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aucune donnée positive à ce sujet. Quel que soit d'ailleurs le nombre des chenilles, elles finissent toujours par disparaître, mais quelquefois après avoir exercé de grands ravages. Elles sont détruites par quelques circonstances atmosphériques, telles que de brusques alternatives de température, des pluies fréquentes et froides, l'action du fluide électrique qui se développe pendant les orages; mais le plus communément elles sont détruites par des ichneumons (1), et quelquefois avec une telle rapidité que leur disparition est pour ainsi dire instantanée : toujours lorsque la propagation des chenilles est extraordinaire, qu'elle dure plusieurs années et cause de grands ravages, on voit paraître enfin des ichneumons qui les détruisent.

Lorsque des sapins ont eu une grande partie de leurs feuilles détruites par les chenilles, ainsi qu'il arriva dans ma sapinière, on ne doit pas hésiter à abattre tous les arbres qui, ayant été attaqués ainsi, ont atteint leur maturité, ou qui en approchent, ou dont l'accroissement en hauteur est arrêté; car s'ils ne meurent point dans l'année même ou dans les suivantes, ils dépériront certainement, ne pouvant plus se garnir suffisamment de feuilles. Si les arbres qui ont été attaqués sont jeunes, poussent de très-belles flèches, malgré la perte d'une partie de leurs feuilles, et prennent par conséquent de l'accroissement en hauteur, en grosseur, et en pourtour, relativement à l'ensemble de leur feuillage, ils se rétabliront; car les feuilles qu'ils auront perdues auraient alors été étouffées quelques années plus tard par l'ombrage des feuilles nouvelles. Si, au contraire, les jeunes arbres qui ont été attaqués ont des pousses chétives, des feuilles d'une couleur jaunâtre et restent languissans, il ne faudra pas hésiter à les abattre. Ratzeburg dit (2) : que lorsque la chenille de la nonne a dévoré des feuilles du sapin rouge (picéa), « cet arbre, sauf quelques exceptions résultant de la tempé» rature et du lieu où il se trouve, meurt sans rémission, bien que conservant la » moitié, le tiers ou le quart de son feuillage. » Le sapin argenţé me paraît être plus robuste sous ce rapport que le picéa; il doit d'ailleurs y avoir des différences selon les lieux, les terrains et les climats; chaque propriétaire d'une futaie de sapins argentés dont les arbres auront éprouvé ce genre de dommage, devra donc faire des observations particulières à sa localité.

(1) Mouches qui déposent leurs œufs sur le corps des chenilles, et dont les larves vivent de ces chenilles, et les font par conséquent périr.

(2) Les hylophthires et leurs ennemis, p. 152.

CHAPITRE III.

SAPIN PICEA, Abies picea.

1. NOMS DE L'espèce.

· Pinus abies LINNÉ (1); Abies excelsa DECANDOLLe (2). On l'appelle aussi EPICEA, PICEA, PESSE, SERENTE OU SERENTO, SAPIN ROUGE, SAPIN DU NORD et SAPIN DE NORWEGE.

J'adopte de préférence la dénomination de Sapin picéa, parce qu'elle exprime un caractère particulier à ce sapin, celui de donner de la poix. Le nom de Linné, Pinus abies, aurait mieux convenu, selon moi, au sapin argenté, que les latins appelaient Abies fæmina, et le nom de Pinus picea au sapin picéa, qui donne la poix, et que les latins appelaient Picea. Decandolle croyait, ainsi qu'il le dit dans sa Flore française, que le sapin picéa atteignait à de plus belles dimensions que le sapin argenté: voilà pourquoi il adopte pour cet arbre le nom d'Abiés excelsa; on verra dans cet ouvrage que c'est probablement le contraire, quoique ces sapins acquièrent d'ailleurs tous les deux de magnifiques dimensions.

II. BOUTONS ET SÈVE. Le sapin picéa a des boutons à bois et des boutons à fleurs; ses feuilles naissent en même temps que les pousses du bois sur lesquelles elles sont fixées.

Cet arbre n'a qu'une seule sève (3) qui commence ordinairement, sous le climat de Paris, dix à quinze jours après celle du sapin argenté, c'est-à-dire dans la première ou dans la deuxième quinzaine du mois de mai, et qui s'arrête, en ce qui concerne la longueur des pousses, au bout de six à neuf semaines, selon la température qui a régné. Lorsque la sève est arrêtée, en ce qui concerne la longueur de la flèche et des pousses, les boutons qui donneront naissance à la flèche et aux pousses de l'année suivante sont parfaitement formés, mais les pousses prennent encore de l'accroissement en grosseur et elles deviennent ligneuses d'herbacées qu'elles étaient.

La sève fait d'abord pousser les boutons des branches qui sont placées le plus

(1) Species plantarum, 3o édit, t. II, p 425.

(2) Flore française, t. III, p. 275.

