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Le plant de semis naturel du mélèze ne peut réussir que par un concours de circonstances qui ne se rencontre presque jamais sous le climat de Paris: aussi en trouve-t-on beaucoup plus rarement que du plant de semis naturel des sapins et des pins dont j'ai précédemment parlé. Quoique j'aie dans mon parc une allée de 200 mélèzes âgés d'environ 65 ans et d'autres mélèzes plus âgés ou du même âge dans les massifs, je n'ai pas un mélèze provenant de semis naturel. En 18361837 je fis couper les plus gros arbres de la futaie de sapins argentés, dans la partie de cette futaie que traverse l'allée de mélèze, et je vis naître, pour la première fois, une grande quantité de plants de mélèzes provenant de semis naturel; mais il en périt beaucoup dans l'année, et l'année suivante l'herbe et les plantes qui poussèrent firent périr ceux qui restaient encore; il s'en est pourtant sauvé deux que j'ai protégés, en faisant couper l'herbe et les plantes qui les entouraient. Si l'endroit où lève le jeune mélèze est trop ombragé, il périt par l'ombrage; s'il est découvert, il périt par le soleil, par la pluie ou par les plantes qui l'étouffent. Mon grand-père avait planté un quinconce de mélèzes qui a été abattu par la personne qui en avait fait l'acquisition; à côté de ce quinconce se trouvait une pâture dont une partie était garnie de joncs-marins, qui se coupent tous les trois ans; il a poussé, parmi ces joncs-marins, quelques mélèzes provenant de semis naturel et il s'y en trouve encore trois.

V. MODE DE VÉGÉTATION, DESCRIPTION, DIMENSIONS. Le mode de végétation du mélèze a été décrit au commencement de ce chapitre, en ce qui concerne la marche de la sève dans cet arbre, ses boutons, ses feuilles, ses fleurs et ses cônes; et l'on trouvera, chap. XI, art. VIII, des détails sur sa végétation et sur son accroissement, depuis le semis en pépinière jusqu'au moment de la plantation à demeure. Le plant de mélèze a un accroissement plus rapide en hauteur, pendant les premières années, que celui des espèces dont je me suis précédemment occupé; mais ensuite, sous le climat de Paris, il est dépassé par le sapin argenté et sans doute aussi par quelques-unes des espèces d'arbres dont j'ai déjà parlé.

Le mélèze est fortement enraciné et cela ne saurait être autrement, puisqu'il est, avec le pin cembro, celui des arbres à grandes dimensions qui croît à la plus grande élévation sur les hautes montagnes où il brave les ouragans; il a une racine principale pivotante.

Le tronc du mélèze est droit, soit qu'il croisse isolé, soit qu'il croisse à l'état serré; il est garni de branches, dans la première situation, depuis le sol jusqu'à la cime; dans la seconde, il se dépouille de branches jusqu'à une certaine hauteur; il ne maintient pas mieux sa grosseur que le tronc du pin Weymouth, moins bien, par conséquent, que celui des autres pins dont j'ai déjà parlé, et de nos deux sapins d'Europe; il est toujours terminé par une flèche, tant qu'il croît en hauteur, mais sa tête s'étale quand il approche de l'âge de sa maturité. Si l'ou brise le tronc d'un mélèze, jeune encore, l'une des branches les plus rapprochées de la brisure s'empare de la sève et prolonge le tronc; néanmoins, lorsque la bri

sure n'a été faite que sur du bois d'un ou deux ans, il part ordinairement une flèche de l'un des boutons qui se trouvent alors sur ce jeune bois. Si l'on rend à un mélèze qui a crù à l'état serré de l'espace et de la lumière, en abattant des arbres autour de lui, il paraît bientôt sur le tronc, souvent jusque près du sol, des boutons adventifs qui donnent naissance à des ramilles et à de petites branches; j'ai eu souvent l'occasion de remarquer ce fait, surtout dans mon parc. Le tronc du mélèze est moins sujet à être brisé par les vents que celui des arbres dont je me suis déjà occupé, ce qui tient à ce que perdant ses feuilles l'hiver, il leur présente moins d'obstacle, et à ce qu'il est flexible et tenace.

L'écorce du tronc du mélèze est lisse et d'un gris-blanc pendant les premières années; dans un âge plus avancé, elle devient grise et rugueuse, et dans la partie du tronc qui est la plus rapprochée du sol, elle se couvre d'écailles plus petites que celles qu'on remarque sur le tronc du pin sylvestre et du pin laricio; ainsi tant que l'arbre croît en hauteur, l'écorce présente le premier caractère vers la cime et le second près du sol.

