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même temps des fleurs mâles et des fleurs femelles, surtout dans sa jeunesse, car lorsqu'il approche de sa maturité ou qu'il l'a atteinte, il a presque toujours des fleurs mâles pendant l'année qu'il porte des fleurs femelles; mais il porte souvent des fleurs mâles, sans avoir des fleurs femelles ni par conséquent des cònes. Lors donc qu'on veut récolter de la graine sur un picéa isolé, il faut s'assurer qu'il a eu des fleurs mâles en même temps que les fleurs femelles qui ont donné naissance aux cônes, puisque sans cela cette graine serait stérile.

Le sapin picéa ne porte pas des cônes tous les ans, et les années d'abondance de cònes sont encore plus rares pour cet arbre que pour le sapin argenté, du moins sous le climat de Paris; car dans le Nord et dans les montagnes, dans les lieux enfin où il est indigène, il peut en être autrement. Dans mon parc, où les picéas sont nombreux, depuis le jeune plant jusqu'à l'arbre qui a dépassé 80 ans, j'ai cru remarquer qu'il y avait au plus une année d'abondance tous les sept ans environ. Dans ces années d'abondance, indépendamment des cônes qui se trouvent agglomérés vers la cime de l'arbre, ainsi que je l'ai dit, on en remarque aussi quelques-uns, quand ils sont isolés, jusqu'aux deux tiers de l'arbre, à partir de son sommet. En 1843 il y eut, dans mon pare, une année d'abondance de cônes; en 1844, il n'y avait ni une fleur mâle ni une fleur femelle.

IV. GRAINES ET SEMIS NATUREL. Les graines du sapin picéa (Pl. 1, fig. 6) sont ovales, d'un brun roussâtre (couleur puce), et sont munies d'une aile; elles ont environ 0,004.de longueur moyenne. Nous avons vu que cet arbre, lorsqu'il provient de semis naturel, ne porte des cônes qu'après avoir dépassé 16 ans; mais ces graines n'acquièrent ordinairement assez de force germinative pour donner du semis naturel que lorsque l'arbre a atteint 35 ans, et ce n'est encore qu'en très-petite quantité; il faut que le sapin picéa ait 50 ans pour donner abondamment du semis naturel efficace. Les sapins picéas qui approchent le plus de leur maturité ou qui l'ont atteinte sont ceux qui, pour la même quantité de graines, donnent le plus de semis naturel, et c'est par conséquent la graine de ces arbres que l'on doit préférer pour faire des semis.

Pour se procurer de la graine, on peut faire cueillir des cônes depuis la première quinzaine de novembre jusqu'à l'époque où cette graine doit s'échapper des cônes, c'est-à-dire jusque dans le courant du mois d'avril de l'année suivante.

La manière d'extraire la graine des cônes du sapin picéa, est la même que celle qu'on emploie pour extraire la graine des cónes du pin sylvestre; soit qu'on veuille en extraire une petite quantité pour son usage, soit qu'on veuille l'extraire en grand, au moyen d'une chaleur artificielle. Ce que je dirai de l'extraction de la graine des cônes du pin sylvestre et de son désailement, dans le chapitre suivant, s'appliquera donc, de tout point, au picéa, et j'y renvoie mes lecteurs. J'ajouterai seulement qu'on peut récolter les cônes du picéa quinze jours plus tôt que ceux du pin sylvestre; qu'il ne me parait pas utile d'attendre

jusqu'au 1er janvier pour en extraire les graines, car elles sont parfaitement mûres en novembre; et que lorsqu'on extrait la graine des cônes du picéa dans une sécherie, on doit la chauffer moins que pour l'extraction de la graine du pin sylvestre, parce que les cônes du premier s'ouvrent plus facilement que ceux du second. Néanmoins, tant qu'il n'y a pas de nécessité de procéder à l'extraction de la graine, il est préférable de la laisser dans les cônes où elle se conserve mieux; mais on doit avoir l'attention de remuer les tas de cônes, autant qu'il est nécessaire, pour qu'ils ne s'échauffent point, ce qui arriverait s'ils n'étaient pas parfaitement secs. Lorsqu'il y a abondance de cônes on se procure facilement de la graine de picéa, parce que chaque cône en contient beaucoup, plusieurs centaines, je crois; aussi est-elle moins chère en Allemagne que celle du pin sylvestre, dont les cônes sont plus petits et ne contiennent chacun, terme moyen, que vingt graines.

