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CHAPITRE VII.

PIN DU LORD WEYMOUTH, Pinus strobus.

1. NOMS DE L'ESPÈCE.

Pinus strobus LINNÉ (1). On l'appelle aussi PIN BLANC, en anglais White pine, et ce nom est le seul que lui donnent les habitans des ÉtatsUnis, d'où il nous est venu. Cet arbre fut d'abord cultivé, dit Loudon (2), en 1705, à Badmington, chez Mme la duchesse de Beaufort, et immédiatement après, en très-grande quantité, dans le Wiltshire, à Longleat, résidence du lord Weymouth, d'où il s'est répandu en Angleterre et en Europe : voilà pourquoi les Anglais l'appellent Pin du lord Weymouth. Ce nom étant généralement adopté en France, j'ai cru devoir l'adopter aussi, quoiqu'il m'eût semblé préférable de lui conserver le nom de Pin blanc qu'il porte dans le pays où il est indigène et d'où on l'a tiré; ce dernier nom exprime d'ailleurs une de ses qualités qui est d'avoir un bois très-blanc; mais quand on écrit pour les praticiens, le premier devoir est de leur être intelligible.

11. BOUTONS ET SÈVE. Le pin Weymouth n'a que des boutons à bois, qui contiennent en même temps le rudiment des feuilles et des fleurs; du moins bois, feuilles, fleurs, tout part des mêmes boutons.

Cet arbre n'a qu'une seule sève, qui commence ordinairement, sous le climat de Paris, dans les dix derniers jours du mois de mars, par le bouton qui doit prolonger la flèche, et s'arrête, en ce qui concerne la longueur des pousses, au bout de deux mois et demi à trois mois et demi environ. Les circonstances de la végétation, en ce qui concerne l'apparition et la disposition des boutons, des feuilles et des fleurs, sont les mêmes dans le pin Weymouth que dans le pin sylvestre (Voy. p. 143), avec cette différence que les pousses sont moins grosses que celles des trois pins dont j'ai déjà parlé, qu'elles ne sont pas d'abord comme les leurs couvertes d'une pellicule, et que les fleurs paraissent et mûrissent plus tard que celles du pin sylvestre, à peu près en même temps que celles du pin laricio. Le pin du lord Weymouth, quand il a dépassé six ans, me paraît avoir, en

(1) Species plantarum, 3e édit., t. II, p. 1418.

(2) Arboretum et fruticetum britannicum, t. IV, p. 2282, art. Pinus strobus.

moyenne, des pousses à peu près aussi longues que celles du pin sylvestre. Ainsi les quatre pins dont je viens de parler ont, sous le climat de Paris, quand ils ont dépassé leurs premières années, un accroissement en hauteur à peu près semblable, pendant un certain nombre d'années, plus ou moins grand, selon l'espèce.

III. FEUILLES, fleurs et cônES. -Les bourgeons des feuilles du pin Weymouth n'étant point cachés par cette pellicule qui couvre d'abord les pousses des trois pins dont j'ai parlé dans les chapitres précédens, paraissent en même temps que ces pousses, c'est-à-dire dans la deuxième quinzaine du mois de mars. Les feuilles paraissent peu de jours après celles du pin laricio et peu de jours avant celles du pin maritime, dans la première quinzaine de juin; elles ont à peu près la forme d'un prisme triangulaire, elles sortent cinq à cinq de gaînes cylindriques fixées autour des pousses et si on les réunit elles forment un cylindre. Quand ces feuilles ont atteint toutes leurs dimensions (Pl. IV, fig. 19 et 20), elles sont linéaires, pointues, douces au toucher dans un sens, rudes dans l'autre sens, d'un vert légèrement bleuâtre et marquées sur les faces intérieures de deux petites raies blanches; elles sont longues de 0,08 à 0,13, selon l'âge des arbres, le terrain et l'exposition. Les feuilles ne persistent ordinairement que pendant deux ans et demi, c'est-à-dire qu'elles tombent après la troisième sève, y compris celle qui leur a donné naissance, et elles commencent à tomber dès l'automne: elles m'ont paru persister un peu moins longtemps que celles des trois autres pins.

