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CHAPITRE VIII.

MÉLÈZE D'EUROPE, Larix europæa.

1. NOMS DE L'ESPÈCE.

Pinus larix LINNÉ (1). Larix europæα DECANDOLLE (2).

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II. BOUTONS ET SÈVE. Le mélèze a des boutons à feuilles, des boutons à bois et des boutons à fleurs. Il a deux sèves : la première commence pendant la seconde quinzaine du mois de mars et s'arrête à la fin de juin ou dans le courant de juillet; la seconde commence environ quinze jours après que la première est arrêtée et finit en septembre. Les fleurs naissent environ huit jours avant les feuilles. Les feuilles sont de deux espèces; les unes sont disposées en faisceaux, les autres sont fixées une à une sur les pousses. La sève fait d'abord pousser les faisceaux de feuilles des branches qui sont placées le plus bas, puis elle fait pousser successivement les autres faisceaux de feuilles jusqu'à celui qui se trouve au sommet de l'arbre, lequel part le dernier, comme dans les sapins (3). Ce n'est qu'au bout de six semaines que tous ces faisceaux de feuilles ont paru, et environ quinze jours après, c'est-à-dire vers le milieu de mai, partent les pousses nouvelles à peu près en même temps de toutes les parties de l'arbre; ces pousses sont entourées de feuilles isolées. La seconde sève donne naissance à des pousses semblables à celles auxquelles la première sève a donné naissance; ces pousses ne sont pas seulement le prolongement de celles de la première sève, il s'en trouve aussi sur les pousses de cette première sève qui sont déjà devenues ligneuses. Les feuilles du mélèze tombent tous les ans et après leur chute on remarque sur les pousses, devenues ligneuses, des boutons desquels sortiront l'année suivante des faisceaux de feuilles, des pousses ou des fleurs.

(1) Species plantarum, 3o édit., t. II, p. 1420.

(2) Flore française, t. III, p. 277.

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(3) Decandolle, dans sa Flore française, t. III, p. 277, dit que «tandis que dans tous les arbres » connus les bourgeons supérieurs de chaque branche sont les premiers qui se développent au prin» temps, dans le mélèze, au contraire, les bourgeons inférieurs sont les premiers à se développer, et il donne les raisons de ce fait qu'il appelle une anomalie. On a vu que le même phénomène se remarque dans les sapins d'Europe, et je l'ai remarqué aussi dans les sapins d'Amérique.

Rien ne distingue les boutons à feuilles des boutons à bois.

Les boutons à fleurs se distinguent difficilement des boutons à feuilles et des boutons à bois; cependant, dans le courant de l'hiver, ils deviennent un peu plus gros, mais on ne peut distinguer les boutons à fleurs mâles des boutons à fleurs femelles.

Si les boutons donnent naissance à une fleur mâle, ils meurent ensuite et pourrissent; s'ils donnent naissance à une fleur femelle, ils finissent par tomber en même temps que le cône qui la remplace. S'ils donnent naissance à des faisceaux de feuilles, la partie inférieure de ces boutons devient ligneuse et porte encore des feuilles tous les ans à son extrémité, pendant un nombre d'années plus ou moins grand; ces petits corps ligneux s'allongent tous les ans un peu et deviennent de véritables dards comme ceux qui portent des fruits à pepins; quelquefois ces dards finissent par porter des fleurs mâles ou des cônes, pourvu que le bois sur lequel ils se trouvent n'ait pas plus de cinq ans, et ils périssent alors, ainsi que je l'ai dit des boutons qui portent des fleurs.

Les boutons à feuilles, les boutons à bois et les boutons à fleurs mâles sont dispersés autour du bois; les boutons à fleurs femelles sont placés dessus et sur les côtés.

