée qu'elle regarde, le coude appuyé sur un lion; la seconde, ayant à la main droite un cœur enflammé, sur lequel elle fixe les yeux, le coude appuyé sur un pélican qui ouvre ses entrailles à trois petits, la main gauche sur le genou.

Dans la partie centrale, au fond de la niche, sous la voûte, est le sarcophage que nous avons décrit, sur lequel sont assis le duc et la duchesse de Bouillon, face à face. Au bas du sarcophage, se trouve le bas-relief du combat de La Marfée. Derrière le duc

:

1. Armes écartelées au 1 et 4 de La Tour; au 2 de Boulogne; au 3 de Turenne; et sur le tout parti d'Auvergne et de Bouillon.

et la duchesse, s'élève une tour crénelée, ornée de trophée d'armes, d'où s'envole l'ange ou génie, un pied engagé encore dans les créneaux et élevant dans sa main droite le coeur enflammé. Ce cœur a beaucoup intrigué les savants. Il était, parait-il, « de bronze doré, creusé par le dedans pour servir de boëtte 1. » Cette boëtte contenait-elle le coeur du duc de Bouillon ou bien celui de Turenne, oncle du cardinal, comme l'ont attesté deux religieux de l'abbaye de Cluny le 15 septembre 1818? La question n'est pas tranchée, mais il y a lieu de croire qu'il s'agit bien du cœur de Turenne, puisqu'il avait été reçu à Cluny, en l'année 1693, comme nous le verrons ci-après, et qu'acte de cette réception en avait été dressé 3.

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De ce mausolée gigantesque, qui, s'il ne se recommande «< ni par la simplicité de l'ordonnance, ni par l'élégance de la forme, ni par la pureté du style, serait, en tous cas, un des plus importants spécimens de la sculpture funéraire de la fin du XVIe siècle. ou du commencement du XVIIe siècle 4, » il ne reste, en dehors des pièces qui se trouvent à l'hôpital, qu'un tronçon du sommet de la tour crénelée portant cette inscription:

MILLE CLYPEI PENDENT EX EA,

et quatre chapiteaux corinthiens ceux des pilastres et des colonnes avec deux fragments des fûts de ces colonnes; et ces débris du monument sont conservés au musée lapidaire de Cluny.

1. Revue de l'art français, Paris, 1888, in-8, p. 3.16.

2. Archives du département de Saône-et-Loire. Série T.

3. Voir, à ce sujet, les détails contenus dans une note de la très intéressante brochure intitulée le Mausolée du duc de Bouillon, à Cluny, par L. Lex et P. Martin. Paris, Plon, 1890, p. 11.

4. Le Mausolée du duc de Bouillon, par Lex et Martin, 1. c., p. 13 et 14.

Que sont devenues les autres pièces? Elles ont été dispersées et il ne nous est pas permis d'espérer qu'elles puissent être rassemblées et que le mausolée soit reconstitué dans sa forme primitive.

Exécuté en France et surtout à Rome, il était arrivé à Cluny par morceaux renfermés dans d'énormes caisses. Le cardinal de Bouillon, alors en exil dans ses abbayes de Bourgogne, s'apprêtait à le faire ériger quand Louis XIV fit apposer les scellés sur ces caisses, par de Sève, sénéchal de Lyon, et, à la date du 2 janvier 1711, un arrêt du Parlement appuyé de considérants rédigés par d'Aguesseau fut rendu, enjoignant la destruction de l'édifice funéraire dont « toutes les parties tendent également », disait l'arrêt, « à consacrer et immortaliser, par la religion d'un monument toujours durable, les prétentions trop ambitieuses de son auteur sur l'origine et sur la grandeur de sa maison. »

Émile Montégut, voyageant en Bourgogne et visitant Cluny, ne peut s'empêcher de trouver « mesquine et comme par avance entachée de violence révolutionnaire » la conduite du roi envers le cardinal, et il déclare « qu'il en est fâché pour le vertueux d'Aguesseau, mais que son langage ne diffère pas bien essentiellement de celui que tiendront quatre-vingts ans plus tard les théoriciens du Jacobinisme 3 ».

