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COMTE ALFRED BOULAY DE LA MEURTHE APRIL, 1927

PRÉFACE

Chaque siècle a une grande erreur qui plane sur lui, et qui tient en échec l'exercice de la vérité plénière. Le dix-neuvième n'a pas échappé à ce jeu de l'histoire, et par une singularité dont elle n'offre peutêtre pas d'exemple, l'hérésie menaçante, celle qui plaît aux contemporains, qui s'infiltre partout, qui séduirait même les élus, si les élus pouvaient être séduits, est précisément celle qui inspirait le plus d'aversion à l'aurore de la société nouvelle, quand elle émergeait du déluge révolutionnaire: la séparation radicale de l'Église et de l'État.

A cette date, la promulgation du Concordat fut saluée par les partisans des idées chrétiennes comme une bénédiction céleste, qui consacrait par une victoire politique la réaction religieuse que les pages de Chateaubriant avaient inaugurée. Le Premier Consul acquit

a

une popularité comme législateur, dans les classes de la nation et jusqu'au fond de certaines contrées qui avaient été moins éblouies de sa gloire militaire. Les rationalistes, de leur côté, ne manquèrent pas de voir une défaite dans la résurrection d'un culte officiel. Ils crièrent, critiquèrent, soulevèrent les plus mauvais présages, et obtinrent en fin de compte les articles organiques pour fiche de consolation.

Les événements douloureux que l'Église subit à la fin de l'Empire, n'inspirèrent aucun regret aux hommes religieux de ce qui avait été fait avec applaudissement de leur part au commencement du siècle. L'alliance du spirituel et du temporel continua de paraître excellente en elle-même, malgré l'expérience des abus qui avaient amené le Pape à Savone et à Fontainebleau. Le principe resta sacré aux yeux de tous les catholiques, immuable dans leurs convictions comme dans leurs souvenirs. On ne songea pas à un autre remède des torts qu'on déplorait que celui d'une entente plus cordiale entre les deux pouvoirs, et si quelqu'un était venu en 1815 proposer de séparer l'Église de l'État, d'abandonner ces deux forces à la liberté qui suit un divorce, personne n'eût adhéré. Nous ne craignons pas d'exagérer en disant que personne, prêtre ou laïque, n'eût rien compris à un pareil projet. Aujourd'hui ce projet est caressé partout, et sous les drapeaux de couleurs les plus disparates.

Mais nous n'avons à nous occuper ici de cet en

gouement de libéralisme que dans ses rapports avec les amis de la religion. Il est manifeste aux regards les plus distraits que cette fascination, ou ce respect humain a presque tout envahi. Si les croyants, abonnés à la séparation de l'Église et de l'État, voulaient tenir une de ces grandes assemblées comme on en voit en Angleterre, sous le nom de meeting, et qu'aucun des intéressés ne manquât à l'appel, on peut croire que comme au lendemain du concile de Rimini, il y aurait un mirage de l'opinion religieuse, et que le monde se réveillerait dans l'admiration d'être catholique libéral.

Mais si ce meeting, monstre de toutes les manières, n'a pas eu et n'aura pas lieu, nous avons un autre procédé pour constater les ravages de l'épidémie séparatiste, et qui donne un résultat identique : les journaux. Nous ne connaissons plus que quatre grandes publications périodiques qui passées à l'appareil de Marsch, ne déposeraient pas sur la porcelaine révélatrice, au moins une étoile du poison contagieux: la Civilta Cattolica à Rome, le Monde à Paris, l'Armonia en Piémont et le Bien public en Belgique. Au contraire si nous voulions seulement citer les noms des journaux et des revues qui correspondent au Correspondant, et que le Correspondant sature plus ou moins de sa chimère favorite, cette préface n'y suffirait pas. Tout le monde se persuade qu'il est impossible de convertir tout le monde, et comme cependant il faut

vivre avec tout le monde, on trouve qu'il n'y a rien de plus simple que de laisser tout le monde libre de penser ce qu'il voudra en matière de religion, et de vivre en paix sur ce terrain neutre de l'assurance mutuelle et de la liberté réciproque. Voilà le prestige! Il est sorti de l'enfer à la dérobée, et il parcourt le globe sur les chemins de fer et les bateaux à vapeur, ses contemporains de fait, quoique non de droit, ayant la probabilité de compter parmi ses dupes, autant d'âmes qu'il aura d'imprudents admirateurs.

La période de l'invasion ne paraît pas achevée, et l'on sait que pendant cette crise, rien ne fait voir ni entendre, parce que la passion ne voit malheureusement que ce qu'elle veut voir, et elle n'entend que ce qu'elle veut entendre.

Rien n'y fera donc, car si quelque chose pouvait y faire, de quoi les catholiques libéraux manqueraientils pour réformer leur jugement? Ils ont porté, au mois de juin 1862, l'enthousiasme toujours naïf de leur panacée jusqu'aux marches de ce Vatican où Grégoire XVI, de grave mémoire, avait dicté l'encyclique: Mirari vos, et ils ont recueilli la voix de Pie IX qui trouve dans ses malheurs une suavité inépuisable comme sa confiance. Or, quel oracle a rendu cette voix vivante en présence de l'Épiscopat réuni? Elle a déclaré que par une volonté libre et irréformable de Dieu, la vie naturelle et la vie surnaturelle dans l'humanité étaient soumises à une cohésion nécessaire. Très-bien, disent ici

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