Les branches du mélèze sont disposées irrégulièrement autour du tronc, depuis le sol jusqu'à la cime, et elles donnent à l'arbre, considéré dans son ensemble, un aspect conique; elles sont érigées vers le sommet, tant que l'arbre. croît en hauteur, et pendantes vers le bas; ces dernières branches sont couvertes en partie d'une mousse blanche, du moins sous le climat de Paris. La cime d'un mélèze qui est dans sa période d'accroissement, est semblable à un très-jeune mélèze.

Le mélèze, par suite de la régularité de sa forme, est très-propre à être employé en allées; on pourrait presque dire qu'il est nécessaire dans les massifs des parcs d'agrément, où son vert clair tout particulier contraste avec celui des autres arbres et surtout avec celui de ses congénères; il est surtout remarquable lorsqu'il porte des fleurs femelles : leur rouge-violet éclatant, mêlé avec le vert si tendre de ses feuilles, est d'un effet très-agréable.

On ne peut se procurer des renseignemens exacts sur l'accroissement annuel du mélèze, sous le climat de Paris, parce qu'on ne l'y cultive guère que comme arbre d'ornement, et pas depuis très-longtemps; si quelques personnes en ont fait des plantations d'une certaine étendue, les arbres de ces plantations sont loin d'avoir atteint leur maturité. Il faut d'ailleurs remarquer que le mélèze pousse, dans les terrains qui lui conviennent, avec une rapidité qui n'est dépassée par aucun de ses congénères, jusqu'à 20, 25 ou 30 ans au plus; mais qu'ensuite son accroissement se ralentit tellement qu'il reste souvent en arrière de ceux qu'il avait dépassés d'abord. Ce que j'ai observé, sous le climat de Paris, relativement à la rapidité de l'accroissement du mélèze, pendant les 25 promières années, et au ralentissement de cet accroissement lorsqu'il a atteint cet âge, l'a été en Suisse et en Angleterre, ainsi qu'on peut le voir à l'article Mélèze, dans les ouvrages de Kasthofer et de Loudon précédemment cités; ainsi ce caractère est inhérent à l'espèce et ne dépend pas d'une localité. Voici les faits que j'ai recueillis relativement à l'accroissement annuel de cet arbre.

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L'allée de 200 mélèzes plantés dans mon parc en 1786-1787, et âgés par conséquent d'environ 65 ans en 1844, se trouve en terrain silico-argileux, médiocre en quelques parties, assez bon dans d'autres, et qui convient à la culture des bois feuillus et des bois résineux. Cette allée traverse, dans les deux tiers de son étendue, une futaie de sapins, et dans l'autre tiers un bois taillis que l'on coupe tous les neuf ans; le plus gros de ces mélèzes avait, en 1844, 0,51 de diamètre et le plus haut 20 mètres; ils avaient, en moyenne, 0,35 de diamètre et 16 mètres de haut ainsi leur accroissement moyen annuel avait été de 0,005. D'autres mélèzes, âgés en 1844 de 74 ans environ, se trouvent dans le même parc le plus gros avait 0,47 de diamètre et 18,90 de haut, ainsi il avait eu un accroissement annuel de 0,006. On peut voir, en comparant les dimensions des mélèzes de l'allée dont je viens de parler avec celles des sapins argentés d'une allée plantée la même année, dans le même parc (Voy. p. 32), combien la dimension des sapins était plus forte; il faut ajouter que les troncs des sapins maintenaient beaucoup mieux leur grosseur; aussi j'estime que la valeur d'un sapin équivalait à celle de deux mélèzes.

Il y avait à 2 kilomètres de mon parc, sur un coteau exposé au midi qui borde la vallée de l'Iton, un bouquet d'une douzaine de mélèzes, reste de ceux qu'avait plantés mon grand-père avec du plant provenant de graines qu'il avait rapportées d'Italie à l'automne de 1749, en même temps que des boutures de peuplier d'Italie (1); ces mélèzes avaient par conséquent 94 ans lorsque mon beaufrère les fit abattre en janvier 1844. Ils se trouvaient sur la lisière d'un taillis de chêne, dans un terrain silico-argileux de médiocre qualité, dans lequel le bois

