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n'existe qu'en très-petite quantité, comparativement au sapin argenté, il acquiert à peu près la même hauteur que lui, avec une circonférence un peu moindre.

M. Dahirel aîné m'a mandé, le 1er janvier 1841, qu'il y a près de Ploërmel (Morbihan) des sapins picéas, au nombre de sept ou huit, auxquels on donnait près de 100 ans ; que ces arbres avaient la même hauteur que les sapins argentés, situés près de la même ville, dont il m'avait envoyé les dimensions (Voy. page 33), mais qu'ils étaient un peu moins gros; qu'on en avait trouvé un fort bon prix lors de la guerre maritime, sous l'empire, et qu'on ne voulut pas les vendre. Ainsi, le rapport entre les dimensions des deux sapins d'Europe, dans les Vosges et en Bretagne, se trouve être le même.

Le sapin picéa a été introduit par la culture sous le climat de Paris; il ne s'y trouve point en futaies; il y est épars dans les jardins anglais et dans les parcs, et il n'y a pas très-longtemps que cette culture y a pris de l'extension, car il est bien rare d'en trouver qui aient dépassé 80 ans. Il en résulte qu'il n'y a pas, sous le climat de Paris, un assez grand nombre de sapins picéas ayant atteint leur maturité pour que l'on puisse savoir quelles sont les plus belles dimensions que cet arbre peut y acquérir, surtout en futaie; mais il est indubitable qu'il serait inférieur, sous ce rapport, au sapin argenté, puisqu'il atteint à peine aux mêmes dimensions que cet arbre sous le climat et dans les situations qui lui sont le plus favorables. Voici les dimensions de quelques sapins picéas sous le climat de Paris. On remarque dans le parc de Vrigny (Loiret) plusieurs sapins picéas qui se trouvent en sable substantiel mêlé de terre de bruyère, dans le même emplacement où sont les beaux cèdres dont je parlerai chap. IX; ils ont été plantés en 1730, d'après des renseignemens que M. Dubamel de Fougeroux, propriétaire de ce parc, tient de son père, ainsi ils avaient 114 ans en 1844, Le plus gros de ces picéas a 2,32 de circonférence; je n'ai point cru pouvoir calculer son accroissement annuel, parce que je présume qu'il y a déjà longtemps qu'il a atteint sa maturité et qu'il a cessé de prendre de l'accroissement.

Il y a dans le parc du Désert, qui appartient à M. Bayard, et est situé à 8 kilomètres de Saint-Germain (Seine-et-Oise), 5 sapins picéas qui ont atteint de belles dimensions; à l'automne de 1843, ces arbres avaient en circonférence, à 1,25 au dessus du sol, le premier 2,43, le second 2,25, le troisième et le quatrième 1,98, et le cinquième 1,92. Ils ont été plantés de 1770 à 1780, par M. de Monville, fermier-général; ils se trouvent dans une vallée au bas d'un coteau, dans un terrain d'alluvion; ils sont garnis de branches du sol à la cime, ont encore une végétation active et ne paraissent pas avoir atteint leur maturité; ils ont dépassé en grosseur les pins sylvestres dont je parlerai dans le chapitre suivant, qui se trouvent au dessus d'eux sur le même coteau.

On trouve dans le parc de Courtomer, qui appartient à M. le marquis de la Coste, et qui est situé à 12 kilomètres de Séez (Orne), dáns une de ces terres d'herbages si fertiles des vallées d'Auge, plusieurs espèces d'arbres résineux, parmi lesquels se trouvent des picéas dont les trois plus gros avaient en 1840 :

le premier 2,70 de circonférence, il est isolé et garni de branches jusqu'au sol; le second 2,10, il est aussi isolé; le troisième 2",11, il est dans un massif. On leur donne approximativement 23, 27 et 30 mètres de haut (Voy. page 38); on ignore quel est exactement l'âge de ces arbres, on sait seulement qu'il y a au plus 80 ans qu'ils ont été plantés. On voit que, dans ce parc, l'accroissement annuel en grosseur du picéa, du pin sylvestre et du pin Weymouth, les plus gros, chacun dans leur espèce, a été le même et celui du mélèze un peu moindre. (Voy. chap. IV, VII et VIII, art. V.)

