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montagnes sont principalement le Riesengebirge, chaine de montagnes qui se trouvent sur les frontières de la Silésie et de la Bohême, et dont les plus hautes ne s'élèvent qu'à 1,290 mètres au dessus du niveau de la mer, excepté l'une d'elles, qui atteint 1,608 mètres. Elles sont couvertes en grande partie de bois dont l'essence dominante est le sapin picéa, qui forme des massifs purs ou mêlés avec le hêtre. On remarque qu'à 900 mètres au dessus du niveau de la mer, la croissance du picéa se ralentit beaucoup; aussi n'y est-il plus cultivé que pour procurer un abri aux forêts situées à une moindre élévation et pour prévenir la détérioration des montagnes et l'affaiblissement des sources.

On répondit unanimement à la question qu'avait proposée la Société qu'il fallait proscrire les coupes d'ensemencement dans les hautes montagnes, et qu'il fallait quelquefois recourir à l'exploitation en jardinant. Mais l'on conseillait surtout les coupes par bandes étroites à blanc-étoc, repeuplées par le semis artificiel, qui ne présente que peu de difficultés d'exécution dans cette partie de l'Allemagne, parce qu'on s'y procure facilement et à bas prix d'excellente graine de picéa. Les causes principales qui avaient fait abandonner l'exploitation par éclaircies dans ces montagnes, étaient que les années d'abondance de cônes y arrivent à de plus grands intervalles que dans les plaines, ce qui contraignait à exécuter, en les attendant, beaucoup de coupes préparatoires; que les vents exerçaient des ravages dans les futaies où l'on avait fait des coupes d'ensemencement ou seulement des coupes préparatoires; et qu'en définitive ce mode de repeuplement n'avait point eu de succès, car il n'avait réussi que par exception et seulement sur des terrains profonds, abrités, mêlés de quelques hêtres. Je vais d'ailleurs reproduire des opinions qui furent émises alors, par des hommes d'une autorité incontestable, dans la question proposée.

L'inspecteur Rottenberg dit que si le terrain est très-peu profond, humide, marécageux ou qu'il renferme de nombreuses sources, il est tout-à-fait impossible, fût-il même peuplé de hêtres, de régénérer la futaie de picéas par la voie naturelle, parce qu'un seul coup de vent, par un temps doux, lorsque le sol n'est pas encore raffermi par le froid, suffirait pour bouleverser une coupe d'ensemencement, quelque sombre qu'on l'eût disposée; mais que la présence du hêtre, à la hauteur de 7 à 800 mètres, indiquant toujours un sol profond et argileux; quand les futaies de picéas, placées à cette élévation, seront mélangées de hêtres bien venans, on pourra établir des coupes d'ensemencement avec quelque chance de succès, sans qu'il soit permis néanmoins de les conserver durant 7 ou 8 ans en attendant une année d'abondance de cônes. Selon lui, l'usage des coupes ordinaires d'ensemencement, dans les régions élevées, ne peut être appliqué aux futaies de picéas purs que dans un petit nombre de circonstances; des coupes étroites à blanc-étoc procurent souvent un repeuplement complet et méritent la préférence. Que si certaines coupes d'ensemencement ont fourni, en l'absence de ces circonstances, un repeuplement complet, ce n'est qu'une exception qui ne peut détruire ce qui a été généralement observé.

MM. les inspecteurs Bormann et Haas, qui administrent 75,000 arpens de forêts dans la partie la plus élevée du Riesengebirge, proscrivent d'une manière absolue l'emploi des coupes d'ensemencement dans les futaies de picéas situées à 7 ou 800 mètres au dessus du niveau de la mer. L'inspecteur Rucker prétend qu'on ne doit pas employer les coupes d'ensemencement dans les hautes montagnes, parce que l'économie de semence que l'on fait ainsi ne saurait compenser les nombreux dangers qui résultent de l'emploi de cette méthode, et parce que la semence n'atteint jamais, à cette hauteur, une maturité complète.