(1) Louis, marquis de Chambray, mon grand-père, prétendait que c'etait lui qui avait introduit le peuplier d'Italie en France; aussi dans une lettre qu'il écrivait, le 28 février 1766, au président de la Société d'agriculture d'Alençon, pour remercier d'avoir été nommé membre de cette Société, il dit que c'est lui qui a introduit en France le peuplier d'Italie, mais qu'il n'a pas réclamé l'honneur de cette introduction. Le fait est qu'il exécuta ses premières plantations de peuplier d'Italie en 1750, avec des boutures qu'il avait rapportées du Piémont, et je ne crois pas qu'aucun auteur parle de plantations aussi anciennes en France. Valmont de Bomare dit dans son Dictionnaire d'histoire naturelle, qui parut en 1775, à l'article Peuplier : « Les pépinières où l'on peut trouver des boutures de peuplier d'Ita» lie sont à Montargis, à Nemours, à Moret, à Gron, près Sens, et à Montbar. M. le marquis de Chambray cultive avec succès le peuplier d'Italie à sa terre de Chambray, proche Tillières, en Nor» mandie; il se fait un plaisir d'en donner des boutures aux personnes qui désirent se procurer cet » arbre. » Mais l'ouvrage dans lequel on trouve ce passage est de 1775, et il y avait déjà vingt-cinq ans alors que Louis de Chambray avait commencé à planter des peupliers d'Italie. Ceux de ces arbres qui se trouvaient dans la vallée de l'Iton ont été abattus pendant la révolution française; mais on avait conservé les seize peupliers qui étaient dans la demi-lune de l'entrée du parc; ils s'y trouvaient sur le sommet de la colline qui borde la vallée de l'Iton, en terrain silico-argileux ; et quoique cette situation soit trop sèche pour ces arbres, quelques-uns d'entre eux y avaient pourtant atteint d'assez belles dimensions. Il reste encore neuf des seize peupliers que Louis de Chambray avait plantés en 1750 à l'entrée du parc; ainsi ils avaient, en 1844, 94 ans; presque tous ces peupliers ont été raccourcis successivement à mesure que leur tête mourait; quatre d'entre eux, qui dépassent beaucoup la futaie de sapins argentés et les chênes sur taillis, se voient de très-loin : celui qui a les plus belles dimensions a 2 mètres de circonférence et 28 mètres de haut.

feuillu vient bien; les pins maritimes dont j'ai parlé page 209, et avec lesquels on peut les comparer, se trouvaient à côté d'eux. Le plus gros de ces mélèzes n'avait que 0,50 de diamètre et le plus haut que 15 mètres; mais il y avait longtemps qu'ils ne prenaient plus d'accroissement, peut-être 24 ans, et je ne puis calculer quel avait été leur accroissement annuel, puisque je ne sais point exactement à quelle époque s'était arrêté cet accroissement.

J'ai parlé précédemment d'une allée de mélèzes située dans mon parc et dans laquelle ces arbres, âgés de 17 ans, alternent avec des pins laricio du même âge qu'eux. Le plus haut de ces mélèzes avait, à l'automne de 1844, 8,33, le plus gros un diamètre de 0,16 et le plus haut se trouvait être en même temps le plus gros. La hauteur moyenne de ces arbres était de 5,66 et ils avaient, en moyenne, un diamètre de 0,10; ainsi ils avaient eu un accroissement moyen annuel de 0,006, moindre par conséquent que celui des pins laricio (Voy. p. 252); il faut ajouter qu'ils maintiennent moins bien leur grosseur qu'eux.

Je saisis l'occasion qui se présente pour faire voir, par un exemple, qu'on ne peut, que dans des cas exceptionnels, se former une opinion sur le mérite des différentes espèces d'arbres, en ce qui concerne leur accroissement, en comparant sous ce rapport ceux qui ont crû dans le même lieu, parce que le terrain et la situation ne peuvent leur convenir également bien. L'allée dont je viens de parler traverse deux espèces de terrains: l'un siliceux, rempli de petites pierres et très-maigre, sur un sous-sol de sable, l'autre silico-argileux, plus profond et d'assez bonne qualité; dans le premier le sapin argenté ne réussit point, le sapin picéa et le mélèze réussissent mal ou médiocrement, le pin maritime, le pin sylvestre, le pin laricio, etc., réussissent bien. Aussi dans le premier terrain, jusqu'à ce moment, le pin laricio dépasse le mélèze en hauteur et en grosseur; dans le second, c'est le mélèze qui dépasse encore le pin laricio, du moins en hauteur. Lors même que deux espèces d'arbres du même âge se trouveraient dans un lieu qui leur conviendrait également, on ne pourrait les comparer utilement que lorsqu'ils seraient parvenus à l'âge où ils sont propres à la vente, car il y en a qui après avoir pris d'abord les devans sont ensuite dépassés.