(3) Duhamel se trompe donc lorsqu'il parle, t. I, p. 11 de son Traité des arbres et arbustes, des deux sèves du sapin picéa.

bas, puis successivement les autres boutons jusqu'au sommet de l'arbre, ainsi que dans le sapin argenté. L'apparition des feuilles sur les différens picéas d'un même canton est d'ailleurs moins régulière que sur le sapin argenté; on en remarque, par exemple, qui se couvrent de feuilles aussitôt que lui, mais ordinairement la sève suit la marche que j'ai décrite.

Lorsque l'action de la sève est arrêtée ou est devenue insensible, on remarque sur quelques parties des pousses de l'année, et toujours à leur extrémité, au bout de la flèche et sur quelques parties de cette flèche, les boutons à bois de l'année suivante qui sont plus petits et plus nombreux que dans le sapin argenté. Ceux qui sont au bout ou tout près du bout de la flèche sont au nombre de trois à six, le plus communément au nombre de cinq dans les arbres bien venans qui ont dépassé 12 ans, non compris celui qui est situé dans le prolongement de la flèche; ces boutons donneront naissance, l'année suivante, à la flèche et aux branches nouvelles. Les boutons à bois qui se trouvent sur le reste de la flèche, sur les parties latérales et sur le dessus des autres pousses, ne donnent ordinairement naissance qu'à des ramilles : il ne pousse, pour ainsi dire, point de boutons adventifs sur le sapin picéa.

Les boutons à fleurs paraissent en même temps que les boutons à bois; ceux qui donneront naissance aux fleurs femelles sont d'abord semblables aux boutons à bois, mais à l'automne ils en diffèrent sensiblement parce qu'ils sont devenus plus gros; ils se trouvent à l'extrémité de quelques pousses de l'année et en plus grand nombre vers le haut de l'arbre. Les boutons qui contiennent le rudiment des fleurs mâles, beaucoup plus petits que les boutons à bois, sont seuls ou réunis au nombre de deux et trois entre les feuilles et sont dispersés sur toutes les parties de l'arbre. Les boutons qui donneront naissance aux fleurs femelles se distinguent facilement dès le 1er octobre.

III. Feuilles, FLEURS ET CÔNES. Les feuilles du sapin picéa (Pl. I, fig. 4 et 5) commencent à paraître, ainsi que je l'ai dit, dans le courant du mois de mai, en même temps que les pousses sur lesquelles elles sont fixées; elles sont linéaires, pointues, fermes, quadrangulaires, d'un vert foncé, moins pourtant que celui des feuilles du sapin argenté; elles sont longues de 0,135 à 0TM,225 et sont fixées irrégulièrement, une à une, sur les parties supérieures et latérales des rameaux et des ramilles, excepté vers le sommet de l'arbre où elles les entourent souvent et sur la flèche qu'elles couvrent entièrement. Elles persistent tant que l'ombrage, le grossissement de la partie des branches sur lesquelles elles se trouvent, ou des maladies ne les font point périr; ainsi Kasthofer (1) et Lorentz (2) se trompent en disant, l'un, qu'elles persistent pendant trois ans ; l'autre, de trois à cinq ans. Les feuilles qui couvrent la flèche ne persistent que pendant six ou huit ans, tant que l'arbre croît; c'est seulement au bout de ce

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temps que le tronc en est débarrassé, probablement par suite de l'ombrage qu'elles éprouvent à mesure que l'arbre s'élève et du grossissement du tronc. Les feuilles qui garnissent les ramilles fixées sur le tronc, et sur la partie des branches qui avoisinent le tronc, périssent aussi successivement par la mêine cause, et les ramilles qui portaient ces feuilles, privées de lumière, périssent ensuite; mais de nouvelles pousses, couvertes de feuilles nouvelles, paraissent annuellement dans les parties qui jouissent des bienfaits de la lumière, et ces pousses sont plus nombreuses dans le sapin picéa que dans le sapin argenté. Il ne repousse jamais de feuilles sur les rameaux ou sur les ramilles qui en ont été dépouillés, par quelque cause que ce soit, à l'endroit où étaient ces feuilles; mais ils peuvent pourtant se couvrir de feuilles au moyen des boutons, qui donnent naissance à de nouvelles pousses, s'ils sont restés sains.

Les fleurs du sapin picéa (Voy. page 10) commencent à paraître en même temps plusieurs jours avant l'apparition des pousses, c'est-à-dire pendant la deuxième quinzaine du mois d'avril ou la première du mois de mai.

Les chatons mâles (Pl. 1, fig. 4) sont dispersés entre les feuilles sur le bois de l'année précédente. Ces chatons, souvent très-nombreux, sont seuls ou réunis au nombre de deux et trois, et ils sont en plus grand nombre vers la partie supérieure de l'arbre; ils sont rougeâtres et ont la forme d'une fraise des bois trèsrégulière, avant que d'avoir atteint leur maturité; lorsqu'ils l'ont atteinte, environ dix jours après leur apparition, ils sont de couleur cannelle, occupent plus de volume, sont plus allongés et laissent échapper une poussière jaune fort abondante c'est peu de jours après que partent les pousses.

