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leurs, dans cette plaine du nord de la France où se trouve la capitale, que j'ai fait mes expériences, mes observations, et recueilli mes principaux renseignemens, puisque c'est à ma campagne, dans les bois des environs et dans plusieurs autres lieux, dont il y en a peu qui soient situés à une plus grande distance de Paris que cette campagne. Ainsi, c'est dans mon parc que j'ai pris les dimensions des feuilles, des fleurs, des cônes et des graines, et les modèles des dessins de grandeur naturelle et de demi-grandeur que j'en donne; c'est là que j'ai pu faire des observations qui demandaient de la suite, comme, par exemple, pour déterminer les époques ordinaires de la naissance et de la maturité des fleurs, des cònes et des graines.

Mon habitation est située dans l'ancienne province de Normandie, à six lieues d'Evreux, sur les bords de l'lton; elle est ornée d'un parc de 26 hectares, dans lequel les arbres résineux conifères occupent au moins 20 hectares. Le sapin argenté et le sapin picéa forment le fond de la futaie dans 16 hectares; et l'on y trouve aussi, surtout dans les allées, des pins sylvestres, des pins maritimes, des pins laricio, des pins du lord Weymouth et des mélèzes; 3 hectares de mauvaises terres sont couverts de pins de différentes espèces. Le sapin argenté, arbre indigène, domine dans une très-grande proportion; il existe sur ce sol depuis un tems immémorial, et il s'y reproduit abondamment; le sapin picéa, dont la plantation remonte à 1766, s'y reproduit aussi, mais moins bien; ils envahissent l'essence feuillue, ce qui doit être puisqu'on l'exploite en taillis de neuf ans. Les autres espèces dont je m'occuperai dans ce Traité donnent aussi du semis naturel, mais qui ne se trouve pas dans les mêmes conditions de réussite que celui des sapins. Nous avons d'ailleurs, mon frère et moi, exécuté dans les environs des semis et des plantations de différentes espèces d'arbres résineux de pleine terre à grandes dimensions.

En France, depuis l'année 1815, on a desséché et mis en culture beaucoup de marais et d'étangs, exploité beaucoup de futaies, et un grand nombre de terrains en pente qui étaient encore couverts de bois ont été déboisés; il y a eu, d'ailleurs, accroissement dans la production des bois blancs, parce qu'on en a beaucoup planté dans les vallées, le long des canaux et dans les lieux, humides; et l'on a fait aussi des plantations d'arbres résineux, particulièrement sur des terrains impropres ou peu propres à la culture des céréales ou des bois feuillus. Néanmoins, en définitive, la superficie des terrains couverts de bois, de joncs marins, de genêts, de bruyères et autres arbustes ou plantes. propres à la combustion, a éprouvé de la diminution, et pourtant la population de la France a éprouvé une grande augmentation; mais il faut se nourrir avant tout.

Le prix des bois ne s'est pourtant pas accru autant qu'on aurait pu le craindre en ce qui concerne les bois d'œuvre, parce qu'il en est venu beaucoup du Nord, que le fer a suppléé au bois dans plusieurs genres de constructions, et que souvent on a remplacé le chêne par des bois blancs, lorsqu'on pouvait les employer à couvert; en ce qui concerne le bois de chauffage, parce que l'on a consommé depuis 1815 une beaucoup plus grande quantité de houille qu'aupa

ravant. Mais puisque les défrichemens continuent, et qu'ils portent principalement, ainsi que je l'ai dit, sur des terrains couverts de ces arbustes et de ces plantes qui avaient long-tems servi à chauffer les classes pauvres dans beaucoup de localités, les cruelles privations qu'elles éprouvent pour leur chauffage s'ac

croîtront encore.