Il y a dans le parc de Trianon, près de Versailles, en terre franche, plusieurs sapins picéas qui datent, dit-on, de la création de ce parc, qui est postérieure au mariage de Louis XVI, en 1770, et qui ont par conséquent environ 74 ans. J'ai mesuré plusieurs de ces picéas le 7 août 1844; le plus gros avait 2,28 de circonférence et environ 20 mètres de haut, ainsi il aurait eu un accroissement annuel en diamètre de 0,01. En comparant les dimensions de ce picéa avec celles du plus gros des pins sylvestres, des pins Weymouth et des mélèzes de ce parc (Voy. chap. IV, VII et VIII, art. V) qui y avaient été plantés en même temps, on verra qu'il avait été dépassé en circonférence par un pin sylvestre pommier et un pin Weymouth, mais qu'il avait dépassé le mélèze.

J'ai donné précédemment, en parlant de l'accroissement annuel des sapins picéas, les dimensions de plusieurs arbres de cette espèce de différens âges, particulièrement sous le climat de Paris.

VI. CLIMAT, EXPOSITION, TERRAIN. Le sapin picéa croit spontanément dans le nord et dans la partie centrale de l'Europe; il compose, avec le pin sylvestre, la masse des forêts du nord de l'Allemagne, de la Pologne, de la Russie et de la Scandinavie, mais il y entre dans une bien moindre proportion que ce pin. On le trouve aussi en plaine dans quelques parties de l'Allemagne méridionale, et plus au midi, dans les maînes de montagnes seulement. Ainsi il est commun dans les Alpes, mais on ne le trouve en France, croissant spontanément, que dans les montagnes des Vosges, dans celles du Jura, dans celles des Alpes, et il y occupe beaucoup moins d'étendue que le sapin argenté. Dans les Pyrénées il n'y en a pour ainsi dire point, car Lapeyrouse dit (1) qu'il n'y en a vu que quelques individus qui se trouvaient au pied de la montagne de la Maladetta, et le capitaine S. E. Cook (2) prétend qu'il ne s'y en trouve pas. Il n'existe point dans les Apennins du royaume de Naples, puisque Tenore n'en parle pas dans sa Flora napolitana; il ne se trouve point non plus dans les Apennins des États-Romains, mais je présume qu'il s'en trouve dans la partie de ces montagnes qui touche aux Alpes. Les moines de l'abbaye de Vallombreuse, située dans les Apennins, non loin des sources de l'Arno, en ont créé une belle futaie, dont j'ai

(1) Histoire abrégée des plantes des Pyrénées, p. 589.

(2) Annals of natural history, année 1839, 1. II, p. 163, art. Sur les genres Pins et Sapins,

parlé page 87, et qu'ils entretiennent par la plantation; mais je ne crois pas qu'il existe croissant spontanément dans ces montagnes.

Loudon dit, dans l'ouvrage précédemment cité, page 2302, que le picéa n'est point indigène de la Grande-Bretagne, où il n'est considéré que comme arbre d'ornement, mais qu'il y a très-longtemps qu'il y a été introduit, et il cite à ce sujet un ouvrage de Turner, publié en 1548, dans lequel il en est question. Il ajoute d'ailleurs que plusieurs des anciens auteurs ont confondu cet arbre avec le pin d'Écosse, et que ce n'est que du temps de Miller, pendant le xvII° siècle, qu'il a été introduit dans les parcs de la Grande-Bretagne.

Le sapin picéa n'est point indigène du climat de Paris, et il n'est cultivé nulle part en grand sous ce climat, mais seulement comme arbre d'ornement; il n'y a d'ailleurs pas très-longtemps que la culture de cet arbre s'y est introduite, et je pense qu'il n'en existe guère de plus âgés que ceux qui me restent du quinconce dont j'ai parlé précédemment, qui ont aujourd'hui (1845) 86 ans.

L'exposition au nord est celle qui convient le mieux au sapin picéa, dans les climats tempérés, et cela doit être, puisque c'est principalement dans les climats froids qu'il croit spontanément.