Les fleurs du pin Weymouth (Voy. p. 10) paraissent l'une après l'autre; les fleurs mâles les premières, vers le milieu du mois de mai, les fleurs femelles quelques semaines plus tard, lorsque paraissent les feuilles, ordinairement dans les premiers jours de juin.

Les chatons mâles (Pl. IV, fig. 19) sont serrés autour de la partie inférieure des pousses, de manière à former une sorte de grappe, comme ceux des pins dont j'ai déjà parlé; mais ils sont plus gros que ceux du pin sylvestre, un peu moins que ceux du pin laricio. Les fleurs qui les composent atteignent leur maturité dans la première quinzaine de juin, quelques jours après que celles du pin sylvestre l'ont atteinte, à peu près en même temps que celles du pin laricio; elles sont alors d'une couleur nankin foncé et répandent abondamment une poussière jaune. Le pin Weymouth ne porte pas des fleurs mâles tous les ans, et lorsqu'il en porte c'est en plus ou moins grande quantité.

Les chatons femelles sont annoncés, comme dans les pins dont je me suis déjà occupé, par de petits boutons qui paraissent au bout des pousses, vers le commencement de juin, à peu près en même temps que paraissent les feuilles, et sont bientôt remplacés par les fleurs; ces chatons sont au nombre d'un à quatre et quelquefois plus, par exception, et en plus grand nombre vers le haut de l'arbre. Ils sont oblongs, d'un rose clair et ont la pointe tournée vers le ciel. Au bout de quelques semaines, les feuilles florales se transformant en écailles, les chatons

deviennent des cônes et la couleur rose est remplacée par la couleur gris-vert; cette transformation est déjà très-apparente dans la première quinzaine de juillet. Les cônes sont toujours placés au bout de la pousse sur laquelle ils se trouvent, à côté des boutons, au nombre d'un à quatre, quelquefois, par exception, en plus grand nombre, car j'en ai compté jusqu'à huit; mais le plus communément ils sont isolés. Ils sont attachés au bois par une queue et ont la pointe tournée vers le ciel, position qu'ils conservent jusque deux mois après le départ de la sève de l'année suivante. A la fin d'août les cônes ont acquis tout le développement qu'ils prendront cette première année; ils sont alors oblongs, gros comme un très-petit cornichon et d'un gris-vert (Pl. V, fig. 8). L'année suivante, immédiatement avant la sève, ils sont d'un gris-violet, et ils commencent à grossir dès que part la sève; environ deux mois après, ils s'inclinent de manière à devenir pendans, prennent une couleur vert-prairie à la fin du mois de mai, et à la fin du mois d'août ou au commencement de septembre ils ont atteint leur maturité : cette maturité est annoncée par leur changement de couleur; ils deviennent d'un brun-violet de vert-jaune qu'ils étaient. Les cônes du pin Weymouth (Pl. IV, fig. 20 et Pl. V, fig. 8) ont alors une longueur de 0,14 à 0m,16, sont oblongs, légèrement courbes et se composent d'écailles serrées les unes contre les autres, adhérentes à un axe commun et plus minces à leur base fixée à l'axe, qu'à la partie extérieure; à la base interne de ces écailles se trouvent deux graines munies chacune d'une aile. Les écailles se soulèvent aussitôt après que les cônes ont atteint leur maturité, c'est-à-dire à la fin d'août ou au commencement de septembre, environ 14 mois (1) après leur apparition, et laissent échapper les graines qu'ils contiennent; ces graines, étant munies d'une aile, peuvent être transportées au loin par les vents; en fort peu de jours elles sont toutes tombées. Les cônes commencent à tomber successivement, par suite des secousses des vents, dès l'année même pendant laquelle sont tombées les graines qu'ils contenaient; mais ce n'est qu'au bout de deux ans environ que les arbres en sont entièrement débarrassés.

