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Broussais, vitaliste comme on l'est à l'école vétérinaire, et comme là on a le droit de l'être, et Magendie, qui est plus radical encore (c'est tout naturel), «nier les forces psycho-vitales, » et M. Robin affirmer que « tous les » problèmes, sans exception, de physique et de morale, » se résolvent en problèmes de mécanique: c'est tou>> jours une machine à composer et à décomposer....... » pierre, plante, animal, homme. Ainsi l'homme n'est » qu'une chose de l'ordre physique. » La pensée est donc assez claire, et ces quelques citations mettent à nu ces déviations qui enchérissent les unes sur les autres. Encore une, cependant, qui renferme un trait plus sensible à l'épiderme d'un médecin; il s'agit de M. Claude Bernard, qui << affirme pouvoir donner à volonté le diabète à des lapins, » mais qui ne nous a pas encore édifiés sur la manière de le guérir chez l'homme. Ainsi les conséquences du positivisme sont faciles à déduire: << En médecine, c'est la négation de la spontanéité vitale; en morale, c'est la négation du libre arbitre, le mépris de la voix de la conscience. >>

Enfin, pour conclure, ce qui est faux et mauvais est faux et mauvais partout, et produit toujours, d'une manière ou d'une autre, son effet. Il serait donc vrai, en principe, à priori, quand on ne nous le démontrerait pas, (ce qu'il faut toujours faire, d'ailleurs), que des sciences spéciales, que la médecine proprement dite, doivent se ressembler sous ce rapport, et souffrir, comme tout le reste, de ce que ces élucubrations matérialistes, sous quelque dénomination qu'elles se cachent, renferment d'absurde et de funeste. Seulement, il est bon que là, comme dans les différents ordres des connaissances humaines, cela soit dit et démontré par des esprits droits

et sincères, dont on ne puisse mettre en doute ni les lumières ni la compétence, et tel est M. Perrin. Cela est d'autant plus important que les médecins qui font de la philosophie matérialiste à propos de la médecine, semblent doués d'une compétence qui, par la plus étrange des contradictions, étonne et trouble les esprits superficiels; ils font comme Sganarelle, qui ne parle latin qu'à ceux qui ne le savent pas.

LE PREMIER MARIAGE SUR LA TERRE

PAR M. MAIGNIEN

Doyen honoraire de la Faculté des Lettres de Grenoble

Séance du 27 mars 1874.

Il n'est pas nécessaire qu'un écrivain ait voulu peindre avec esprit ou sentiment le tableau qu'il nous présente, et qu'il ait eu des intentions esthétiques évidentes et avouées; il nous suffit que ces qualités subsistent dans son œuvre, et que l'analyse les démontre avec sincérité à qui ne les verrait pas ou refuserait de les y reconnaître. Les beautés de premier ordre n'apparaissent souvent pas comme telles du premier coup, tant elles sont vraies et naturelles, tant elles échappent, par leur simplicité même, aux esprits légers et inattentifs qui les voient sans le savoir. Pour ne pas prolonger ce préambule, voici où je veux en venir :

Evidemment, la Genèse n'a aucune prétention à l'art proprement dit; mais comme elle s'exprime avec vérité et du style que demande la chose même, son expression atteint, sans recherche et sans effort, à la plus grande beauté, si le sujet le comporte ou le demande.

Or, j'ai toujours été frappé de la scène, du tableau trèssimple et très-profond en même temps, où elle représente, sans faire aucune remarque, la bonté de Dieu voulant doter Adam d'un bien qu'il ne connaît pas encore, et le lui faisant désirer un moment pour qu'il puisse ensuite plus librement constater, plus vivement sentir son bonheur.

Voici à quelle occasion j'ai eu la pensée d'écrire ou plutôt de décrire l'impression dont je viens de parler, et que j'aurais sans doute gardée pour moi si je n'y avais été provoqué par les cinq lignes suivantes :

<< Le Seigneur dit aussi : il n'est pas bon que l'homme » soit seul; faisons-lui une aide semblable à lui. On » s'attend que le Seigneur va lui donner une femme, >> mais auparavant il lui amène tous les animaux. Peut» être y a-t-il ici quelque transposition de copiste.

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(VOLTAIRE, Dictionn. philosoph.)

Il semble, d'après cette réflexion ironique, qu'il y ait erreur ou excessive naïveté chez le narrateur, qui oublierait lui-même ce qu'il vient de dire; car la réflexion: « Il n'est pas bon que l'homme soit seul (soit en séparation de lui-même), » signifie bien: « Donnons-lui ce complément de lui-même, » et voici, au contraire, sans autre transition, la revue des animaux ! Cela paraît bien extraordinaire au critique cité plus haut, qui cache la moquerie sous la feinte excuse de quelque transposition de copiste. Heureuse faute, si c'est celle d'un copiste; copiste de génie, s'il produit de tels traits par hasard et sans s'en douter! C'est, en effet, un des plus grands efforts de l'art de n'avoir pas besoin de tout exprimer et de tout dire, et de faire comprendre beaucoup par quelques détails placés à propos, et même par le silence,

quand l'ensemble est assez vrai et assez puissant pour permettre ce grand moyen. Voyons donc tout ce que dit et ce que ne dit pas ce récit biblique du premier mariage sur cette terre.

Ce qu'il montre avant tout, c'est la bonté toute paternelle de Dieu, qui en suspend un moment l'effet pour le faire plus vivement apprécier et comprendre de l'être privilégié auquel il est réservé.

Si Dieu, après s'être dit : il n'est pas bon que l'homme soit seul, littéralement en solitude de lui-même, labeddou, c'est-à-dire séparé de ce qui doit compléter son existence, si Dieu lui eût immédiatement amené et donné la première femme (Voltaire eût été satisfait), Adam eût été charmé, sans doute, mais il n'aurait pas éprouvé cette joie profonde au-dessus des paroles, qu'il ressentira tout-à-l'heure. Il fallait qu'il sentît le vide de son âme par un terme de comparaison qui devait lui être présenté d'abord. Tout cela n'est pas exprimé, bien entendu, mais cela résulte clairement de l'ensemble; on pourrait dire sans commentaire que la chose est ainsi. C'est alors, en effet, au moment même où Dieu dit: «Faisons-lui une aide (une compagne) semblable à lui,» que Moïse rappelle que Dieu avait formé de la terre tous les animaux... Et Dieu les amena au premier homme ouiba, pour voir laraouth, ce qu'il lui crierait iqoura lou, en les nommant; il le sait, sans nul doute, mais il ne veut être que le bienveillant témoin des appellations d'Adam, et il lui laisse toute sa liberté. On oublie un moment le sujet principal; on est tout à la scène présente; «et ce qu'Adam lui dira, appelant chaque âme vivante, sera son vrai nom. >>

Certes, c'est là une grande complaisance. Adam,si

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