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Les branches du sapin argenté sont disposées par étages (verticillées), au nombre de trois à six par chaque étage, et elles diminuent de longueur à mesure qu'elles sont plus rapprochées du sommet de l'arbre; cette disposition régulière s'altère à mesure que les branches vieillissent, parce que quelques-unes d'entre elles s'élèvent pendant que d'autres s'abaissent. Dans les jeunes sapins, et vers le sommet des sapins qui ont encore une végétation vigoureuse, les branches sont sensiblement horizontales dans la partie la plus rapprochée du tronc, puis elles se redressent vers leur extrémité; mais les branches plus rapprochées du sol qui sont plus âgées, surtout quand le sapin approche de sa maturité, fléchissent sous le poids des rameaux, des ramilles et des feuilles, et ne conservent plus les formes que je viens de décrire. J'ai mesuré en 1840, dans une allée de mon parc, sur des sapins âgés alors d'environ 66 ans, des branches qui prenaient naissance à environ 4 mètres du sol, et qui étaient longues de plus de 6,50, quoique leur croissance eût été retardée par le voisinage d'un taillis.

Le sapin argenté, considéré dans son ensemble, conserve toujours la forme conique quand il croît isolé ou qu'il n'est pas trop serré par d'autres arbres; mais l'axe de ce cône s'allonge dans une proportion plus grande que la base ne s'agrandit. Cet arbre est le plus sombre des arbres verts; c'est le noir sapin mélancolique des poètes.

L'accroissement annuel en diamètre du sapin argenté ne doit être examiné que sur des arbres dont l'accroissement n'a jamais été interrompu, sans quoi l'on obtiendrait des résultats très-différens selon les circonstances, puisque cet arbre peut rester stationnaire lorsqu'il est privé de lumière et d'espace, et par d'autres, causes encore. Il m'a paru inutile à l'objet que je me propose de faire des expériences suivies à ce sujet je me contenterai de rapporter quelques faits. L'accroissement du sapin argenté, qui est lent jusqu'à environ 10 ans, devient ensuite plus rapide; un sapin de 70 ans qui a crù dans un terrain et dans des circonstances favorables, peut avoir jusqu'à 26 mètres de hauteur, et un diamètre de plus de 0,65 à un mètre au dessus du sol, ce qui donne un accroissement de 0,009 par an au moins, terme moyen.

J'ai dans mon parc, devant mon habitation, une allée qui a 16m,40 de large, et qui est séparée en deux parties par un rond-point : dans l'une des parties, ce sont des sapins picéas, de différens âges, au nombre de 222; dans l'autre, des sapins argentés, au nombre de 412, qui sont à 4 mètres les uns des autres; ainsi, quoiqu'ils traversent une sapinière et un taillis, ils n'ont pas été gênés dans leur accroissement. Ces sapins ont été plantés en 1786-1787 avec du plant que l'on prit dans la sapinière, et qui était âgé d'environ 12 ans; ils avaient donc environ 70 ans en 1844. Le plus haut de ces arbres avait alors 24 mètres, et le plus gros 0,65 de diamètre à un mètre au dessus du sol; ceux de moyenne dimension avaient 0,51 de diamètre et 18,00 de haut. Ainsi ces derniers avaient eu un accroissement moyen annuel de 0,0073. Mais il y a des terrains beaucoup plus favorables à la production du sapin argenté que celui où ils se trouvent; ils ont dû d'ailleurs éprouver de grands retards dans leur végétation, n'ayant pas

été pris dans une pépinière, quoiqu'on les cût arrachés et plantés avec le plus grand soin, et qu'on les eût arrosés toutes les fois qu'il était nécessaire.

Le plus gros des trente sapins âgés de 85 ans, dont j'ai parlé à la page 24, provenant aussi de plantation, avait, en 1840, 0,78 de diamètre, ce qui donne un accroissement de 0,009 par an, terme moyen; et comme cet accroissement a été beaucoup moindre dans la jeunesse de l'arbre et aux approches de sa maturité, il a fallu qu'il fût beaucoup plus fort pendant les années intermédiaires.