On ne peut indiquer, d'une manière précise, quels sont les terrains qui conviennent le mieux à la culture du sapin picéa sous le climat de Paris, puisque sa culture n'y a pas encore été exécutée en grand; je présume qu'un terrain silicoargileux, mêlé de terre végétale, frais et perméable aux racines, est celui qui lui convient le mieux. Le sapin picéa peut d'ailleurs croître passablement sur des terrains maigres, siliceux ou sablonneux, où le sapin argenté resterait chétif; mais pourtant pas sur des terrains de cette nature aussi maigres que ceux sur lesquels on peut encore cultiver avec succès le pin maritime, le pin sylvestre et le pin laricio. Dans le nord de l'Europe, où la plupart des forêts sont composées de pins sylvestres et de sapins picéas, on a remarqué que le pin sylvestre occupe les parties les plus sablonneuses et les plus sèches, mais que dans les parties où le sol est moins sec, est humide ou devient argileux, ifest ordinairement remplacé par le sapin picća.

Burgsdorf, dans le tableau qui se trouve à la fin du tome 1er de son Nouveau Manuel forestier, indique un sol moyen comme étant celui qui convient au sapin picéa. Baudrillart dit, d'après Hartig (1) : « Le picéa est moins délicat sur la na»ture du sol que le sapin commun, il se plaît beaucoup dans un terrain com

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posé d'argile, de terre végétale et de gravier ou de petites pierres, et un peu frais, mais on peut le cultiver aussi avec succès sur un sol de médiocre qualité. » Il n'exige pas beaucoup de profondeur, parce que ses racines s'enfoncent peu, cependant il vient bien mieux dans les terrains qui ont du fond et qui, par conséquent, conservent mieux l'humidité que dans les sols superficiels. Les ter

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>> rains fangeux et limoneux ne lui conviennent pas et il vient mal dans les sables » secs, où d'ailleurs il est exposé à être renversé par les vents. »

(1) Dictionnaire des eaux et forêts, t. II, p. 784.

Dans les montagnes des Vosges, on ne le trouve que dans les hautes Vosges; et, sauf quelques rares exceptions, que dans le voisinage des lacs élevés, sur des plateaux tourbeux ou sur des versans humides et tourbeux (1). M. le capitaine S. E. Cook, dans l'article Sur les genres Pin et Sapin, précédemment cité, dit qu'il résiste mieux à l'humidité qu'aucun des arbres de ces deux genres. M. Laing Meason dit (2) qu'il réussit bien en Écosse dans les terrains stériles, s'ils sont humides et ont quelque profondeur, tels que les terrains tourbeux et marécageux. Il paraît donc que le picéa peut être cultivé avec succès dans les terrains humides et tourbeux, à un point que je ne puis d'ailleurs indiquer.

L'air des grandes villes est contraire au sapin picéa, un peu moins pourtant qu'au sapin argenté; l'on en a planté successivement un assez grand nombre au Jardin-des-Plantes de Paris; la plupart sont morts, les autres ont le plus triste aspect. Je n'en ai jamais vu dans les jardins de Paris, excepté quand ils sont très-jeunes, qui eussent une belle végétation.

VII. CRÉATION D'UNE FUTAIE DE SAPINS PICÉAS. Ce que j'ai dit dans le chapitre précédent, pages 48-65, de la création d'une futaie de sapins argentés, s'applique entièrement à la création d'une futaie de sapins picéas; j'ajouterai seulement les modifications et les faits suivans.

Le plant du sapin picéa ne supporte pas autant d'ombrage et ne peut pas croitre aussi serré, sans périr, que celui du sapin argenté; ainsi, si l'on plante du plant de picéa dans une futaie ou dans un taillis de bois feuillu, avec l'intention de le transformer dans l'avenir en une forêt de picéas, il faudra procurer au plant un peu plus de lumière et d'espace qu'à celui du sapin argenté. On ne peut pas espérer que, sous le climat de Paris, ce sapin donnera autant de semis naturel que le sapin argenté, du moins si j'en juge par ce que je remarque dans mon parc; et cela me paraît être une conséquence de ce que cet arbre n'est point indigène de ce climat, et n'y est pas par conséquent dans les conditions les plus favorables à sa reproduction spontanée. On n'aura donc, je pense, une entière certitude de réussir à transformer une futaie ou un taillis de bois feuillu en une futaie de sapins picéas, que par la plantation.