Il faut, selon Cotta (1), six à dix boisseaux de cônes pour obtenir un boisseau de grainè ailée, et il dit que la graine ailée se garde quatre ou cinq ans. Selon Hartig (2), une partie de la graine de sapin picéa conserve sa faculté germinative pendant quatre ans, si l'on a le soin de l'étendre clair sur un plancher aéré et de la remuer de temps en temps, surtout pendant l'été; mais plus tôt on l'emploiera après avoir été récoltée, moins elle donnera de déchet.

Hartig dit (3) que 4 décalitres de graines de sapin picéa sans ailes pèsent 45 kilogrammes, c'est-à-dire qu'un litre pèse 375 grammes; selon Cotta (4), un litre pèse 433 grammes. Moi, j'ai trouvé qu'il pesait 415 grammes et contenait 52,600 graines; ainsi le kilogramme de cette graine occupait un volume de 2 litres 41 décilitres et contenait 126,747 graines. Il est d'ailleurs évident que ce n'est qu'une approximation, et que l'on n'obtiendrait jamais de résultats identiques de cette expérience en larépétant plusieurs fois, lors même que l'on emploierait de la graine tirée du même sac; à plus forte raison, si l'on employait chaque fois des graines de différens degrés de netteté, des graines tirées de différens pays, ou seulement si l'expérience était faite dans des années différentes, ou enfin, si on la faisait avec des graines tirées de picéas de différens âges. A Paris, la graine de sapin picéa se tire de l'Allemagne; elle se vend ordinairement, dans la maison Vilmorin-Andrieux, 7 fr. le kilogramme.

La graine du sapin picéa lève dans l'année même où elle est tombée, et l'on a vu qu'elle ne commence ordinairement à tomber que dans le courant du mois d'avril, et que s'il en tombe quelquefois pendant l'automne de l'année où sont nés les cônes, ce n'est qu'en très-petite quantité; cette graine étant plus légère que celle du sapin argenté est emportée plus loin par les vents. Ce que j'ai dit du semis naturel du sapin argenté, dans le chapitre précédent, s'applique à

(1) Traité de culture forestière, p. 255-256.

(2) Hartig, cité par Baudrillart, Dictionnaire des eaux et forêts, t. II, p. 784. (3) Hartig, cité par Baudrillart, Dictionnaire des eaux et forêts, t. I, p. 820. (4) Traité de culture forestière, p. 344.

celui du sapin picéa; ces deux sapins ont la faculté de résister longtemps à un épais ombrage, tandis qu'il en est autrement des pins et même du mélèze, dont je m'occuperai dans les chapitres suivans: le picéa venu de semis naturel peut, ainsi que le sapin argenté, résister à l'ombrage d'un taillis que l'on coupe tous les dix ans, mais moins bien pourtant.

Voici ce que j'ai remarqué dans mon parc, c'est-à-dire sous le climat de Paris proprement dit. Les sapins picéas qui ont dépassé 50 ans y donnent abondamment du semis naturel qui lève très-bien, mais au bout d'un an il n'en reste qu'une très-petite quantité, beaucoup moins que de sapins argentés. Cela tient-il à ce que cet arbre n'est pas dans le climat qui lui convient le mieux? Sont-ce les lapins, qui tondent si bien les picéas de pépinière que je plante dans les allées, qui les détruisent? c'est ce que j'ignore. Quoi qu'il en soit, ceux qui dans le bois taillis ont résisté pendant les premières années, ont beaucoup de chances de devenir des arbres s'ils n'éprouvent point d'accidens ou ne sont point étouffés sous l'ombrage; dans les massifs de la futaie qui sont bien garnis, ils finissent, ainsi que le sapin argenté, par périr, après avoir lutté longtemps, si on ne leur procure pas enfin de la lumière et de l'espace.

