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les quatre ou cinq années qui s'écouleraient depuis cette transplantation jusqu'à la plantation à demeure, la racine du plant aurait formé un pivot assez long pour que l'on fût presque toujours obligé de le couper en arrachant le plant; cette circonstance, quoique nuisible, ne l'empêcherait d'ailleurs pas de réussir parfaitement, ainsi que je l'ai éprouvé, parce qu'il serait bien garni de chevelu: en définitive, les deux transplantations me paraissent préférables.

Je viens de décrire les travaux à exécuter pour obtenir du plant bien préparé pour la plantation à demeure, en commençant par le semis; le propriétaire d'une sapinière peut aussi se procurer du plant semblable, en prenant d'abord le jeune plant dans sa sapinière. Il y fera lever en motte du plant de semis naturel de 2 à 5 ans, pris dans les allées, dans les clairières, ou dans les bordures de sa sapinière; ce plant sera classé par âge, selon l'apparence, et repiqué ou transplanté sur des planches préparées, ainsi qu'il a été dit précédemment. Il mourra quelques-uns de ces plants, et ils bouderont plus ou moins longtemps; mais, en définitive, la plupart reprendront, si on leur donne les soins convenables en binages, en arrosages et surtout en couvertures, qui sont on ne peut plus utiles avec du plant tiré d'une situation à l'ombre ou à mi-ombre, pour le mettre dans une situation découverte du plant de semis naturel traité ainsi. formera du chevelu, il acquerra une belle végétation, et il prendra une forme régulière. On se procurera, par ce moyen, du plant entièrement semblable à celui qu'on obtient par la culture artificielle complète, mais moins promptement : j'en parle par expérience, ayant eu dans ma pépinière de beaux quartiers de sapins argentés élevés ainsi..

Avant de décrire la plantation à demeure, je vais donner quelques détails succincts, relativement au mode de végétation et à l'accroissement successif du sapin argenté, pendant les huit ou neuf années qui la précèdent.

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Le sapin argenté, semé à la fin de mars ou dans les premiers jours d'avril, lève, ainsi que je l'ai dit au commencement de cet article, au bout de cinq à sept semaines de la graine que je semai le 15 mars 1841 ne commença à lever que le 16 mai; de la graine que je semai le 29 mars 1842 commença à lever le 18 mai; de la graine que je semai le 14 mars 1843 commença à lever le 22 avril. Le sapin argenté lève ayant au bout d'une petite tige la coque de sa graine, qui tombe bientôt et laisse voir dix feuilles séminales en aiguilles fixées au bout de cette tige, en forme d'étoiles; la moitié de ces feuilles sont un peu plus grandes que les autres avec lesquelles elles alternent : le plant qui n'a qu'une seule sève borne là son accroissement la première année de sa naissance, et sa tige atteint seulement 0,02 à 0,04 de haut. Au bout de cette tige se trouve le bouton duquel partira la flèche l'année suivante.

La seconde année, un bouquet de nouvelles feuilles paraît au centre des feuilles séminales, pendant la dernière quinzaine d'avril ou pendant la première de mai, selon les localités et la température qui a régné; et enfin part la flèche, qui est garnie de petites feuilles dans son pourtour, et même quelquefois d'une petite branche. La flèche et les autres pousses ont terminé leur croissance en

longueur au bout de six à neuf semaines environ, selon la température qui a régné, et la sève reste dès lors inactive jusqu'au retour de la sève de l'année suivante; mais ensuite les pousses grossissent encore un peu, et deviennent ligneuses d'herbacées qu'elles étaient; la tige du jeune sapin a alors 0,06 à 0,10 de haut. La troisième année, le tronc du sapin se couvre de plusieurs petites branches, ou plus exactement de plusieurs ramilles, car les branches ne paraissent que plus tard, et il atteint une hauteur de 0,09 à 0,16. La quatrième année, il atteint une hauteur de 0,12 à 0,21; la cinquième année, une hauteur de 0,25 à 0m,36. Je ferai d'ailleurs observer que si le repiquage ne retarde point la végétation du sapin argenté, chaque transplantation la retarde, quel que soit le soin avec lequel on l'exécute.

On voit que, pendant les quatre ou cinq premières années, la végétation du sapin argenté est fort lente; la flèche se maintient dans une ligne verticale; mais le jeune sapin, considéré dans son ensemble, présente peu de régularité. Après qu'il a dépassé cet âge, sa végétation devient plus active, et il prend peu à peu la forme d'un cône surmonté d'une flèche située dans le prolongement du tronc; néanmoins, de 8 à 9 ans, âge auquel on peut le planter à demeure, il n'a ordinairement qu'environ 1 mètre à 1,50 de haut. J'ai donné, pages 17-21, une description de la marche de la végétation dans les sapins argentés adultes, en ce qui concerne leur sève, leurs boutons, leurs feuilles, leurs fleurs et leurs cônes; et, pages 29-42, j'ai parlé de leurs racines, de leur tronc, de leurs branches, de leur accroissement annuel et des dimensions auxquelles ils parviennent.