Je tiens de M. Dahirel qu'il a près de Josselin, dans le département du Morbihan, des sapins argentés qui ont été semés il y a soixante ans; le diamètre moyen de ces sapins est de 0,50, et leur hauteur moyenne de 19 mètres; mais les plus gros ont 0,60 de diamètre. Un sapin isolé âgé de 80 ans, qu'il fit mesurer avec soin, avait 19,80 de haut et 4,95 de tour. Ces dimensions sont d'accord avec ce que l'on remarque dans les bonnes terres à sapin de la Normandie et donnent à peu près le même accroissement annuel que celui que j'ai déjà indiqué. Il me dit aussi que dans les environs de Ploërmel, dans le même département, il avait vu vendre, en 1839, un lot de sapins, âgés alors de 80 ans, qui avaient de 23 à 24,50 de haut; ces sapins furent vendus à raison de 8 fr. seulement chaque sapin, pour être employés à Nantes comme bois de charpente, et pourtant le canal de Nantes à Brest, qui passe à deux lieues de cette futaie, donnait la facilité de les transporter: c'est que les bois du Nord (sapins picéas et pins sylvestres) arrivent dans tous nos ports de mer et ne paient que de très-faibles droits, et que les droits de péage sur le canal de Nantes à Brest sont très-élevés.

M. Dahirel a vendu aussi, en 1839, quarante-cinq beaux sapins argentés, âgés de 85 ans, qui étaient situés près de Malestroit et à un quart de lieue du canal dont je viens de parler, à raison de 400 fr., ou 8 fr. 88 c. chaque sapin; l'acquéreur qui les convertit en planches n'y gagna point. Élevez donc des futaies de sapins dans les localités où il n'y a pas de débouchés sur les lieux mêmes, et où les bois du Nord entrent en concurrence! Vous n'en tirerez pas de quoi payer l'impôt, qui est. le même pour les futaies que pour les taillis.

Dans la localité que j'habite, les bois résineux du Nord entrent aussi en concurrence avec le bois des sapins qu'on y exploite, mais ils ne peuvent arriver par cau que jusqu'à Rouen. Le bois de sapin argenté, vendu eg grume et en gros à un marchand, y vaut environ 31 fr. le mètre cube. Ainsi, en supposant que les sapins qui ont été vendus 8 fr. chacun contenaient 1,50 cube de bois propre à la vente, ils y auraient été vendus 46 fr. 50.

On peut conclure des faits que je viens de rapporter que, sous le climat de Paris, le sapin argenté, dans une situation favorable, croit au moins de 0,"009 en diamètre, par an, terme moyen.

Je rapporterai ce que disent MM. Noirot et Dickie, de l'accroissement annuel du sapin argenté, quoiqu'ils aient calculé l'âge des arbres dont ils parlent, d'après le nombre de couches ligneuses que contenaient leurs troncs, ce qui a pu les conduire à un résultat faux, ainsi que je crois l'avoir démontré page 13.

Mais la connaissance de l'épaisseur moyenne des couches ligneuses est un renseignement qui peut devenir utile par la suite. Je ferai remarquer aussi que ces deux auteurs avaient pris le diamètre des arbres au gros bout après l'abattage, tandis que je l'ai pris à un mètre au dessus du sol, c'est-à-dire un peu plus haut.

M. Noirot dit (4) que « dans les montagnes du Jura, le grossissement annuel » du sapin argenté, calculé sur un arbre dépouillé de son écorce, varie de 2 li>> gnes 1/3 (0,005) jusqu'à 4 lignes 1/2 (0,01), sur le diamètre de l'arbre. » M. G. Dickie, dans un article (2) Sur les forêts et les arbres du comté d'Aberdeen, situé dans le nord de l'Écosse, donne un tableau de l'accroissement annuel de quelques sapins argentés, de différens âges, que je vais reproduire.