L'inspecteur Wegner de Zotten a renoncé, depuis 1833, à employer les coupes d'ensemencement dans les futaies de picéas, ses essais ayant tous échoué; depuis cette époque, il ne propage plus cette essence que par le semis artificiel, et il trouve dans les souches extraites dans les coupes à blanc-étoc une entière compensation des frais de culture et d'achats de graines. Il conteste que l'abri procuré par la coupe d'ensemencement soit indispensable, sur les hautes montagnes, à la prospérité des jeunes plants de picéa, surtout si l'on prend la précaution de faire les coupes à blanc-étoc assez étroites pour que les parties conservées en massifs puissent leur procurer quelque abri. La meilleure méthode de semis artificiel est, dit-il, d'ouvrir avec un instrument en fer des sillons d'un pouce à 6 lignes (0,027 à 0,013) de profondeur et de largeur, d'y répandre la semence et de la couvrir d'un pouce à 6 lignes de terre; il est utile que la graine soit couverte ainsi pour la préserver des oiseaux et pour la protéger, au moment de la germination, contre le froid et la chaleur.

Quoique le bois du sapin picéa soit à peu près de même qualité que celui du sapin argenté, l'estimation que j'ai donnée du revenu que peut produire une sapinière de sapins argentés, sous le climat de Paris, n'est point applicable à une sapinière de sapins picéas. De deux sapinières de ces sapins, qui auront crù chacune dans les conditions les plus favorables, celle de sapin argenté produira toujours davantage : c'est une conséquence de ce que j'ai dit précédemment, que le sapin argenté, sous le climat de Paris, atteint à de plus belles dimensions que le sapin picéa, de ce que le premier peut y croître plus serré que le second, et de ce que son tronc maintient mieux sa grosseur. Il faut donc faire une diminution à l'estimation que j'ai donnée du revenu que peut produire une futaie de sapins argentés pour obtenir celui que peut donner une futaie de sapins picéas; mais je manque de données pour indiquer quelle doit être cette diminution.

IX. QUALITÉS ET USAGES Du Bois; produits divers. - Le pied cube de bois d'un sapin picéa de 100 ans pèse vert, d'après Hartig (1), 64 livres 11 onces (31 kil. 664 gr.), et sec 35 livres 2 onces (19 kil. 193 gr.); le pied cube d'un autre picéa de 60 ans pesait sec, d'après le même auteur, 33 livres 9 onces (16 kil. 428 gr.). Dans mon parc, le pied cube de bois d'un picéa de 60 ans, abattu le

(1) Baudrillart, d'après Hartig, Dictionnaire des eaux et forêts, t. Ier,

P. 420.

7 septembre 1843, pris près de la souche, pesait vert 25 kil. 200 gr.; le 5 septembre 1844, il ne pesait plus que 15 kil. 920 gr., et le 1er mars 1845, étant sec, que 15 kil. 840 gr.

Le bois du sapin picéa n'a point d'aubier; il est d'un blanc mat, plus blanc, par conséquent, que celui du sapin argenté, et il a à peu près les mêmes qualités que celui de ce dernier arbre. Le sapin picéa que l'on tire du Nord l'emporte pour la mâture, et peut-être aussi pour la charpente, sur le sapin argenté; mais, sous le climat de Paris, si j'en juge par ce que j'ai observé dans mon parc, où j'ai fait abattre des picéas qui avaient de 60 à 80 ans et au delà, et où mon père en a fait abattre pour la charpente d'une ferme, le bois du sapin picéa est tout au plus égal à celui du sapin argenté: je suis même disposé à croire qu'il a moins de nerf et que la planche en est moins bonne.

Le bois du sapin picéa est employé absolument aux mêmes usages que celui du sapin argenté; mais il est préféré pour la construction des instrumens à cordes, et je n'ai point trouvé qu'il fût employé, comme l'autre, à faire des pilotis et des tuyaux de fontaine; comme bois de chauffage, il m'a paru avoir les mêmes qualités que le bois du sapin argenté. Kasthofer dit que 16 toises de picéa valent 12 toises 1/2 de hêtre. Je renvoie d'ailleurs à ce que j'ai dit, page 104, des usages du bois du sapin argenté.