Au moyen des précautions que j'ai précédemment indiquées, tout le plant que l'on va planter à demeure aura à peu près les mêmes dimensions, et l'on pourra le lever en plein successivement; ce qu'il faut toujours faire lorsque cela est possible; on débarrasse ainsi peu à peu le terrain, dont on peut dès lors disposer pour une autre culture, et l'on a plus de facilité pour arracher le plant. Lorsqu'au contraire on arrache les plants, en choisissant çà et là les plus beaux, il en résulte, si l'on ne remplace point, que l'on perd du terrain et que les racines du plant qui reste encore prennent trop d'extension; et si l'on remplace avec du plant plus jeune, que ce plant vient mal, parce qu'il se trouve opprimé, sous terre et hors terre, par des voisins plus âgés que lui. En définitive, on ne doit pas hésiter, après avoir commis la faute d'arracher du plant çà et là pour le planter à demeure, à arracher avec le plus grand soin des lignes entières de ce qui reste de ce plant pour le replanter où l'on a fait des vides, afin que le terrain se trouve occupé. On espacera seulement un peu plus ce plant : ainsi on pourra n'en mettre que deux ou trois où il y en avait trois ou quatre; on se procurera en outre, ainsi, l'avantage de rendre une partie du terrain libre.

Les plantations de sapin argenté réussissent très-bien lorsque le plant a été élevé ainsi que je viens de l'indiquer; il a beaucoup de chevelu, plus peut-être qu'aucune des dix espèces dont je vais m'occuper dans ce chapitre, à l'exception du picéa. Le moment le plus favorable pour le planter est l'automne, et j'en parle d'après mon expérience; mais on peut le planter avec succès pendant

tout l'hiver, lorsque les gelées ou les pluies ne s'y opposent point, et au printemps jusqu'au moment où part la sève; planté l'automne, ainsi que je vais l'indiquer, il poussera presque comme s'il n'eût pas quitté la pépinière; planté au printemps, ainsi qu'il est prescrit par tous les auteurs, il boudera pendant

un an.

Lorsque l'on voudra planter à demeure les sapins argentés de la pépinière, on commencera vers le 15 octobre, et l'on pourra continuer jusqu'à l'époque où la sève de ces arbres commence à se mettre en mouvement, mais le plus tôt après le 15 octobre sera le mieux. A ce que j'ai dit précédemment du choix des journées pendant lesquelles on plantera, il faut ajouter qu'il est très-important de planter par un temps calme, afin que la terre ait au moins quelques heures, sinon quelques jours, pour se rasseoir et affermir le plant. Quand on plante par un grand vent, les plants se trouvent tout de suite ébranlés, ce qui leur est trèsnuisible; tandis que si l'on plante par un temps calme et qu'il s'écoule quelques jours ainsi, la terre se tasse peu à peu, surtout s'il fait de petites pluies, et la nouvelle plantation peut résister aux premiers vents qui surviennent. Le sapin argenté étant d'ailleurs plus chargé de branches et de feuilles vers le sol que vers la cime, est l'un des arbres qui, parmi ceux dont je m'occupe dans ce chapitre, ont le moins à souffrir de l'action des vents.

On peut faire les trous d'avance tant que l'on n'est pas encore entré dans la saison des pluies; on y trouve l'avantage que la terre se mûrit, et cela est particulièrement utile dans les terres fortes, surtout si ce sont de celles qui se délitent à l'air; mais lorsque la saison des pluies est arrivée, si l'on faisait les trous d'avance, ils pourraient se remplir d'eau; la terre qu'on en a tirée pourrait être trempée de manière à former un mortier; la plantation deviendrait impraticable, ou, si l'on plantait, ce serait on ne peut plus mal, dans l'eau et dans la boue. Lors donc que la saison des pluies sera arrivée, on ne fera plus les trous qu'au moment de planter; c'est ce que j'ai toujours pratiqué, et je n'ai jamais remarqué qu'il en résultât le moindre inconvénient.