Dans cet état de choses, il me paraît avantageux d'étendre encore dans quelques localités, et d'introduire dans d'autres, la culture des arbres résineux conifères à grandes dimensions qui réussissent sous les climats tempérés, parce que cette culture, indépendamment des bénéfices qu'elle peut procurer, présente encore cet avantage d'intérêt général que trois des espèces dont je vais m'occuper peuvent prospérer dans quelques terrains impropres à la production des céréales et des bois feuillus, terrains dont on ne pourrait quelquefois tirer aucun revenu d'une autre manière. Non-seulement on en tire ainsi un fort bon parti dans les localités où le bois a de la valeur, mais le sol se fertilise alors peu à peu, par le détritus des feuilles, de manière à devenir enfin propre à la culture des céréales. Aux avantages généraux que procure cette culture dans ces sortes de terrains, il faut ajouter que deux espèces de pins peuvent être cultivées dans les dunes et servir à les fixer; que dans les pentes des montagnes, les arbres résineux conifères, les seuls quelquefois que l'on puisse y cultiver, empêchent que les terres ne soient entraînées par les pluies et par la fonte des neiges, et qu'enfin les forêts de ces arbres, comme celles de bois feuillus, favorisent l'alimentation des sources. Il existe d'ailleurs déjà une étendue fort considérable de futaies de bois résineux en France, puisque Dralet (1) disait, en 1820, qu'elles occupaient encore près du cinquième de la contenance de notre sol forestier, et que Baudrillart (2) évaluait, en 1823, à 550,000 hectares environ la contenance des forêts royales et communales d'arbres résineux. Un Traité pratique des arbres résineux conifères à grandes dimensions, que l'on peut cultiver en futaie, plus ou moins avantageusement, dans les climats tempérés, et surtout sous le climat de Paris, sera donc utile.

Je me suis particulièrement proposé dans la rédaction de ce Traité, qui est purement pratique, de donner des résultats de l'expérience et très-souvent de la mienne; je n'ai donc pu parler avec détail que des espèces qui sont assez généralement cultivées en France, pour que l'on puisse y apprécier leur mérite. Et, en définitive, je n'ai trouvé, jusqu'à ce moment, que huit espèces dont je pusse m'occuper avec détail. Ce sont: Le SAPIN ARGENTÉ, Abies argentea; le SAPIN PICÉA, Abies picea; le PIN SYLVESTRE, Pinus sylvestris; le PIN MARITIME, Pinus maritima; le PIN LARICIO, Pinus laricio; le PIN DU Lord Weymouth, Pinus strobus; le MÉLÈZE D'EUROPE, Larix europaa, et le CÈDRE DU LIBAN, Cedrus Libani.

Il y a sans doute d'autres espèces que l'on pourrait aussi, selon les apparences, cultiver avantageusement en France; mais ce n'est que lorsqu'on les y aura cul

(1) Traité des forêts d'arbres résineux, p. 41.
(2) Dictionnaire des eaux et forêts, t. II, p. 120.

tivées pendant plus de soixante ans, en assez grande quantité, sur divers terrains, à diverses expositions et en futaies pleines, que l'on pourra fixer son opinion à cet égard. Tel arbre, par exemple, acquiert de grandes dimensions en Amérique, d'où on l'a tiré, qui n'en acquiert plus que de médiocres en France, quoique cultivé sous un climat semblable en ce qui concerne la température. Cependant je consacrerai un chapitre à donner des renseignemens plus ou moins étendus sur quinze autres espèces d'arbres résineux à grandes dimensions, cultivables dans les climats tempérés, et en particulier sous le climat de Paris.

Ces quinze espèces, dont je pense qu'on devrait essayer la culture en grand, en pleine terre, sous le climat de Paris, d'après les renseignemens que j'ai pu me procurer, sont, en arbres indigènes de l'Europe: le PIN NOIR D'AUTRICHE, Pinus austriaca Hæss; le PIN TAURIQUE, Pinus taurica Hortus parisiensis; le PIN DE PALLAS, Pinus pallasiana Lambert; le PIN D'ESPAGNE, Pinus hispanica S. E. Cook; le SAPIN D'ESPAGNE, Abies hispanica mihi; le PIN CEMBRO, Pinus cembra Decandolle. En arbres indigènes de l'Asie : le CEDRE DE L'INDE, Cedrus indica mihi; le PIN DU NEPAUL, Pinus nepalensis mihi; le PIN DE CARAMANIE, Pinus caramanica Hortus parisiensis. En arbres indigènes de l'Amérique : le PIN ROUGE, Pinus rubra A. Michaux; le PIN DOUX, Pinus mitis A. Michaux; le PIN DE LAMBERT, Pinus lambertiana Douglas; le PIN DE SABINE, Pinus sabiniana Douglas; le PIN DE COULTER, Pinus Coulteri D. Don; et le CYPRÈS DISTIQUE, Cupressus disticha Linné.