Le pin du lord Weymouth le plus jeune auquel j'aie vu porter des fleurs femelles, était un arbre provenant de pépinière, planté à demeure depuis quatre ans et pouvant avoir de 11 à 12 ans, mais ordinairement ils n'en portent pas si tôt; pendant les années suivantes plusieurs pins de cette espèce, plantés en même temps, eurent aussi des fleurs femelles. Une partie des graines de ces jeunes arbres sont fécondes, s'ils ont porté des fleurs mâles en même temps que des fleurs femelles, mais ce n'est que sur des pins plus âgés que la graine acquiert toute la force germinative qu'elle peut atteindre. Je pense que l'on ne doit récolter des cônes pour en extraire la graine, lorsqu'on le peut, que sur des arbres âgés de 40 ans au moins.

(1) M_L. C. Richard se trompe donc lorsqu'il dit, dans son Mémoire sur les conifères et les cycades, p. 108, que « dans toutes les espèces de pins les cônes emploient trois années pour parvenir » à une maturité parfaite, et que le cèdre du Liban emploie le même espace de temps pour mûrir ses » fruits. Cette erreur est la plus grande pour le pin Weymouth, celui des pins dont je m'occupe qui emploie le moins de temps pour mûrir ses graines.

Le pin du lord Weymouth ne porte pas tous les ans des fleurs et des cônes; il y a des années où il ne porte que des fleurs mâles, d'autres que des fleurs femelles. Cet arbre a des années d'abondance et des années de stérilité; les années d'abondance sont plus rapprochées que dans les sapins, et les années de stérilité sont l'exception.

En 1843, je remarquai que les pins du lord Weymouth, dans un massif de 250 de ces arbres, situé à 3 kilomètres de mon habitation, dans le parc de Condé, avaient des fleurs femelles, et pour ainsi dire point de fleurs mâles, car je fis monter sur dix de ces arbres et l'on n'y put trouver que deux fleurs mâles; quelquefois il y en a autant que de pousses. J'ai élevé en pépinière et planté à demeure un assez grand nombre de ces pins, et j'ai remarqué qu'ils portaient des cônes plusieurs années avant que de porter des fleurs mâles; je suis donc disposé à penser qu'il en est ainsi partout ailleurs, sous le climat de Paris.

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IV. GRAINES ET SEMIS NATUREL. Les graines du pin du lord Weymouth (Pl. IV, fig. 21) sont ovales, rousses et munies d'une aile; elles ont environ 0,007 de longueur moyenne. J'ai indiqué, dans l'article précédent, à quel âge les pins Weymouth commencent à porter des cônes, et j'ai dit qu'une partie seulement des graines que contiennent alors ces cônes étaient fécondes, mais ce n'est que plus tard que les pins Weymouth donnent du semis naturel; il m'a semblé qu'il fallait que les arbres eussent dépassé 20 ans pour en donner, et que ce n'est que vers 40 ans qu'ils le donnent abondant et efficace.

Il y a chez M. le comte de Courcy, près de son château des Haies, à 20 kilomètres de chez moi, deux allées formées par trois rangées d'arbres, dont deux de mélèzes et une de pins Weymouth au milieu; ces arbres ont été plantés au printemps de 1813, dans un terrain argilo-siliceux fort maigre, très-sec l'été, plein d'eau l'hiver; ainsi ils avaient au plus 38 ans lorsque je les visitai à l'automne de 1843. Les mélèzes n'ont pas donné de plant de semis naturel, les pins Weymouth en ont donné qui se trouve dans le taillis très-clair et de mauvaise qualité que ces allées traversent. Le plus âgé de ces jeunes plants, qui étaient au nombre de plus de 300, pouvait avoir 13 ans, les autres étaient beaucoup plus jeunes; ainsi ce n'est que lorsque ces arbres étaient âgés d'environ 25 ans qu'ils ont commencé à donner du semis naturel.