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On peut, jusqu'à l'âge de 40 ans environ, évaluer assez exactement l'âge du sapin par le nombre des étages de branches, lorsque l'arbre a crù avec régularité en hauteur et qu'étant isolé ou peu pressé il a conservé toutes ses branches : on ajouterait 10 ans pour les premières années. Dans un âge plus avancé ce moyen deviendrait inexact ou impraticable, parce qu'on ne peut pas toujours bien distinguer les étages des branches, par les raisons que j'ai données page 32. Si la croissance d'un sapin avait été arrêtée pendant plusieurs années, on commettrait de graves erreurs en évaluant ainsi son âge, puisque pendant ce temps il ne se forme point d'étages de branches. Il en serait de même si l'arbre avait été brisé dans sa jeunesse.

Un arbre atteint sa maturité au moment où son bois a acquis toutes les qualités dont il est susceptible; le bois se conserve pendant plusieurs années dans cet état et dépérit ensuite. L'âge auquel les sapins argentés atteignent leur maturité varie dans certaines limites en raison du sol, du climat et de l'exposition, et ne peut être déterminé d'une manière précise. Il y a dans la vie de cet arbre deux époques importantes qui se présentent à des âges différens, selon les sujets et les circonstances, et qui pourraient induire en erreur sur l'époque de sa ma

(1) Traité de la culture des forêts, p. 181.

(2) Cet article se trouve dans le Quarterly Journal of agriculture, no 60, mars 1843, p. 394.

turité; ce sont celle où il cesse de croitre en hauteur, et il est alors terminé par un buisson au lieu de l'être par une flèche, et celle où il cesse de croître en grosseur.

La maturité du sapin argenté n'arrive ordinairement qu'après qu'il a cessé de croître en hauteur, et je ne saurais donner des moyens certains de la reconnaître. Il arrive d'ailleurs souvent qu'un arbre continue à prendre de l'accroissement en grosseur, quoiqu'il ait dépassé l'âge de sa maturité; il arrive quelquefois aussi que la croissance en hauteur s'arrête, par suite d'une succession d'années sèches, et qu'ensuite il repart une flèche. Ce fut ce que je remarquai dans cette allée de mon parc, dont j'ai déjà parlé, et dont les sapins étaient âgés, en 1844, d'environ 70 ans; les années 1833, 1834, 1835 et 1836, ayant été fort sèches, ces sapins s'arrètèrent presque tous; mais depuis il repartit une flèche à la plupart d'entre eux.

Un de mes voisins, M. Gazan, avait un sapin argenté auquel on avait coupé la tête (pour en faire un mai) et qui n'avait alors que 0,65 de circonférence. Ce sapin occupait un terrain siliceux et caillouteux fort maigre qui ne lui convenait point; il était resté longtemps stationnaire et paraissait avoir une vieillesse prématurée, lorsque, étant âgé d'environ 60 ans, il se trouva compris dans un emplacement qu'on fit défoncer et mêler de terres argileuses pour y faire des plantations; il recommença dès lors à prendre de l'accroissement en grosseur, et au bout de 30 ans, c'est-à-dire à l'âge de 90 ans, lorsqu'on l'abattit, il avait 1,62 de circonférence, quoiqu'il n'eût pas crù en hauteur; on en tira de fort bonnes planches.

Burgsdorf (1), Hartig (2) et Cotta (3), qui ne se sont occupés que des forêts de l'Allemagne, disent que les sapins argentés atteignent leur maturité à 120 ans, sans doute dans des circonstances favorables sous tous les rapports; car Hartig s'exprime ainsi qu'il suit, dans une note de l'ouvrage intitulé Instruction sur la culture du bois à l'usage des forestiers, page 81 de la traduction, relativement à l'âge auquel on peut exploiter les forêts d'arbres résineux : « L'exploitation des » forêts d'arbres résineux a lieu, dit-il, plus tôt ou plus tard, selon que les cir» constances l'exigent. Quand on veut avoir du bois de charpente ou du bois de » chauffage, on doit les exploiter à 100 ans, si d'ailleurs elles sont situées sur un » terrain de bonne qualité et qui convienne à cette essence. Quand, au con» traire, le sol est mauvais, il faut les exploiter à 60 et 70 ans, parce que passé » cette époque l'accroissement se ralentit et cesse quelquefois tout-à-fait. Si l'on

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(1) Nouveau Manuel forestier, tableau à la fin du tome ler.