Quant au PIN PIGNON, Pinus pinea Linné, et au PIN D'ALEP, Pinus alepensis Decandolle, arbres indigènes de l'Europe, si l'on parvient à les conserver pendant quelques années sous le climat de Paris, ils finissent toujours par y périr pendant un hiver rigoureux, ainsi que je l'ai éprouvé en 1829; ils n'y parviennent d'ailleurs qu'à de médiocres dimensions. M. A. Michaux (1) conseille d'essayer dans les landes de Bordeaux la culture du PIN AUSTRAL, Pinus australis A. Michaux, et du PIn a l'encens, Pinus tæda A. Michaux, arbres indigènes de l'Amérique septentrionale; mais je présume, d'après mon expérience, que ces deux espèces éprouveront, sous le climat de Paris, le même sort que le pin pignon et le pin d'Alep: je n'en parlerai donc point.

Le SAPIN BLANC, Abies alba A. Michaux; le SAPIN NOIR, Abies nigra A. Michaux; le SAPIN DU CANADA, Abies canadensis A. Michaux (l'Hemlock spruce des Anglais), et le MÉLÈZE D'AMÉRIQUE, Larix americana A. Michaux, quatre espèces tirées d'Amérique et cultivées en France depuis aussi longtemps que le pin du lord Weymouth, n'y atteignent que de faibles dimensions.

Je n'ai parlé ni de l'IF, Taxus baccata Linné, ni du PIN DE CALABRE, Pinus brutia Tenore, ni d'autres espèces indigènes d'Europe qui sont de moyenne dimension, parce que j'ai voulu me renfermer strictement dans mon titre. Je n'ai point cru devoir parler non plus de quelques autres espèces indigènes d'Amérique ou d'Asie, malgré ce qu'on a dit de leurs dimensions et de la facilité de les cultiver sous les climats tempérés, parce qu'elles sont encore trop peu connues, surtout

(1) Histoire des arbres forestiers de l'Amérique septentrionale, t. 1, p. 84 et 101.

en France, pour qu'on sache à quoi s'en tenir à leur égard; tel est, par exemple, l'ARAUCARIER IMBRIQUÉ, Araucaria imbricata Pavon. Je sais que cet arbre existe en pleine terre, en Angleterre, dans le jardin du roi à Kew; chez lady Granville, à Dropmore; chez le duc de Devonshire, à Chatworth, etc.; en France, chez M. le marquis de Vibraye, près de Blois, au midi de cette ville, et, sans doute, dans d'autres lieux encore; mais je n'en connais pas sous le climat de Paris proprement dit. J'en essaie la culture en pleine terre réussirai-je?

J'essaierai de déterminer si les arbres dont je m'occuperai appartiennent à une espèce ou à une variété, ou si, sous des noms différens, ils n'appartiendraient pas à la même espèce.

Plusieurs des arbres dont je vais m'occuper particulièrement dans ce Traité ont reçu des botanistes, et du vulgaire dans divers pays, des noms différens; en outre, quelques botanistes ont cru voir des variétés, et même des espèces, où il n'y avait quelquefois qu'une seule et même espèce, parce qu'ils observaient des différences qui ne résultaient que des situations différentes dans lesquelles les arbres s'étaient trouvés. Quelques-uns de ces botanistes avaient trop vécu dans leur cabinet; d'autres n'avaient fait leurs observations sur les lieux que pendant des courses rapides, tandis qu'ils auraient dù observer les arbres pendant plusieurs années, à différens âges, en plaine sous diverses latitudes, dans les montagnes à diverses hauteurs, et principalement à l'époque de la floraison.

Nous n'avons en Europe qu'un mélèze, qu'on ne peut confondre avec les autres arbres dont je m'occupe, puisqu'il perd.ses feuilles l'hiver, et qu'elles ont une couleur et une forme particulières. Nous ne cultivons encore, pour ainsi dire, qu'un seul cèdre, très-facile à distinguer par son aspect tout particulier. En ce qui concerne les sapins, comme nous n'en avons que deux espèces en Europe (1), les seules dont je m'occuperai; qu'ils diffèrent beaucoup par leurs feuilles, leurs fleurs, leurs cônes, leurs graines, la couleur de leur écorce et leur aspect; qu'on tire de l'un d'eux de la térébenthine et de l'autre de la poix, il est difficile de les confondre.