On extrait du sapin picéa une résine qui est vendue en France sous le nom de poix de Bourgogne, quoiqu'il n'y ait point de forêts de picéas en Bourgogne : c'est particulièrement en Allemagne et en Suisse qu'on se livre à cette extraction. Pour obtenir la poix, on fait aux picéas une entaille, en observant de ne point entamer le bois; la poix suinte de l'écorce, et transsude entre le bois et l'écorce; elle se fige et reste attachée à la plaie en grosses larmes ou flocons. On ramasse la poix plus ou moins souvent, selon que l'arbre donne ce produit plus ou moins abondamment, mais au plus tous les quinze jours, et chaque fois qu'on fait cette récolte on rafraîchit l'entaille. Le même instrument sert pour faire l'entaille, pour la rafraîchir et pour récolter la poix; il a d'un côté la forme du fer d'une hache et de l'autre celle d'une gouge. Un arbre vigoureux planté en bon fond peut rendre par an de 30 à 40 livres de poix, dit Duhamel, mais cela doit être un cas exceptionnel. On ne doit point faire les entailles du côté où vient. habituellement la pluie; si l'on n'en fait qu'une à un arbre, son bois n'en est point altéré, et il peut fournir de la poix pendant vingt-cinq à trente ans; on prétend même que cette opération prolonge la durée des picéas qui sont plantés dans des terrains trop gras. Si, au contraire, l'on fait plusieurs entailles au même arbre, il peut arriver que son bois en soit altéré; il devient alors rouge, de blanc qu'il est ordinairement, et n'est plus propre qu'au chauffage.

Les personnes qui recueillent la poix lui font subir une préparation avant que de la livrer au commerce : ils la mêlent avec de l'eau et la font fondre dans une grande chaudière à un feu modéré; puis ils la versent dans des sacs de toile forte et claire, et l'on porte ensuite ces sacs sous des presses pour en faire couler la poix, qui en sort bien nettoyée : la poix ainsi préparée se met dans des barils,

et on la vend sous le nom de poix grasse ou poix de Bourgogne. La facilité d'extraire la poix du picéa est cause que des délinquans cherchent quelquefois à s'en procurer; ils ont, par ce motif, fait des entailles à presque tous les picéas des Vosges.

On tire aussi des résidus que l'on obtient en fabriquant la poix du noir de fumée, en faisant brûler ces résidus, Mais je m'arrête; car la description des procédés que l'on emploie pour tirer diverses substances de la résine, ainsi que du goudron que l'on extrait des pins, n'appartenant qu'accessoirement au sujet que je traite dans cet ouvrage, je me contenterai d'indiquer les auteurs qui ont décrit ces procédés: c'est ce que je ferai à la fin de l'article IX du chapitre suivant, consacré au pin sylvestre, et j'y renvoie mes lecteurs. On y trouvera aussi les noms des auteurs qui ont traité avec détail des produits et des qualités des bois, comme par exemple du charbon et de sa fabrication, de la force de résistance des bois, etc.

X. ACCIDENS, MALADIES, ANIMAUX NUISIBLES. Ce que j'ai dit, dans le chapitre du sapin argenté, des accidens et des maladies auxquels cet arbre est sujet, s'applique au sapin picéa, sauf quelques légères modifications; j'y renvoie donc mes lecteurs, et je me contenterai de faire connaître ces modifications. Les gelées tardives causent moins de dommage aux picéas qu'aux sapins argentés, parce que leur sève part un peu plus tard.

Les auteurs qui se sont occupés du sapin picéa tombent d'accord qu'il est moins solidement enraciné que le sapin argenté, et par conséquent qu'il est plus exposé à être renversé par les vents; mais, ainsi que je l'ai dit précédemment en parlant des racines de cet arbre, il m'a pourtant paru bien enraciné, et, dans mon parc, il résiste aussi bien aux vents que le sapin argenté.