(2) Baudrillart, d'après Hartig, Dictionnaire des eaux et forêts, t. II, p. 126.

(3) « L'exploitabilité du hêtre, dit Cotta, p. 31 de son Traité de culture forestière, est comprise entre » 80 et 160 ans; sa révolution la plus ordinaire est de 120 ans; cet arbre a atteint à cette époque son plus grand accroissement, et il est alors propre à tous les usages auxquels on l'emploie. Cet auteur, en parlant du sapin argenté, p. 54, se contente, pour faire connaître l'âge de sa maturité, de dire : Il y a parité entre le hêtre et le sapin pour la révolution, »

» veut se procurer du fort bois de construction, pour la marine, ou pour faire » des poutres, on doit attendre 120 à 180 ans, et choisir pour cela les meilleurs » terrains; parce qu'un mauvais sol ne produira jamais des arbres propres à cet » usage, les laissât-on sur pied jusqu'à ce qu'ils aient atteint leur plus haut degré d'accroissement. »

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Dralet dit (1) que dans la forêt de Comefrède, située dans les Pyrénées, département de l'Aude, le sapin argenté atteint sa maturité à 80 ans; il me paraît en être de même dans mon parc. Je présume que sous le climat de Paris, proprement dit, dans des circonstances favorables sous tous les rapports, le sapin argenté atteint sa maturité à environ 90 ans et quelquefois, dans des cas exceptionnels, à 100 ans et plus; il cesse ordinairement de croître en hauteur de 70 à 90 ans, et c'est alors que son écorce devient grise et rugueuse.

Le sapin argenté acquiert de magnifiques dimensions lorsqu'il se trouve dans des circonstances de tout point favorables à sa végétation. Je rapporterai ce que disent à ce sujet différens auteurs qui se sont occupés de cet arbre.

Rémond, ancien inspecteur des eaux et forêts, dans le département du Jura, dit dans une brochure de seize pages intitulée Observations sur l'exploitation et l'aménagement des forêts de sapins: « Il existe, dans les sapinières de l'est, des » sapins de 6 à 8 mètres de tour; j'en ai fait abattre trois de 9 mètres de tour, ayant employé, pour sortir chaque pièce de la forêt, un attelage composé de » seize paires de boeufs et de six vigoureux chevaux. »

Dralet, dans l'ouvrage précédemment cité, dit page 14: « Le sapin argenté, » à l'âge de 80 ans, acquiert une hauteur de 20 à 25 mètres; j'en ai vu plusieurs qui, à l'âge de 120 ans, s'élevaient à 40 mètres. »

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Baudrillart (2) reproduit l'opinion de Burgsdorf qui sera rapportée plus loin. Selon Lorentz (3) « il parvient souvent à une hauteur de 40 à 45 mètres et l'on » a coupé des sapins qui présentaient jusqu'à 6 et 9 mètres de tour à la base. » Noirot, dans l'ouvrage précédemment cité, consacre un chapitre à parler des sapinières du Jura, et il dit (4) que « dans la grande forêt de la Joux, située entre Salins et Pontarlier, les sapins argentés de 10 à 12 pieds (3,25 à 3,90) de » tour sont assez nombreux. » Il cite, page 298, les dimensions de l'un des plus beaux sapins de la forêt de Fresse; il avait 109 pieds (35,40) de longueur » totale et sa circonférence, prise à 4 pieds (1,30) du sol, était de 13 pieds » (4,22) et à 81 pieds (26,31) de 40 pouces (1,08). » Leroy donne, dans le mémoire précédemment cité, les dimensions d'un seul sapin: « On coupa, dit-il, » un sapin argenté, en 1767, dans le quartier de Barlagne, de la forêt d'Issaux, » qui avait plus de 5 pieds (1,62) de diamètre à sa culée, et 98 pieds (31,83) » de service. On trouva au milieu de sa souche celle d'un sapin, d'environ six

(1) Traité des forêts d'arbres résineux, p. 159.
(2) Dictionnaire des eaux et forêts, t. II, p. 776.
3) Cours élémentaire de culture des bois, p. 90.
4 Traité de la culture des forêts, p. 297.

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