Il se forme sur l'écorce du mélèze des boutons adventifs comme sur celle du sapin argenté, lorsque le tronc d'un mélèze, jeune encore, se trouve brisé, ou quand après avoir perdu la plupart de ses branches, parce qu'il a été privé de lumière, d'espace et de pluie, par des arbres de son voisinage, on abat ces arbres; il s'en forme jusque sur de vieille écorce devenue rugueuse. J'ai, dans mon parc, une allée de 200 mélèzes plantés en 1786-1787, et ces mélèzes ont eu par conséquent environ 57 ans en 1837; ayant fait alors couper un quartier de futaie de sapins argentés que cette allée traversait, les troncs de ces mélèzes se sont recouverts de branches et de ramilles, jusqu'à un ou deux mètres de terre, au moyen de boutons adventifs.

II. FEUILLES, FLEURS ET CÔNES. Les feuilles du mélèze sont, ainsi que je l'ai dit au commencement de ce chapitre, disposées sur le même arbre de deux manières différentes, en faisceaux ou une à une sur les pousses de l'année. Les premières sortent de boutons situés sur du bois d'un an, ou de dards qui se trouvent sur du bois plus âgé et qui ont déjà porté des faisceaux de feuilles les années précédentes. Elles commencent à paraître dans le courant de la seconde quinzaine de mars, environ deux mois avant l'apparition des pousses; elles sont d'abord disposées en faisceaux composés chacun de cinquante feuilles environ, puis elles s'étalent et prennent la forme d'un bouquet. Quand ces feuilles ont atteint toutes leurs dimensions (Pl. III, fig. 16 et 17), elles sont linéaires, pointues, molles, d'un vert clair très-agréable; leur longueur varie dans chaque bouquet de 0,016 à 0,025. Ces bouquets de feuilles entourent le bois d'un an et de deux ans et l'on en trouve jusque sur le bois de six ans, mais en bien moindre quantité, et sur le dessus des branches seulement, les dards et boutons qui se trouvent dessous

périssant les premiers. Ce que je viens de dire de ces feuilles, relativement aux branches, s'applique aussi au tronc ; c'est-à-dire que la flèche est couverte de feuilles et que l'on en trouve sur le tronc jusque sur du bois de six ans, mais pas sur celui qui est plus âgé. Les autres feuilles paraissent lorsque toutes celles qui sortent en faisceaux des dards et des boutons à feuilles ont paru, et en même temps que les pousses autour desquelles elles sont fixées irrégulièrement une à une; ces feuilles ne diffèrent d'ailleurs point des premières, mais elles sont un peu plus longues. Le mélèze perd ses feuilles à l'automne comme les bois feuillus et de nouvelles feuilles poussent au printemps suivant, ainsi que je viens de le dire. Les fleurs du mélèze (Voy. p. 10) commencent à paraître en même temps, dans le courant de mars, huit jours environ avant l'apparition des feuilles.

Les chatons mâles (Pl. III, fig. 16) naissent, ainsi que je l'ai dit, sur des boutons qui se trouvent sur du bois d'un an; ou, lorsque le bois a plus d'un an, sur des dards qui avaient porté des bouquets de feuilles l'année précédente. Ils ont à peu près la forme d'une calotte et sont placés un à un autour des rameaux et des ramilles du bois d'un an à cinq ans, sans aucune régularité, mais en beaucoup plus grand nombre sur le bois des deux dernières années. Il peut s'en trouver sur toutes les branches, même sur celles qui sont au bas de l'arbre, néanmoins ils sont ordinairement en plus grand nombre à la partie supérieure de l'arbre. Lorsque les fleurs mâles ont atteint leur maturité, elles sont jaunâtres et laissent échapper une poussière jaune. Les mélèzes qui ont atteint 40 ans, et qui, n'ayant pas été trop serrés par d'autres arbres, ont une belle végétation et sont bien garnis de branches, m'ont paru porter des fleurs mâles très-souvent, mais pourtant pas tous les ans et en plus ou moins grande quantité. Le dessin ne représente la fleur mâle qu'après qu'elle a dépassé sa maturité, parce que j'ai voulu qu'on y trouvât en même temps des faisceaux de feuilles ayant déjà pris une partie de leur accroissement.