La neige et le givre causent moins de dommage dans les futaies de sapins picéas que dans celles de sapins argentés, parce que les branches du picéa sont plus flexibles et que ses ramilles sont pendantes.

Le dommage que peuvent occasionner les quadrupèdes et les oiseaux dans les sapinières de sapins picéas est absolument semblable à celui qu'ils peuvent causer dans les sapinières de sapins argentés. J'ajouterai seulement que les lapins broutent beaucoup plus le sapin picéa que le sapin argenté.

En parlant, dans le chapitre du sapin argenté, des insectes nuisibles à cet arbre, j'ai indiqué le moyen de prévenir ou de diminuer leurs ravages, quand cela est possible; je ne pourrais que répéter ce que j'ai dit à ce sujet, je me contenterai donc d'y renvoyer, et de parler succinctement ici des insectes nuisibles au sapin picéa.

La larve du hanneton peut causer absolument les mêmes dégâts dans les jeupes plantations de sapin picéa que dans celles de sapin argenté. Je présume qu'il existe un puceron du sapin picéa comme il en existe un qui attaque le sapin argenté; mais je n'ai pas eu occasion de le remarquer.

Des insectes de la famille des bostriches peuvent s'introduire entre l'écorce de

l'arbre et le bois, et former dans le liber des galeries qui, lorsqu'elles sont assez nombreuses, arrêtent entièrement la circulation de la sève, ce qui fait périr l'arbre; ces insectes peuvent multiplier au point de détruire des forêts entières. Le sapin picéa est plus exposé à ces sortes de ravages que le sapin argenté. Des chenilles, auxquelles des papillons ou des mouches ont donné naissance, peuvent manger les feuilles, ou les faire mourir en en mangeant l'intérieur, en les suçant ou en les perçant, et détruire ainsi des forêts entières lorsque leur multiplication est extraordinaire. Ratzeburg indique. (1), comme causant le plus habituellement des ravages dans les forêts de picéas du nord de l'Allemagne, le bostriche typographe, Bostrichis typographus, et la nonne, Phalana bombyx monacha.

Je n'ai remarqué sur ma propriété que trois insectes nuisibles au sapin picéa : d'abord une chenille verte qui mangeait les feuilles des pousses de l'année, ce qui faisait périr ces pousses; mais elle n'attaqua que quelques jeunes arbres et disparut l'année suivante. Elle ressemblait parfaitement à celle que Ratzeburg appelle tenthrède du pin, Tenthredo pini, et dont il donne le dessin colorié; cet auteur dit pourtant que cette tenthrède ne vit que sur les feuilles du pin sylvestre. Le second insecte est la chenille dont j'ai parlé fort en détail pages 112-115, et qui faisait mourir les feuilles du sapin argenté en en mangeant l'intérieur; elle attaqua aussi les feuilles du sapin picéa, mais beaucoup moins que celles de l'autre sapin. Le troisième est un puceron que j'observai dans l'intérieur des excroissances rugueuses, grosses comme une petite noix, qui se trouvent trèssouvent à la naissance des pousses des picéas plantés depuis peu; ces excroissances, vertes pendant la sève, dont elles s'emparent, deviennent sèches et noirâtres pendant l'hiver; il est très-rare que cette maladie, qui est très-commune, fasse périr les picéas, mais elle ralentit beaucoup leur accroissement; heureusement ces excroissances annuelles finissent presque toujours par disparaître. Il serait pourtant possible qu'elles fussent les conséquences, et non la cause de l'état maladif de l'arbre.

J'ai vu quelquefois, au sommet d'un picéa encore jeune, tous les bouts des branches se dessécher et périr, y compris la flèche, et l'arbre succomber aussi, mais rarement : c'était probablement l'ouvrage d'un puceron; c'est ce que je n'ai pas eu le temps d'observer.

(1) Les hilophthires et leurs ennemis, p. 64 et 113.

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