Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

MONSEIGNEUR DE KETTELER

LIBERTÉ, AUTORITÉ, ÉGLISE

1862

I.

La réputation de zèle et de piété que Mgr de Ketteler s'est acquise si légitimement au-delà du Rhin, avait traversé depuis longtemps le fleuve qui sépare l'Allemagne de la France, et nous avait embaumé du récit de ses vertus. La célébrité qui s'attache à ses pas nous l'avait montré à Francfort pendant la durée éphémère et orageuse de ce parlement germanique que l'esprit révolutionnaire de 1848 avait fait éclore et qu'il fit avorter. Là encore le clergé français put admirer les vertus de cet homme apostolique. Depuis cette époque, le saint

évêque de Mayence paraissait être renfermé dans les soins de son diocèse. Aujourd'hui il remonte sur une scène plus vaste, et il y paraît comme publiciste, tenant à la main un livre qui a provoqué des deux côtés du Rhin une immense curiosité. Le nom de l'auteur, le titre de son livre : LIBERTÉ, AUTORITÉ, ÉGLISE, considérations sur les grands problèmes de notre époque, expliquent cette attention privilégiée, qui a triomphé de la légèreté des uns et des occupations multiples des autres.

Nous avons été des plus empressés à lire et à méditer Mgr de Ketteler, dès que la traduction de M. l'abbé Bélet, autorisée par l'auteur, a rompu les sceaux de son livre pour les Français qui ignorent l'allemand. Nous avons profité de tant de vérités qu'il met au jour; nous nous sommes réjouis de voir une main si sûre d'elle-même, dresser le portrait le plus complet des hypocrisies du libéralisme moderne; nous avons ouvert notre cœur aux inspirations brûlantes de l'amour de Dieu et des hommes qui coulent de la plume du pieux et savant prélat. Mais comme polémiste, l'auteur connaît-il d'une manière adéquate les problèmes de la civilisation moderne, le fil de la tradition ne rompt-il jamais entre ses doigts à travers les ténèbres et les détours du labyrinthe social qui a été produit par le tremblement de terre de la réforme et par le cataclysme de la révolution? Nous avouons candidement qu'il nous reste des doutes à cet égard, et nous demandons humblement à l'illustre écrivain la permission de les exposer.

Comme lui, nous osons dire que nous ne cherchons que la vérité. Comme lui, nous nous occupons depuis

longtemps de résoudre les difficultés presque inextricables que les temps actuels apportent à l'établissement normal de l'Église au sein de l'Europe. Nous n'avons pas sans doute la science, l'autorité, la grâce du pontife que nous nous permettrons de combattre sans cesser de le vénérer. Mais si nous gardons toujours l'accent d'un disciple qui consulte un maître de la doctrine, et nous espérons ne pas l'oublier, peut-être trouvera-t-on dans notre démarche un droit que la discussion comporte, au lieu d'une hardiesse qui émeut le scandale. Nous attendons même de la charité de Mgr de Ketteler qu'il y verra un recours à cette liberté dont il préconise l'usage quand il est séparé de l'abus.

Les deux chapitres de son livre qui causent le plus de peine à notre esprit, sont le vingt-deuxième et le vingttroisième La liberté de religion, La liberté de religion et l'Église catholique. Afin de répandre un jour plus égal sur nos postulats, nous voulons citer ces deux chapitres intégralement.

II.

LA LIBERTÉ DE RELIGION.

« Qu'entend-on de nos jours par liberté religieuse? M. Guizot s'est chargé lui-même de répondre à cette question dans son dernier et très-remarquable ouvrage : L'Église et la société chrétienne en 1861, chapitre VII.

« La liberté religieuse, dit-il, c'est la liberté de la « pensée, de la conscience et de la vie humaine en ma

«tière religieuse, la liberté de croire ou de ne pas <«< croire, la liberté des philosophes comme celle des «< prêtres et des fidèles. L'État leur doit à tous la même << plénitude et la même sécurité dans l'exercice de leur <<< droit. >>

«M. Guizot se demande ensuite quels sont les droits divers que renferme ce principe fondamental de la liberté de religion, et il les énumère ainsi :

<< I. Le droit, pour les individus, de professer leur foi « et de pratiquer leur culte, d'appartenir à telle ou telle «< société religieuse, d'y rester ou d'en sortir;

<«< II. Le droit, pour les Églises diverses, de s'organi«ser et de se gouverner intérieurement selon les maxi<< mes de leur foi et les traditions de leur histoire;

<«< III. Le droit, pour les croyants et pour les minis« tres des Églises diverses, d'enseigner et de propager, « par les moyens d'influence intellectuelle et morale, « leur foi et leur culte. >>

« Après avoir fait observer que ces droits étant, comme tous les autres, susceptibles d'abus, l'État doit en surveiller l'exercice afin de prévenir le danger, M. Guizot termine ainsi :

<«< Mais, à considérer les choses en elles-mêmes, et « abstraction faite des circonstances locales ou passagères, il est incontestable que la liberté individuelle de «< conscience et de culte, la liberté d'organisation et de «< gouvernement intérieur des Églises, la liberté d'asso«<ciation religieuse, d'enseignement religieux et de << propagation de la foi, sont inhérentes au principe de « la liberté religieuse, et que ce principe est réel ou no

« VorigeDoorgaan »