Mon père ayant racheté, en janvier 1803, peu après son retour de l'émigration, le château et le parc de Chambray, qui avaient été vendus pendant la révolution, fit, dans l'automne même de cette année, planter en bois d'essence feuillue et d'essence résineuse un terrain silico-argileux maigre, d'environ un hectare, séparé seulement du parc par un chemin. Au nombre des plants d'arbres résineux qu'il planta se trouvaient des sapins picéas, âgés d'environ 8 ans, qu'il avait pris dans son parc, parmi ceux qui provenaient de semis naturel. Ces picéas ont commencé à donner du semis naturel lorsqu'ils étaient âgés d'environ 35 ans, mais en bien petite quantité; tandis qu'il a levé dans ce terrain un très-grand nombre de sapins argentés, dont la graine, qui est pourtant plus lourde que celle du picéa, a dû, pour arriver jusque-là, franchir le chemin de 16 mètres de large qui sépare ce massif du parc. Une personne de mon voisinage, qui a cultivé des picéas en massif, m'a dit en avoir obtenu du semis naturel, mais en petite quantité, dès l'âge de 22 ans.

Le mode de végétation

V. MODE DE VÉGÉTATION, DESCRIPTION, DIMENSIONS. du sapin picéa a été décrit au commencement de ce chapitre, en ce qui concerne la marche de la sève dans cet arbre, ses boutons, ses feuilles, ses fleurs et ses cônes, et l'on trouvera, chap. XI, art. III, des détails sur sa végétation et son accroissement, depuis le semis jusqu'au moment de la plantation à demeure. Je n'essaierai point de donner de semblables détails relativement au plant provenant de semis naturel, parce qu'il présente beaucoup de variété dans son accroissement, selon les circonstances différentes dans lesquelles il se trouve placé. Je me contenterai de dire qu'il a un accroissement plus lent que le plant que l'on élève en pépinière; il ne m'a pas paru avoir un accroissement plus prompt que le plant de semis naturel du sapin argenté, et pourtant le plant de

pépinière du premier devance beaucoup celui du second. La graine lève irrégulièrement, selon l'époque à laquelle elle est tombée et la situation où elle s'est trouvée.

A l'âge où l'on plante ordinairement à demeure le sapin picéa élevé en pépinière, c'est-à-dire à 7 ans, le picéa de semis naturel n'a pas ordinairement plus de 0,65 de haut; mais il commence alors à pousser avec vivacité, et, quand il a dépassé 16 ans, on remarque quelquefois, pendant des années privilégiées, des flèches d'un mètre de long. J'en ai mesuré, en 1844, de 1",10 dans les allées de mon parc. C'est ordinairement de 15 à 40 ans que le picéa prend annuellement le plus d'accroissement en hauteur; la longueur ordinaire de la flèche, pendant ce laps de temps et dans des circonstances favorables, me paraît être de 0,32 à 0,65, en moyenne 0,50, comme pour le sapin argenté; mais cet accroissement ne se soutient pas aussi longtemps, toutes choses égales d'ailleurs, sous le climat de Paris, dans le sapin picéa que dans le sapin argenté. Les branches du picéa et même le tronc, dans la partie où il est jeune, étant couverts d'une très-grande quantité de ramilles, cet arbre a, jusqu'à environ 15 ans, la forme d'un épais buisson que l'on aurait taillé en pain de sucre; sa tête conserve cette forme et est semblable à un jeune picéa pendant tout le temps qu'il prend son principal accroissement en hauteur. Enfin l'arbre cesse de croître en hauteur, mais ordinairement il continue à augmenter en grosseur.

Voilà ce que j'ai remarqué dans la sapinière du parc de Chambray, dont le terrain léger, silico-argileux, souvent caillouteux, me paraît convenir un peu mieux au sapin picéa qu'au sapin argenté; on voit que sa végétation est plus rapide, dans les premières années, que celle du sapin argenté; que, jusqu'à 35 ans, elle ne le cède guère à celle de ce sapin; mais plus tard, toutes choses égales d'ailleurs, elle lui est inférieure. On devait, au reste, s'attendre à ce résultat, car ces deux arbres, atteignant à peu près aux mêmes dimensions dans des circonstances également favorables, celui-là qui n'est pas indigène du climat de Paris doit s'y trouver, par rapport à l'autre, dans une infériorité relative. Le sapin picéa a ordinairement deux étages de racines et souvent un pivot; les racines du premier étage partent du collet; elles sont à fleur de terre et quelquefois même il y en a qui sortent entièrement de terre pour y rentrer bientôt après; le pivot n'est pas la racine dominante, quand il y en a un, comme dans d'autres espèces; ce sont les racines latérales, et c'est principalement par elles que cet arbre se maintient. La plupart des auteurs qui ont parlé du picéa disent qu'il est sujet à être renversé par les vents, mais il suffit qu'un auteur de réputation ait émis cette opinion pour qu'elle ait été reproduite par beaucoup d'autres; il est possible que cet arbre, pouvant croître dans des terrains moins substantiels que ceux qui sont nécessaires au sapin argenté pour y développer sa belle végétation, et pouvant croître aussi dans des terrains moins profonds, y soit exposé à être renversé par les vents; mais je pense que, lorsque ces deux arbres croissent dans le même terrain, le sapin picéa est ordinairement aussi bien enraciné que le sapin argenté. J'ai, à l'ouest et en bordure de mon

