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y découvre plus de parties distinctes, plus de variété et plus d'harmonie.

Nous n'essaierons point (ce serait sortir de notre sujet) d'exposer comment ces sciences anciennes ou nouvelles se subordonnent et se distinguent, quelles sont les premières, quelles sont les dernières, comment on peut passer de l'une à l'autre, quels sont leurs rapports et par quels liens solides on les doit enchaîner. Plus leur nombre s'accroît, plus nos connaissances s'étendent et se multiplient, plus aussi les savants, toujours dominés par l'idée et l'amour de l'ordre, s'efforcent de les classer d'une manière rationnelle. Les plus illustres s'y sont employés et n'ont ménagé ni le temps ni la peine; ils ont varié les points de vue, changé le point de départ. Vains efforts..... Aucune de ces classifications, si utiles qu'elles soient d'ailleurs, n'a paru définitive; aucun de ces arbres généalogiques n'a semblé dépeindre assez bien l'enchaînement des sciences humaines. Ne seraitce point qu'on a trop négligé, dans cette recherche commencée depuis si longtemps, un élément indispensable, qu'on a considéré d'une manière exclusive la méthode ou l'objet spécial des sciences particulières, sans s'inquiéter assez du savoir lui-même, de sa source et de son principe. Un tel travail est-il donc tout entier d'observation, d'énumération et de comparaison, et, à côté de l'expérience dont personne ne conteste la nécessité, n'y a-t-il point, dans la recherche de l'ordre vrai des choses, une place marquée pour l'idéal divin de la science? Saura-t-on jamais comment il les faut subordonner, d'après le degré d'importance qu'on leur suppose, si l'on n'a présente à l'esprit la pensée de l'Etre parfait qui est en même temps le savoir absolu? N'est

T. XI.

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ce pas à partir de lui, de sa science, dont la nôtre n'est que la pâle image, de l'ordre éternel de sa pensée manifesté par l'ordre passager de l'univers, que nos sciences, dont il est l'objet suprême, se disposent sans effort, les plus élevées reflétant son être et ses perfections à un degré supérieur et dans une lumière qui va déclinant peu à peu, sans jamais s'éteindre, jusqu'à celles du dernier rang? C'est une réflexion que nous soumettons et dont on pourrait tirer quelque parti pour une bonne classification des sciences.

Entre les points de vue de l'ordre universel, dont chaque division ou ordre particulier peut donner le cadre d'une science et devenir l'objet de nos pensées, il en est deux qui s'opposent l'un à l'autre et dont le contraste sert beaucoup à l'étude de la liberté. Vainement, en effet, nous la chercherions avec tous les secours de l'expérience et des instruments les plus parfaits, dans ces vastes espaces dont l'œil de l'homme commence à peine à sonder les mystères. Dieu seul est libre, seul il agit dans ces soleils dont tous n'ont pas même un nom. C'est encore lui dont l'action, de quelque manière qu'elle s'exerce, visible ou cachée, directe ou indirecte, ne s'interrompt jamais, ni dans les entrailles, ni à la surface de notre globe. Par lui, nous vivons, et la plus grande partie de notre vie est tout entière, et à tous les instants, sous son absolue dépendance. Et pourtant, nous le savons, nous le sentons, cette liberté, dont Dieu jouit sans réserve et sans limite, il nous en a fait part, il nous l'a communiquée dans la mesure où notre imperfection nous permet de la recevoir. Grâce à elle, nous pouvons, par un acte intérieur, que l'effet suive ou non conforme à notre vouloir, nous associer à l'or

dre qu'il a fondé ou nous insurger contre lui, et nous faire à nous-mêmes un ordre contraire au sien. De telle sorte qu'à envisager seulement l'homme et la terre, nous découvrons ici-bas deux mondes, un que Dieu remplit tout entier de son action, et un autre dont il partage avec nous l'empire, où il nous concède l'usage d'une liberté qui, toute pleine et entière qu'elle soit, n'altère en rien l'ordre général et la suite de ses desseins. La liberté de nos résolutions n'est pas plus entravée par l'immutabilité du plan divin, que celle de nos pas n'est diminuée par l'inflexible mouvement qui entraîne la terre dans l'espace. Eclairées l'une par l'autre, et toutes deux par l'inertie des choses, la liberté de l'homme et celle de Dicu sont un des plus dignes objets de la pensée.