Il n'en est pas de même des pins, qui sont d'ailleurs plus nombreux; si l'on en excepte le pin cembro, qui a cinq feuilles dans une gaîne, tous les autres pins d'Europe n'ont que deux feuilles dans une gaine; leurs fleurs mâles et leurs cônes ont la même forme, et ne diffèrent que par la couleur et les dimensions. Mais on distingue les pins principalement par leurs feuilles, leurs fleurs et leurs cônes; secondairement par leurs graines, par leur écorce, par leurs dimensions et par leur aspect; et ces caractères varient plus ou moins selon l'âge, le sol, la latitude et l'altitude. Ainsi, par exemple, on peut trouver des pins sylvestres chétifs, parce qu'ils sont sous un climat trop chaud ou trop froid; le même arbre peut être médiocre dans les basses vallées des hautes montagnes, inagnifique à la hauteur qui lui convient le mieux, si le sol lui est d'ailleurs fa

(1) Le sapin d'Espagne, nouvellement reconnu, sera la troisième espèce, si ce n'est pas une variété du sapin argenté,

vorable, chétif et ne formant plus qu'un buisson lorsqu'il atteint à la limite au delà de laquelle il ne peut plus vivre; et alors les feuilles, les fleurs, les cònes, l'écorce, l'aspect, tout a changé en ce qui concerne les dimensions et quelquefois même la forme, et pourtant c'est le même arbre.

Il est exact de dire qu'il existe une grande confusion dans la nomenclature et la synonymie des pins. Si, par exemple, j'examine sommairement à quelles espèces de pins on a donné le nom de Pinus pinaster, je trouve que Pline, dans son Histoire naturelle, nomme ainsi un pin sur lequel il donne. trop peu de détails, pour que je puisse me permettre d'émettre une opinion sur l'espèce qu'il désigne par ce nom.

Pierre Belon, dans l'ouvrage intitulé De Arboribus coniferis (1553), donne le nom de Pinus pinaster au pin dans lequel les feuilles sont cinq par cinq dans une gaîne, et qu'on appelle actuellement Pin cembro.

Rambert Dodoens, dans son Stirpium historiæ (1583), donne le nom de Pinus sylvester sive Pinaster à un pin à deux feuilles.

Charles de l'Ecluse, dans son Rariorum aliquot stirpium per Pannoniam austriacam et vicinas quasdam provincias observatorum historia (1583), donne le nom de Pinaster à deux espèces de pins, et dans son Rariorum plantarum historia (1604), il nomme et décrit huit espèces de Pinaster, qu'il distingue en ajoutant à leur nom les chiffres I, II, III, IIII, et l'épithète austriacus ou hispanicus.

Gaspard Bauhin, dans son Pinax theatri botanici (1671), ne consacre qu'une page et demie au genre Pin, dans un article intitulé De Peuce seu Pinu, dont une page à nommer quinze espèces de pins, parmi lesquelles se trouvent trois espèces de Pinaster, et il nomme aussi soixante synonymes de ces quinze espèces, au nombre desquels se trouvent douze Pinaster. On pense bien qu'il s'est presque toujours contenté de les nommer, ajoutant sculement pour un très-petit nombre d'entre eux une phrase spécifique; cependant Charles Linné le cite dans ses renvois aux synonymes du Pin et de ses variétés, en indiquant seulement la page.

Charles Linné, dans son Species plantarum (1764), donne le nom de Pinus pinaster à deux des variétés du pin sylvestre, d'après Gaspard Bauhin, seul auteur qu'il cite pour ces deux variétés, et il en reproduit la phrase spécifique; mais G. Bauhin ne les citait que d'après C. de l'Ecluse, dont je viens de parler.

William Aiton, dans son Hortus Kewensis (1789), donne le nom de Pinus pinaster à un pin qu'il décrit à peine, qui est notre pin maritime des landes de Bordeaux, et qu'il dit être le Pinus maritima altera de Duhamel, qui n'est pourtant pas le pin maritime des landes de Bordeaux.

Michel Tenore, dans sa Flora napolitana, t. IV, p. 136 (1811-1813), donne le nom de Pinus pinaster à l'un des pins des montagnes des Apennins, qu'il dit être le Pinus sylvestris de Linné; dans ses Essais sur la Géographie physique et botanique du royaume de Naples, p. 76 (1827), il donne à ce même pin le nom de Pinus sylvestris. Enfin, dans le t. V de sa Flora napolitana, p. 266 (1835-1836), il donne à ce pin le nom de Pinus nigrescens; il dit que les forestiers allemands l'appellent Pin noir; que Host, dans sa Flora austriaca, l'appelle Pinus nigricans,

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