Relativement à la création d'une forêt de sapins picéas par le semis artificiel, je me contenterai de dire que le semis de ce sapin n'a pas tout-à-fait besoin d'autant d'ombrage que celui du sapin argenté; néanmoins un demi-ombrage lui est nécessaire, du moins sous le climat de Paris. On a vu, page 58, que j'avais échoué dans un semis de graine de picéa sur labour, comme pour le sapin argenté; et l'on trouvera, à la suite du récit de ce semis, le résultat d'une expérience de M. de Boisdhyver, à ce sujet, dans la forêt de Fontainebleau.

En appliquant ce que j'ai dit, dans le chapitre précédent, de la création d'une futaie de sapins argentés par la plantation, à la création d'une futaie de sapins

(1) Note communiquée par M. G. Gand. (2) De la plantation du mélèze, p. 12.

picéas, on assimilera, pour la dimension des trous, le plant de sapin picéa de 6 à 7 ans au plant de sapin argenté de 8 à 9 ans, et celui de 3 ans du premier à celui de 5 ans du second.

S'il est vrai que le sapin picéa puisse être cultivé avec succès dans les terrains humides, sous le climat de Paris, ce dont je n'ai aucune certitude, et ce que je présume seulement, par analogie avec ce qui a été observé dans le Nord et en Angleterre, ainsi que je l'ai rapporté dans l'article précédent; il serait préférable de ne planter, dans ces sortes de terrains, qu'au printemps. Si ces terrains étaient marécageux l'hiver, il serait nécessaire d'y faire des fossés d'assainissement, et l'on planterait de préférence sur les berges de ces fossés; il est d'ailleurs toujours avantageux de planter sur les berges des fossés, quand elles sont assez fortes, à moins qu'elles ne soient situées à une exposition brûlante.

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VIII. AMÉNAGEMENT, EXPLOITATION ET REPRODUCTION. Ce que j'ai dit, dans le chapitre précédent, pages 65-103, sur l'aménagement, l'exploitation et la reproduction du sapin argenté, s'applique entièrement au sapin picéa, sauf quelques légères modifications que je vais indiquer; ainsi je me contenterai d'y renvoyer mes lecteurs; je rapporterai aussi quelques faits d'expérience.

On peut élaguer le sapin picéa comme le sapin argenté; mais il faut le faire avec encore plus de ménagement, parce qu'il coule beaucoup plus de résine des plaies qu'on lui fait ainsi, et que l'élagage lui est plus nuisible.

J'ai prescrit, dans l'exploitation par bandes et dans l'exploitation par éclaircies, d'attendre une année d'abondance de cônes; elle se trouve annoncée, pour le sapin picéa, par la quantité des boutons à fleurs en octobre et, six mois après, par l'apparition des fleurs femelles en avril, environ un an avant la dispersion des graines l'année suivante. Les forestiers allemands ne sont d'ailleurs pas d'accord sur la meilleure manière d'exploiter les futaies de sapins picéas; il y en a qui proscrivent la méthode d'exploitation par éclaircies, dans la crainte que les picéas ne soient renversés par les vents, et qui n'admettent que l'exploitation par bandes; mais Hartig et Cotta ne partagent point cette opinion: ces forestiers conviennent d'ailleurs de l'incertitude du repeuplement quand on emploie l'exploitation par éclaircies (1), quoiqu'ils en aient été les propagateurs. Depuis ces opinions contradictoires, des faits d'expérience éclairent peu à peu les forestiers. Je vais rapporter quelques-uns de ces faits, qui se trouvent consignés dans les Mémoires de la Société forestière de la Silésie prussienne, et auxquels M. T. Lanier, inspecteur des études à l'Ecole royale forestière de Nancy, a donné de la publicité dans le numéro de janvier 1845 des Annales forestières.

La Société dont je viens de parler avait proposé la solution de la question suivante : « Dans les régions des hautes montagnes de la Silésie prussienne, faut» il préférer les coupes à blanc-étoc aux coupes sombres, et ne devrait-on pas » quelquefois recourir au mode jardinatoire? » Je rappellerai d'abord que ces

(1) On peut lire ce que Cotta en dit dans son Traité de culture forestière, p. 46.

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