Les chatons femelles naissent sur des boutons ou sur des dards entièrement semblables à ceux sur lesquels naissent les fleurs mâles; ils se trouvent indistinctement sur tous les rameaux et sur toutes les ramilles jusque près du sol, mais pourtant en plus grande quantité vers le haut de l'arbre, où il s'en trouve quelquefois jusque sur le tronc; ils sont placés sur le dessus ou sur le côté des rameaux et des ramilles, sur du bois d'un à cinq ans et en bien plus grande quantité sur le bois d'un an à deux ans; ils sont ovoïdes, ont la pointe tournée vers le ciel, et leurs feuilles florales sont d'abord dirigées vers la base de l'axe des chatons qui sont alors d'un rouge-violet éclatant; au bout de quelques jours les feuilles florales se retournent, sont alors dirigées vers le sommet de l'axe, et leur couleur rouge-violet se change en un rouge-brun; ce n'est qu'au bout d'environ six semaines que leurs bractées se transformant en écailles, les chatons deviennent des cônes qui prennent alors une couleur vert-brun.

Les cônes sont fixés au bois par une queue très-courte et ils occupent une position sensiblement verticale, la pointe tournée vers le ciel; ils ont ordinairement acquis toutes leurs dimensions dans la première quinzaine du mois d'août.

Je viens de dire que la fleur femelle, après avoir passé par le rouge-violet et le rouge-brun, se transformait en un cône d'une couleur vert-brun; ces cônes finissent par prendre une couleur rouge-cannelle pâle dans le courant du mois d'octobre, et ils conservent cette couleur jusqu'à l'époque où ils s'ouvrent pour laisser échapper les graines qu'ils contiennent. Les cônes du mélèze (Pl. III, fig. 17), lorsqu'ils ont atteint toutes leurs dimensions, ont de 0,026 à 0,033 de long; ils sont ovoïdes et se composent d'écailles serrées les unes contre les autres, adhérentes à un axe commun, plus épaisses à la partie fixée à l'axe qu'à la partie extérieure; et à la base interne de chacune de ces écailles, se trouvent deux graines munies chacune d'une aile. Les graines que contiennent les cônes n'ont atteint toute leur maturité qu'à la fin de novembre, et ce n'est que dans le courant du mois d'avril de l'année qui suit celle où ils ont paru, environ un an après leur apparition, que l'action du soleil fait soulever leurs écailles et que la graine qu'ils contiennent commence à tomber : cette dispersion dure plusieurs semaines, et les graines, étant très-légères et munies d'une aile, sont quelquefois-emportées au loin par les vents. Les cônes commencent à tomber successivement par suite des secousses des vents dès l'année même où s'échappe leur graine, mais le plus grand nombre reste plusieurs années sur l'arbre avant de tomber.

Indépendamment de l'allée de mélèzes plantée en 1786-1787, dont j'ai parlé au commencement de ce chapitre, j'en ai une autre qui a été plantée en 18321833. Dans cette seconde allée les mélèzes alternent avec des pins laricio; ils ont eu, ainsi que ces pins, 17 ans à l'automne de 1844; ils ont commencé à porter des cônes lorsqu'ils n'étaient encore âgés que de 12 ans et ils en portent presque tous actuellement, ainsi que des fleurs mâles. Si l'on remarque des cônes sur des mélèzes âgés de moins de 12 ans, c'est ordinairement une anomalie qui tient au malaise de l'individu qui les porte. Une partie des graines de ces jeunes arbres sont fécondes, s'ils ont porté des fleurs mâles en même temps que des fleurs femelles; mais ce n'est que sur des mélèzes plus âgés que la graine acquiert toute la force de germination qu'elle peut atteindre; je pense donc qu'on ne doit récolter des cônes, pour en extraire la graine, que sur des arbres de 40 ans au moins, si on le peut, et il est toujours préférable de la tirer des pays d'où cet arbre est indigène. M. Laing Meason dit qu'en Angleterre, à 25 ou 30 ans, le mélèze porte des graines bonnes pour les pépinières (1).