parc, une allée qui est par conséquent exposée aux vents les plus violens de la localité; il s'y trouve des sapins argentés, des sapins picéas, des pins sylvestres et des pins maritimes qui ont été plantés de 1785 à 1789, et aucun picéa n'y a été renversé par les vents. J'avais un quinconce de picéas qui avait été planté en 1765-1766, et dont je parlerai plus loin; il n'était couvert, du côté du sud-ouest, d'où nous arrivent les vents les plus violens, que par un bois taillis de mauvaise qualité que l'on coupait tous les neuf ans; ce quinconce a été tellement éclairci à différentes époques, qu'il n'en reste plus que quelques picéas que je conserve pour porte-graines, et pourtant je n'ai jamais vu le vent en renverser un seul, quoique la plupart de ceux que j'ai fait abattre dans ces derniers temps fussent attaqués de la pourriture au cœur.

Le tronc du sapin picéa est toujours droit, soit qu'il croisse isolé, soit qu'il croisse à l'état serré; dans le premier cas, il est garni de branches depuis le sol jusqu'à la cime; dans le second, il se dépouille de branches jusqu'aux deux tiers environ de sa hauteur. L'écorce du picéa, qui est d'abord rougeâtre et unie, d'où lui vient probablement le nom de sapin rouge, qu'on lui donne particulièrement en Allemagne et en Suisse, devient grise et rugueuse à mesure que l'arbre approche de sa maturité. Tant que l'arbre est jeune, sain et vigoureux, son tronc est toujours terminé par une flèche; lorsqu'il approche de l'âge de sa maturité ou que sa croissance a été arrêtée par une cause quelconque, il n'a plus de flèche; sa tête s'étale et forme une espèce de buisson d'une très-petite étendue, même dans les picéas des plus belles dimensions: si la cause qui a arrêté la croissance de l'arbre en hauteur cesse, il repart quelquefois une flèche. Le tronc est en queue de rat quand le sapin picéa croît isolé ; il maintient au contraire beaucoup mieux sa grosseur, jusqu'à environ les deux tiers de sa hauteur, quand il croît en .futaie; mais, dans mon parc, je l'ai trouvé inférieur, sous ce rapport, au sapin argenté. Ainsi, lorsque deux de ces sapins y ont crû en futaie à l'état serré, dans des circonstances également favorables, et ont la même hauteur et la même circonférence à un mètre au dessus du sol, c'est ordinairement le tronc du sapin argenté qui a le plus fort volume de bois. Il en est de même dans une allée composée de sapins argentés et de picéas, plantés par mon oncle, en 1787-1788.

Si l'on brise le tronc du sapin picéa dans sa jeunesse, une ou deux des branches les plus rapprochées de la brisure continuent le tronc; il paraît quelquefois des boutons adventifs sur le tronc, par exception, mais ils ne parviennent point à former une flèche. Lorsque l'arbre est très-jeune, qu'une seule branche s'empare de la sève et continue le tronc, il ne reste quelquefois point de traces de cet accident; mais si le sapin approchait de sa maturité lorsque cet accident arrive, le tronc resterait mutilé, et si la cassure était trop rapprochée du sol, l'arbre périrait.

Lorsque, dans sa jeunesse, le sapin picéa est longtemps privé d'espace et de lumière par des arbres de son voisinage, sa végétation devient insensible, les extrémités de sa flèche et de ses branches se dessèchent, et il finit par périr.

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