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Société des Sciences Morales, Lettres et Arts de Seine-et-Oise.

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Bu 12 Avril 1844.

La Séance est ouverte à huit heures.

M. PLOIX, Président annuel sortant, s'exprime

en ces termes :

MESSIEURS,

LE digne magistrat qui dirige l'administration de votre département se plaisait à venir chaque année présider votre séance solennelle, vous témoigner l'intérêt qu'il porte à vos travaux, et décerner le prix à ceux que vous en aviez jugés dignes. Mais la famille a des droits sacrés dans ses joies non moins que dans ses douleurs, et les motifs touchants et respectables qui éloignent aujourd'hui de cette enceinte votre Président d'honneur excitent des sympathies si vives et si profondes, qu'ils font taire jusqu'à l'expression des regrets auxquels, en toute autre occasion, vous vous seriez unanimement associés. Fidèle aux exemples de mes prédécesseurs, je viens, Mes

sieurs, avant que l'on fasse passer sous vos yeux le tableau des travaux de la Société, soumettre à vos lumières l'examen d'une question qui m'a semblé digne de fixer l'attention d'un auditoire éclairé. Un penseur, plus ingénieux peut-être que profond, a dit: La Littérature est l'expression de la société. Ce mot brillant a fait fortune. Accueilli avec empressement, vous l'avez souvent entendu répéter, et il a paru même adopté sans résistance par un grand nombre d'esprits éminents. Cette pensée est-elle vraie? l'est-elle au moins dans une certaine mesure? c'est, Messieurs, ce que je me propose de rechercher avec vous. Jamais, en effet, à aucune autre époque, la littérature n'a essayé d'exercer sur un peuple une influence si puissante. La propagation des connaissances dans toutes les classes de la société, la diffusion des écrits de tous les genres, l'élévation aux premiers postes de l'état d'hommes distingués qui semblaient ne s'être voués qu'à la culture des lettres, la nécessité, pour tout ce qui aspire à une domination quelconque, de communiquer ses idées et de propager ses convictions, ont fait que la politique et la législation l'appellent toujours à leur aide; souvent aussi elle s'est présentée à la législation et à la politique sans être appelée, et l'œuvre réputée jadis la plus frivole, a maintenant son but, expose ses théories et propose ses réformes. Devons-nous reconnaître dans l'esprit général qui anime une littérature, l'expression fidèle de la société où elle a pris naissance? Je vais l'examiner sans allusions blessantes pour nos auteurs contemporains, et en ne consultant que les leçons de l'histoire.

Si nous jetons d'abord les yeux sur ce peuple si petit par son territoire et si grand par son intelligence, sur cette Athènes dont les arts, les sciences, les idées, ont traversé tant de siècles pour nous diriger encore et nous servir de modèles, jamais, ce me semble, il n'exista entre une nation et la littérature qui fait son honneur, un contraste plus frappant.

Au milieu d'un peuple avide de tous les genres de gloire, mais inconstant et mobile, qui, au gré de ses impressions passagères et de ses caprices, envoyait ses héros et ses sages au triomphe, à l'exil et à la mort, s'est formée une succession continue de poètes religieux, d'historiens graves, de philosophes austères. Ce peuple impétueux s'est laissé, sous le masque d'un vieillard, traduire et bafouer sur la scène, et, gâtée par les flatteries de ses orateurs, une démocratie ardente et passionnée a trouvé dans la plupart de ses écrivains, non des apologistes, mais des juges sévères et des censeurs.

Brillants imitateurs des écrivains de la Grèce, ceux du siècle d'Auguste font goûter aux Romains les charmes de l'éloquence et de la poésie, et, ravis du spectacle depuis long-temps inconnu de l'ordre et de la paix, n'expriment que les transports les plus vifs d'amour et d'admiration pour le maître de l'empire. Cependant, cette dissimulation profonde et ces artifices qui avaient porté l'heureux Octave au pouvoir en trompant l'œil des citoyens les plus purs, ces proscriptions affreuses qui avaient fait couler le sang humain à grands flots, ces expropriations violentes qui frappaient des populations paisibles et les dépossédaient sans pitié, n'avaient-elles laissé ni indignation dans les ames, ni larmes dans les yeux, ni ressentiment dans les cœurs? Cherchez dans les écrits de cette époque, et vous n'en trouverez aucune trace. Trois poètes: un jeune laboureur, étranger aux discordes civiles, dont le patrimoine, comme tant d'autres, a été livré au soldat pour satisfaire ou encourager son dévouement coupable, et qui a dû, non à la justice, mais à des vers harmonieux, le privilége unique d'être réintégré dans le champ paternel; un fils d'esclave, enrôlé sous les drapeaux de la liberté, mais qui a jeté ses armes dans la bataille; un élégant chevalier, expiant depuis par un exil éternel dans des déserts glacés le crime involontaire de ses yeux, voilà ceux qui se sont rencontrés pour chanter et diviniser un

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