On commence à voir des fleurs mâles, pour la première fois, sur les mélèzes, au même âge où l'on commence à y voir des cônes. Cet arbre, lorsqu'il a dépassé 30 ans, m'a paru porter des fleurs mâles ou des fleurs femelles presque tous les ans, mais en quantité bien différente et quelquefois pas en même temps. En 1844, je ne trouvai ni une fleur mâle ni une fleur femelle sur les mélèzes de mon parc, ni sur d'autres mélèzes du voisinage.

IV. GRAINE ET SEMIS NATUREL. Les graines du mélèze (Pl. III, fig. 18) sont

(1) De la plantation du mélèze, p. 4.

ovales, blondes et munies d'une aile; elles ont environ 0,005 de longueur moyenne. J'ai indiqué, dans l'article précédent, à quel âge le mélèze commence à porter des cônes, et j'ai dit qu'il n'y a qu'une partie des graines que contiennent alors ces cônes qui soient fécondes, si l'arbre a porté des fleurs mâles et des fleurs femelles ; mais ce n'est que lorsque les mélèzes sont plus âgés qu'ils donnent du plant de semis naturel. M. Gazan, dont la propriété est à 6 lieues de la mienne, et qui a fait une plantation de mélèzes en 1815, m'a dit qu'ils avaient donné quelques plants de semis naturel; il ne se rappelle pas quel âge ils avaient alors il en reste encore quelques-uns. Je crois d'ailleurs que cet arbre ne peut donner du semis naturel qu'après avoir dépassé 20 ans, et je ne pense pas qu'il puisse en donner qui soit abondant et efficace avant l'âge de 40 ans.

La graine de mélèze atteint sa maturité dès le milieu de novembre; cependant je crois prudent, si on le peut, de ne cueillir les cônes, pour en extraire la graine, que dans le courant de janvier. Cotta dit, page 256 de son Traité de culture forestière, « qu'on ne doit cueillir les cônes que peu avant l'époque de la dissémination, qui a lieu ordinairement au mois de mars, parce qu'alors il est » plus facile de les faire ouvrir. » On doit, en récoltant les cônes, éviter soigneu-. sement d'en cueillir de deux ans qui ne se distinguent des nouveaux que par une couleur plus foncée.

On extrait la graine des cônes du mélèze, absolument de la même manière que l'on extrait celle des cônes du pin sylvestre, ainsi je renvoie à ce que j'ai dit à ce sujet pages 146-155; mais il faut moins de chaleur dans l'étuve de la sécherie, pour faire ouvrir les cônes du mélèze que ceux du pin sylvestre; si l'on y élevait trop la température, les écailles se colleraient et les semences ne tomberaient point.

M. Rich, auquel j'ai emprunté ce que j'ai dit de la sécherie de Haguenau, p. 149 152, décrit ainsi qu'il suit le procédé pour extraire la graine du mélèze : « On n'emploie pour obtenir la graine du mélèze qu'une chaleur très-modérée, » autrement les écailles des cônes s'enduisent de résine et ne s'ouvrent plus. » Dès qu'elles sont ouvertes on fait passer ces cônes entre deux cylindres armés » de dents inclinées en sens opposé pour en arracher les écailles; ensuite on in» troduit le tout dans des moulins à vent, et on achève le nettoiement des grai»nes en les passant par plusieurs cribles de dimensions différentes. » On n'obtient évidemment, par ce procédé, que de la graine qui présente beaucoup de déchet. Les cônes du mélèze placés sous une bâche (Voy. p. 147) laissent échapper les graines qu'ils contiennent assez tôt pour que l'on puisse les semer en avril. La graine du mélèze peut, dit-on, se conserver pendant trois ou quatre ans, en ayant soin de l'étendre sur un grenier bien aéré et de la remuer de temps en temps. J'ai trouvé qu'un litre de graine de mélèze pesait 455 grammes et contenait 26,500 graines, ainsi le kilogramme de cette graine contenait 58,417 graines et occupait un volume de 2 lit. 20. Celle que l'on trouve à Paris se tire de Suisse, elle se vend 16 fr. le kilogramme dans la maison Vilmorin-Andrieux. La graine de mélèze lève dans l'année même où elle est tombée.

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