On a planté, en 1810, dans le parc de Glisolles, à 8 kilomètres de chez moi, des mélèzes, des pins sylvestres et des sapins picéas, au bas d'un coteau qui borde la vallée de l'lton; ces arbres sont isolés ou peu serrés et en bonne terre. Le plus gros des mélèzes avait, à l'automne de 1844, un diamètre de 0,58; ce qui, en le supposant âgé de 41 ans, donne un accroissement annuel de 0,014, accroissement évidemment exceptionnel; j'évalue la hauteur de cet arbre à 18 mètres (Voy. p. 129 et 158).

Il y a dans le parc de Trianon, en terre franche, plusieurs mélèzes qu'on dit avoir été plantés lors de la création de ce parc et qui, par conséquent, doivent avoir environ 74 ans. Le plus gros de ces mélèzes avait, lorsque je le mesurai, le 7 août 1844, une circonférence de 1,86 et environ 22 mètres de haut (Voy. p. 133, 165 et 269).

Il y a dans le parc de Courtomer (Orne), dans un terrain d'herbages très

fertile, plusieurs mélèzes dont la plantation remonte au plus à 80 ans; le plus gros de ces mélèzes avait, à l'automne de 1840, une circonférence de 1,98, et l'on évalue sa hauteur à 22 mètres (Voy. p. 132, 165 et 270).

La plantation de mélèzes la plus étendue que l'on ait fait exécuter en France est, je crois, celle de M. le comte de Rambuteau dans le Charolais (Saône-et-Loire). Une Monographie du mélèze d'Europe de M. Evon, qui a été insérée dans le Journal d'agriculture pratique, de février 1839, contient à ce sujet les détails suivans: cette plantation occupe une étendue de 300 hectares d'un terrain dont une partie est un sable granitique et l'autre partie un sable noirâtre, tous deux assez profonds. Elle a été faite avec du plant de pépinière que l'on plantait dans des trous de 2 pieds (0,65) de côté et de 18 pouces (0,48) de profondeur, éloignés les uns des autres de 10 pieds (3,25) en tout sens. M. Evon tenait de M. le comte de Rambuteau, que les plus âgés de ces mélèzes, qui étaient plantés depuis 23 ans, en 1834, avaient alors de 40 à 50 pieds (13 mètres à 16",24) de haut, et de 2 pieds 6 pouces à 3 pieds (0,80 à 0,97) de circonférence, mais il n'indique pas à quelle hauteur au dessus du sol avait été prise la circonférence. Dans la même Monographie on parle des plantations de mélèze en grand que feu M. de Lorgeril avait fait exécuter en Bretagne, dans sa terre de Lamotte-Beaumanoir, non loin de Rennes (lle-et-Vilaine), et qu'il avait commencées en 1815; les plus âgés de ces mélèzes avaient, en 1834, 50 pieds (16,24) de haut et 3 pieds (0,97) de circonférence.

M. G. Gand rapporte dans le mémoire déjà cité, qui fut publié en 1840, qu'il existe dans les Vosges, sur une montagne du groupe du Champ-du-Feu, à environ 900 mètres au dessus du niveau de la mer, un massif de 150 mélèzes, semés ou plantés il y a environ 55 ans, qui ont en moyenne 50 pieds (16,24) de hauteur et 3 pieds (0,97) de circonférence; ces arbres ont donné naissance, par le semis naturel, à un bouquet de jeunes mélèzes âgés de 12 ans environ, qui ont de 16 à 20 pieds (5,20 à 6,50) de haut et une circonférence de plus d'un pied (0,32) à un mètre du sol. On remarquera que ces mélèzes n'ont commencé à donner du semis naturel efficace que quand ils avaient plus de 40 ans. Le mélèze a été introduit plus tôt en Angleterre qu'en France, et y a été cultivé en beaucoup plus grande quantité. Loudon dit (1) qu'il existait déjà en Angleterre en 1629, mais en très-petite quantité. En Écosse, les premiers mélèzes ont été plantés en 1727 par un duc d'Athol, dans sa terre de Dunkeld, située dans le Perthshire; cet arbre fut ensuite cultivé, sur une très-grande échelle, par trois ducs d'Athol, sur les collines et dans la vallée de Dunkeld, et sur les montagnes de Blair; je parlerai plus loin de ces remarquables plantations.

Loudon s'exprime ainsi qu'il suit t. IV, p. 2354, dans l'article que je viens de citer, sur l'accroissement du mélèze en Angleterre : « La hauteur moyenne du mélèze, » sous le climat de Londres, est de 20 à 25 pieds (6 mètres à 7,50) dix ans après » qu'il a été planté, et il atteint presque la même hauteur sur le penchant des

(1) Arboretum et Fruticetum britannicum, t. IV, p. 2358 et 2359, art Larix europæa.

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