L'arrêt du Parlement, les considérants qui le précèdent, les réflexions passionnées dont le fait suivre Saint-Simon dans ses Mémoires, nous avaient vivement frappé et nous avaient inspiré

1. Voir dans la Revue de l'art français, l. c., p. 334, le procès-verbal dressé par ce magistrat.

2. Souvenirs de Bourgogne, Vézelay et Cluny, Revue des Deux-Mondes, 1er janvier 1873.

3. Id.

4. Voir le texte de l'arrêt dans les Mémoires de Saint-Simon, édition Chéruel, in-8, 1856, Hachette, t. IX, p. 449-453, à l'appendice.

le dessein d'écrire sur cette affaire une courte monographie. Mais il nous a semblé que, pris isolément, le sujet serait de peu d'intérêt et peut-être obscur; qu'il nous fallait agrandir notre cadre, rechercher quelle était la gravité de l'offense qui avait nécessité, de la part de Louis XIV, une mesure aussi arbitraire, étudier le personnage qui en était l'objet, pénétrer le mobile qui l'avait poussé à édifier ce somptueux tombeau, pourquoi il avait voulu qu'il le fût à Cluny. Ce personnage, d'illustre naissance, de maison princière, grand dignitaire de l'Église, a été diversement jugé. S'il a encouru les rancunes de Saint-Simon, la haine de la seconde Madame, il a su se concilier l'amitié de la première Madame, la sollicitude toujours active de son oncle Turenne, l'affection enjouée de Mme de Sévigné, qui l'appelle sans façon le petit Cardinal; il a été le seul soutien à Rome de Fénelon, qu'il n'a pas craint de défendre contre le Roi lui-même; le protecteur de La Fontaine et des gens de lettres qui fréquentaient à l'hôtel de Bouillon. Et puis, « la prétention trop ambitieuse »>< d'élever à ses ancêtres « un monument toujours durable, » si elle n'est pas exempte d'orgueil, n'est-elle pas aussi la manifestation d'une piété, d'un culte qui n'est point sans grandeur ? L'auteur de cet acte a été persécuté, exilé. Après avoir été « en toute splendeur » à la cour, il a ensuite été en butte aux tristesses de la défaveur, de l'abandon. Ces revers de fortune, les a-t-il mérités? Enfin le temps, le milieu où il a vécu sont toujours chers à nos souvenirs, à nos sympathies.

C'est donc la vie tout entière du cardinal de Bouillon que nous avons entrepris de faire connaître, heureux d'apporter quelques documents nouveaux à la contribution historique de cette époque si attachante qui s'appelle le xvIIe siècle.

CHAPITRE I

LES ORIGINES

La naissance.

La maison.

-

- Le

Le trisaïeul François de La Tour II. bisaïeul François de La Tour III; son grand mariage. - Le grand-père : Henri de La Tour, compagnon de Henri IV; son mariage avec Charlotte de La Marck; testament de Charlotte; Henri de La Tour, prince souverain; son second mariage; ses enfants. Le père : Frédéric-Maurice de La Tour, duc de Bouillon; son mariage; combat de La Marfée; généralissime de l'armée pontificale; paix faite avec la cour; traité de 1651. · Les enfants du duc de Bouillon.

Emmanuel-Théodose de La Tour, cardinal de Bouillon, est né à Turenne, dans le vieux château de ce nom, le 24 août 1643, Du château de Turenne, il ne reste, actuellement, que deux tours l'une, au nord, de forme cylindrique, assez bien conservée; l'autre, au sud-ouest, donjon carré, démantelé, à contreforts, dont les assises de pierre rouge brillent au soleil couchant. Ce qui, au moyen âge, au xvre siècle et au temps de la Fronde, constituait le corps principal d'une forteresse redoutable, un des boulevards de l'Aquitaine, n'est plus, aujourd'hui, qu'une plateforme rectangulaire où gisent des débris de murailles et où poussent, pêle-mêle, la vigne et les laitues dans un peu de terre végétale, sur un rocher taillé verticalement de plus de 20 mètres de hauteur. La silhouette de ces ruines, vues de la route de Tulle, surplombant la vieille ville aux toits de lave et le pays d'alentour, est d'un aspect saisissant.

Le cardinal de Bouillon passait, en Italie, pour être né à

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