M. le vicomte Héricart de Thury me dit que dans son parc, près de Thury (Oise), où son père avait fait exécuter de belles plantations d'arbres résineux, le pin Weymouth donnait abondamment du semis naturel qui prospérait, soit qu'on le laissât sur place, soit qu'on le levât pour le mettre en pépinière.

Deux massifs de pins Weymouth qui sont dans le parc de Condé, à 3 kilomètres de chez moi, le premier de 250 pins, plantés en 1816, en bordure d'un bois taillis, le long de la vallée de l'lton, qui coule en cet endroit du sud au nord; le second de 480 pins, plantés en 1814 sur l'autre rive, n'ont point encore donné de semis naturel. Mais près du premier se trouve un terrier de lapins étonnamment

bien habité; le second est borné de deux côtés par un mur élevé, des deux autres côtés par une prairie et un labour; les arbres y sont d'ailleurs trop serrés pour qu'il puisse croître du plant de semis naturel dans ce massif.

Chez moi, j'ai remarqué aussi du semis naturel de pin Weymouth, mais seulement près des arbres qui avaient dépassé 20 ans ; ce semis périssait étouffé par le taillis; j'en ai conservé un pied que j'ai protégé en éclaircissant autour de lui à mesure qu'il était nécessaire. Peut-être le plant de semis naturel de pin Weymouth ne peut-il lever que par un concours de circonstances difficile à rencontrer sous le climat de Paris; cet arbre serait dès lors très-différent sous ce rapport du pin sylvestre et du pin maritime, dont le semis naturel est ordinairement commun dans les futaies de ces pins, lorsque les arbres n'y sont pas trop serrés.

Les cônes du pin Weymouth atteignent, comme je l'ai dit, leur maturité à la fin du mois d'août ou au commencement du mois de septembre; on les cueille immédiatement avant cette maturité et l'on en extrait la graine au moyen de la chaleur du soleil, comme je l'ai prescrit dans les chapitres précédens, pour extraire ainsi la graine des cônes des pins dont je me suis déjà occupé.

J'ai trouvé qu'un litre de graine de pin Weymouth pesait 455 grammes, et contenait 26,580 graines; ainsi le kilogramme de cette graine contenait 58,417 graines et occupait un volume de 2 lit. 19. Celle que l'on vend à Paris se tire ordinairement des parcs, par exemple du parc de Mortfontaine, où il se trouve de beaux pins Weymouth, que je n'ai pas eu le temps d'aller voir; elle se vend dans la maison Vilmorin-Andrieux, 16 fr. le kilogramme. Il serait préférable de la tirer de l'Amérique septentrionale où cet arbre est indigène; mais ceux qui se donneraient la peine de récolter cette graine ne trouveraient pas à la vendre, puisqu'on ne la sème pas en grand.

La graine du pin Weymouth lève au printemps qui suit l'année où elle est tombée; les jeunes plants ne supportent pas mieux l'ombrage que ceux de pin sylvestre et de pin maritime; ils prospèrent comme eux dans les taillis de bois feuillus tant que leur tête les dépasse, aussi voit-on de très-beaux pins Weymouth sur taillis.

V. MODE DE VÉGÉTATION, DESCRIPTION, Dimensions. Le mode de végétation du pin du lord Weymouth a été décrit au commencement de ce chapitre, en ce qui concerne la marche de la sève dans cet arbre, ses boutons, ses feuilles, ses fleurs et ses cônes; et l'on trouvera, chap. XI, art. VII, des détails sur sa végétation et sur son accroissement, depuis le semis en pépinière jusqu'au moment de la plantation à demeure. Le plant de semis naturel présente beaucoup de variété dans son accroissement, selon les circonstances particulières dans lesquelles il se trouve. La graine qui tombe en septembre ne lève, ainsi que je l'ai dit, qu'au printemps suivant; le plant réussit bien sans ombrage, comme celui de pin sylvestre et de pin maritime, même dans l'année de sa naissance; mais je serais disposé à croire qu'un demi-ombrage lui est favorable dans les premières an

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