Ainsi, pouvons-nous unir et distinguer l'ordre de Dieu et le nôtre, celui qui est et celui qui se fait, celui qui est copié et celui qui copie, celui qui porte et celui qui est porté, le premier enveloppant le second, mais lui laissant pour se mouvoir, dans son immensité l'esрасе, dans son éternité le temps, dans sa liberté parfaite une liberté entière. Notre pensée va sans cesse d'un ordre à l'autre, vive ou lente, rapide ou profonde, mais toujours en éveil. Elle s'élève, dans l'un, par les degrés infinis des sciences, jusqu'à la nature même de Dieu; elle descend, dans l'autre, jusqu'aux moindres éléments de l'ordre que chacun de nous dispose et compose, défait ou refait sans cesse en lui-même et autour de lui. Mais il n'est pas dans cet ordre inférieur de point assez éloigné, de détail assez insignifiant, pour qu'elle ne puisse, à partir de lui, s'élever jusqu'à ces hauteurs où réside la sagesse de Dieu, ordre éternel qui s'impose à

la nature et se propose à nos pensées, loi absolue pour celle-ci, exemple pour celles-là.

II.

Si des hauteurs où nous nous sommes élevés pour atteindre l'objet dernier de la Pensée, nous descendons à ses éléments, le même contraste et le même accord ne tarderont pas à nous apparaître. Le nombre infini des sources qui l'alimentent se terminera bientôt à deux courants dont les eaux s'unissent, sans se confondre, dans le lit d'un même fleuve.

N'êtes-vous pas surpris de voir à quel point, et dès l'origine, les philosophes se partagent sur la valeur relative des sens, et de ce qu'ils nomment parfois la pensée pure! Pour les uns, celle-ci est le tout de l'homme, le reste n'est qu'illusion et mensonge. Notre esprit n'est sûr que de sa pensée, ne connaît bien qu'elle, et demeure même en-deçà de son objet. Il sait qu'il pense, et c'est tout, mais, des choses qu'il pense il ne peut dire si elles sont ou ne sont pas. Il vit de sa pensée, se nourrit de sa pensée, jouit de sa pensée ; que lui importe le reste, et qu'a-t-il besoin d'autre chose! D'autres, au contraire, sacrifieraient volontiers la pensée à son objet. Ils opposent sans cesse, ils immolent la raison aux sens, ils font de ceux-ci les seuls organes du monde extérieur, le seul objet de la vérité. «Tout ce que nous savons, tout ce que nous possédons vient de nous, sort de nous et de je ne sais quelle source mystérieuse qui jaillit du fond de notre âme ; » voilà ce que disent les premiers. « Nous ne connaissons rien que par l'intermédiaire des sens et les

leçons de l'expérience,-répliquent les seconds; - c'est la grande, l'unique maîtresse. Si loin que vous descendiez dans votre âme, vous ne trouverez jamais que ce qu'elle y a mis rien avant elle, rien sans elle, rien en dehors d'elle. »

Toujours ancien et toujours nouveau, le débat n'est pas près de finir. Les essais de conciliation n'ont pas manqué, ils ont laissé les adversaires en présence, et depuis tant de siècles leur ardeur ne s'est pas ralentie. Ceux que la lumière intérieure et directe a frappés tout d'abord, ne croient pas à celle qui viendrait du dehors ou ils ne l'estiment guères. Ceux dont la vue s'accommode mieux d'une lumière réfléchie, qui voient mieux au dehors qu'au dedans d'eux-mêmes, font peu de cas de la lumière intérieure. N'ayant de regard que pour le monde, ils croient que le monde seul est visible et que toute clarté vient de lui. L'excès des uns supprimerait la matière de nos pensées, l'excès des autres les empêcherait de se former entièrement. Ou elles ne se reposeraient sur rien, ou elles ne seraient pas intelligibles voilà l'alternative. Heureusement notre nature suit sa pente, et il n'est pas de système assez fort pour la lui faire remonter. A chaque instant nous puisons dans la réalité qui nous entoure la matière de nos pensées, à chaque instant nous les éclairons de la lumière intérieure. Des théories aussi étroites qu'absolues ont beau vouloir séparer les deux sources qui les alimentent, les deux éléments qui les composent. Chaque pensée que nous formons reconstitue l'unité brisée, et, en dépit de tous les systèmes, prend à la fois quelque chose de notre âme et quelque chose de ce qui n'est pas notre âme; elle n'est pensée qu'à ce prix.

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