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Les chatons femelles du sapin picéa, annoncés dès l'automne précédent par des boutons plus gros que les boutons à bois, se trouvent principalement vers le haut de l'arbre, à l'extrémité et dans le prolongement de quelques ramilles; ils sont oblongs et sont d'abord verts; leur pointe est tournée vers le ciel et leurs feuilles florales sont appliquées sur l'axe et sont dirigées vers son sommet; mais au bout de deux ou trois jours elles se retournent entièrement, sont alors dirigées vers la base de l'axe et prennent une couleur d'un rouge éclatant, puis elles deviennent violettes, et enfin, au bout de trois semaines environ, ces mêmes bractées, en une couple de jours, se retournent de nouveau, sont alors dirigées vers le sommet de l'axe et se transforment en écailles : le chaton devient un cone et la couleur rouge, après avoir passé par la couleur violette, est remplacée par une couleur vert pâle.

Les cônes (Pl. I, fig. 5) sont fixés immédiatement sur le bois; leur pointe est d'abord, ainsi que je l'ai dit, tournée vers le ciel, mais elle baisse à mesure qu'ils grossissent, et elle finit par se tourner vers le sol pour rester fixée dans cette position. J'ai dit que la fleur femelle, après avoir passé par le vert, le rouge éclatant et le violet, se transformait en un cône d'une couleur vert pâle. Cette couleur n'est d'ailleurs pas constante : il y a des cônes qui sont d'un vert brun, d'autres d'un vert violacé; mais tous finissent par devenir d'un rouge cannelle en atteignant leur maturité, ce qui arrive ordinairement au commence

ment de novembre; ils ont alors de 0,11 à 0,16 de long. Ils sont oblongs, quelquefois légèrement courbes et se composent d'écailles serrées les unes contre les autres, adhérentes à un axe commun, plus épaisses à la base fixée à l'axe, qu'à la partie extérieure; à la base interne de ces écailles se trouvent deux graines munies d'une aile.

La graine que contiennent les cônes atteint ordinairement sa maturité dans la première quinzaine de novembre, mais ce n'est que dans le courant du mois d'avril de l'année qui suit celle où ont paru ces cônes que l'action du soleil fait soulever leurs écailles, et que la graine qu'ils contiennent commence à tomber; cependant j'ai remarqué qu'il en tombe aussi quelquefois, mais en très-petite quantité, dès l'automne de l'année où ils sont nés. Cotta, qui habitait la Saxe, fait la même observation (1); j'ignore s'il en est de même dans le Nord, où les étés sont courts et les hivers longs. Ainsi, ce n'est ordinairement que 10 mois et demi environ après que les cònes ont paru, que la graine qu'ils contiennent commence à tomber, et elle tombe non pas en quelques jours, comme celle du sapin argenté, mais en quelques semaines. Cette graine, étant très-légère et munie d'une aile, est quelquefois transportée au loin par les vents. Les cônes commencent à tomber successivement, par suite des secousses des vents, dès l'année même pendant laquelle sont tombées les graines qu'ils contenaient; mais ce n'est qu'au bout de plusieurs années que les picéas en sont entièrement débarrassés.

Le sapin picéa le plus jeune que j'aie vu porter des cônes, avait de 13 à 14 ans, et provenait de pépinière; c'est d'ailleurs une exception, ces arbres ne portent ordinairement point de cônes aussi jeunes. En 1843, année d'abondance de cônes dans mon parc, quelques-uns des picéas d'une allée, qui étaient âgés de 15 à 16 ans, eurent assez abondamment des cônes, et il y en avait aussi quelques-uns qui portaient des fleurs mâles; ainsi c'est à cet âge que les picéas de pépinière commencent à porter des cônes. Je n'ai pas de données positives relativement à l'âge auquel les picéas, provenant de semis naturel, commencent à en porter, je présume que c'est quelques années plus tard. La graine de picéa, récoltée sur des arbres trop jeunes, n'est d'ailleurs pas toujours féconde et présente beaucoup de déchet; elle n'atteint toute sa force germinative que sur des picéas plus âgés encore, aussi est-il prudent de ne récolter les cônes, pour en extraire la graine, que sur ceux de ces arbres qui sont âgés de plus de 50 ans. Mais il ne suffit point de se procurer de la graine féconde; il faut aussi la tirer, autant qu'on le peut, des plus beaux arbres; car il est à craindre que des graines tirées de sujets rabougris ne donnent naissance qu'à des arbres qui se ressentent de leur origine.

On commence à voir des fleurs mâles, pour la première fois, sur les jeunes picéas au même âge environ où l'on commence à y voir des cônes; quelques années plus tôt ou quelques années plus tard. Cet arbre ne porte pas toujours en

(1) Traité de culture forestière, p. 251.

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