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artistes repose dans sa peinture de genre. Dans cette voie, son œuvre se distingue par la grâce et le naturel de la composition, la claire ordonnance du sujet, l'observation scrupuleuse de la couleur locale, la fidélité des costumes. Rahoult ne recherche pas les effets; il n'a pas recours aux ressources du métier, destinées trop souvent à déguiser l'absence de la pensée. Il est simple, naturel, vrai, spirituel surtout. Sa couleur est appropriée au sujet, tantôt sobre et voilée, tantôt vive, éclatante; harmonieuse toujours. -Ses personnages sont le plus souvent des types locaux, dont son pinceau se plaît à fixer le souvenir. Ses femmes, fortement membrées, aux traits prononcés, comme dans les quatre Commères, la Cigale, nous montrent ces laborieuses montagnardes du Dauphiné, ces mères économes, prudentes, défiantes même, et partageant avec le chef de la famille l'honneur et la tâche d'élever leurs enfants et d'assurer leur sort. Elles peuvent, à l'occasion, se permettre un bon mot, une légère médisance, sans rien perdre de leurs sérieuses qualités.

Les hommes qu'il a peints sont également des types du pays, alors même qu'il les revêt de l'habit des gardes françaises. Ils continuent Blanc-Lagoutte, mais BlancLagoutte rajeuni, dispos, discipliné déjà, avec un vernis de civilisation avancée. Dans ses compositions si variées, l'enfance est traitée avec tendresse. S'il rend avec bonheur ses libres allures, l'insouciance de son âge, il sait compâtir aussi à son dénûment, aux privations, qui répandent sur ses traits la pâleur et la souffrance. Dans ses joyeuses réunions, dans ses scènes d'abandon et de franches causeries qui lui sont familières, ou, parfois, d'un sentiment plus intime, comme dans Fleurs

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des prés, son pinceau, pour gai qu'il soit, ne cesse pas d'être décent, chaste, réservé. Si le souffle de l'Idéal ne passe pas toujours sur ses compositions, il sait que la peinture de genre ne demande pas un vol aussi élevé. Ses personnages « se rangent, comme dit Mon« taigne, au modèle commun et humain, avec ordre; » leur sagesse est celle que recommande l'auteur des Essais elle est « gaie et sociale. »>

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Tel est l'homme que nous avons connu et que nous regrettons; tel est son œuvre. L'homme était d'un commerce aimable et sûr, d'une instruction variée, d'un caractère généreux. Aucune rivalité de métier, aucune jalousie, ne venaient faire tache à ses qualités : toujours empressé à mettre en lumière le mérite de ses camarades, à s'effacer pour appeler sur leurs travaux les suffrades connaisseurs. Son éloge est dans les regrets unanimes qui ont suivi sa mort. Quant à son œuvre, il restera, parce qu'un sentiment vrai anime ces toiles qui représentent la vie dans ce qu'elle a d'accessible sans effort. Ni trop haut, ni bas voilà sa place, dans un milieu élevé. L'œuvre jouit d'une popularité de bon aloi qui ne se perdra pas, parce que l'esprit qui le reflète le fera toujours rechercher des hommes de goût, et qu'il est le miroir fidèle de son auteur, comme lui aimable, modéré, honnête. On sent, en l'étudiant, que Rahoult aimait avec passion son pays, qu'il admirait ses sites, qu'il sympathisait de cœur avec ses habitants, gardant ses préférences pour ceux à qui la fortune s'était montrée plus avare de ses dons.- Son talent, reconnu là où en définitive le goût sacre le Poète, l'Artiste, l'Ecrivain, l'appelait à Paris, où l'attendait une légitime célébrité. Il résista à toutes les sollicitations, à toutes les promesses,

tant Grenoble l'avait mordu au coeur! Né Dauphinois, il a vécu Dauphinois, et sans le coup de foudre qui nous l'a ravi, ses derniers vœux peut-être eussent été pour son pays! Qu'il soit donc doublement honoré parmi nous honoré pour son beau talent, honoré pour son patriotisme!

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AÈDES ET RAPSODES

PAR M. FIALON

Professeur à la Faculté des Lettres.

Séance du 20 février 1874.

Messieurs, de savantes lectures vous ont transportés et, sous le même charme, retenus en pleine antiquité; permettez-moi, puisque je vous trouve en ces régions lointaines dont mon goût et mes fonctions font mon séjour le plus ordinaire, de vous y garder encore et de vous faire remonter à ces temps de la Grèce primitive au-delà desquels il n'y a plus que des traditions vagues, des souvenirs incertains, presque effacés, et les révélations que la philologie contemporaine tire chaque jour de la comparaison des langues.

L'Iliade et l'Odyssée commencent et contiennent en germe toute la Grèce. Elles sont, pour ce peuple de héros et d'artistes, le premier chapitre de son histoire, un code religieux et le testament politique des ancêtres ; elles promettent et préparent Marathon et Salamine, les splendeurs du siècle de Périclès, la conquête de l'Orient à la civilisation hellénique par Alexandre; elles ouvrent un prodigieux avenir.

Mais qu'est-ce que l'Iliade et l'Odyssée ? Des cantilènes improvisées sans lien et sans unité, des récits volants, Eneα птεрóενra, longtemps séparés et réunis un jour en corps d'ouvrage, œuvre lente et toujours croissante d'un peuple qui chantait sa gloire? Ne sontelles pas plutôt, comme le veut je ne sais quelle orthodoxie littéraire, l'oeuvre d'un seul et même génie? Ou, si, comme le remarquaient déjà les chorizontes d'Alexandrie, la composition de chacun des deux poëmes ne peut être le fruit de la même civilisation et d'un même siècle, faut-il les attribuer à deux chantres d'un génie fraternel, confondus sous ce nom d'Homère, qui, comme le Vyasa de l'Inde, ne semble vouloir dire que l'assembleur (fuos apo), et n'a peut-être été porté ni par l'un ni par l'autre ?

Rassurez-vous, Messieurs, je ne veux point vous entraîner dans ces problèmes qui, depuis près d'un siècle, passionnent l'Europe savante, ont leurs croyants et leurs incrédules et ne soulèvent pas moins d'anathèmes que les questions religieuses. Quelle que soit l'origine des deux grandes épopées homériques, qu'elles soient l'œuvre d'un seul ou de deux poëtes, ou d'une succession de chanteurs se répétant, se modifiant, s'amplifiant et se complétant, je ne vous veux parler que de la manière dont elles furent composées et de leur transmission première.

En remontant le courant de la tradition homérique, nous arrivons, grâce au texte du manuscrit de Vénise et surtout aux scholies qui encadrent les marges et ne sont qu'un abrégé d'Aristarque, à la diorthose du prince de la critique alexandrine; grâce à un Allemand et à deux Français, Anse de Villoison qui révéla le précieux ma

T. X.

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