Il est suffisant de faire des trous carrés de 1 mètre de côté et de 0,50 de profondeur, pour planter à demeure le plant de la pépinière; néanmoins, si on leur donne 1,14 de côté, ce sera encore mieux. On doit faire trois lots de la terre que l'on tire du trou, en ayant soin de la débarrasser des trop grosses pierres : le premier, de celle que l'on tire de la partie supérieure du trou, qui est ordinairement la meilleure; le second, de celle que l'on tire ensuite; le troisième, de celle que l'on tire la dernière, qui est ordinairement la plus mauvaise, et l'on doit piocher la terre du fond du trou pour que les racines de l'arbre que l'on va planter puissent facilement la pénétrer. Les trous étant faits et le temps étant favorable ou à peu près, si l'on est décidé à planter, on s'occupera d'arracher les sapins dans la pépinière avec soin et promptitude; car moins les racines auront été de temps hors de terre, mieux la plantation réussira; on doit donc, si on le peut, combiner cette opération de manière à n'arracher chaque jour que ce qu'on pourra planter : c'est ainsi que j'ai toujours fait.

Pour arracher un plant, on commence par donner des coups de pioche tout autour, entre ce plant et les plants voisins, avec le côté pointu d'une grande pioche à pic (Pl. VII, fig. 11 et 12) (1), de manière à détacher ses racines latérales; puis deux ouvriers soulèvent l'arbre, l'un avec une grande fourche à deux dents (Pl. VII, fig. 13 et 14), l'autre avec une fourche-bêche, tandis qu'un troisième le tire en le prenant par le tronc, près du collet. L'on peut aussi se servir de la grande pioche pour soulever le plant; on l'enfonce avec force jusque sous les racines par le côté du tranchant, et l'on fait une pesée en appuyant avec le pied droit sur le bout de l'autre côté; lorsqu'il n'y a que deux ouvriers employés à l'arrachage, l'emploi de la grande pioche est plus commode et plus expéditif. Il est impossible, dans cette opération, de ne pas briser quelques racines; mais ce plant n'ayant pas de pivot, ayant beaucoup de chevelu, et peu ou point de grosses racines, on ne pourra en briser qu'un très-petit nombre, et que vers les extrémités seulement; si pourtant, par exception, il se trouvait quelque racine un peu forte qui s'étendit au loin, on la tirerait à la main. En définitive, on obtiendra ainsi le plant avec tout son chevelu, avec une bonne motte de terre autour du collet et sans avoir brisé de racines de manière à nuire à sa reprise. La conservation d'une motte de terre autour du collet est utile, mais n'est point indispensable, et l'on ne peut laisser de la terre autour des racines du plant lorsqu'on l'expédie au loin.

Le plant se transporte de la pépinière au lieu où l'on doit le planter, dans un tombereau ou dans une charrette disposée ainsi que je l'ai dit précédemment; l'on ne doit en mettre qu'un seul rang, que l'on dispose verticalement la flèche en l'air. Lorsque l'on veut transporter une plus grande quantité de plant à la fois, on emploie une voiture dite guimbarde (2), qui sert ordinairement à rentrer les récoltes, et à laquelle on met des paillassons ou de la paille le long des ridelles, qu'on prolonge avec des gaules jusqu'aux cornes qui ferment la voiture. Pour charger cette voiture, on place une rangée de plants inclinés à environ 45 degrés, les racines appuyées contre le fond de la voiture; elle se trouve ainsi remplie jusqu'à la hauteur des ridelles qui dépassent les roues; puis on place successivement sur ce premier rang plusieurs rangées de plant horizontalement, les racines se joignant au centre de la voiture, les flèches en dehors; on finit par recouvrir de paille longue et par fixer le tout au moyen d'une liûre, ainsi qu'on le fait pour un chargement de foin ou de blé. J'ai placé ainsi sur une guimbarde 500 plants de pin sylvestre, de 1 mètre à 1,50 de haut, qui avaient encore conservé de la terre autour de leurs racines près du collet; cela faisait la charge de trois chevaux; peut-être n'aurait-on pu placer un aussi grand nombre de plants de sapin argenté sous un même volume, parce que les branches sont plus raides et s'écartent plus du tronc.

Si, par une cause quelconque, on ne plante pas tout de suite le plant qui est

(1) Cette grande pioche est employée aussi à défoncer les terres difficiles et aux défrichemens. (2) Cours de culture et de naturalisation des végétaux. Atlas, pl. 22, fig. 4.

chargé sur une voiture, ainsi que je viens de le dire, il pourra rester une couple de jours sur la voiture, s'il ne gèle point et qu'on la mette à l'abri; on pourrait aussi le déposer pendant quelques jours sous un hangar, en ayant soin de bien le couvrir de paille humide, s'il fait du hâle. Si, au contraire, on doit tarder plus longtemps pour le planter, on le placera dans une tranchée préparée d'avance en terre meuble, ayant au moins 1 mètre de large et 0,50 de profondeur; il y sera placé incliné par rapport à l'un des côtés de la tranchée sur lequel s'appuiera le tronc du plant, les racines se joignant, et l'on couvrira ces racines de terre : c'est ce que les pépiniéristes appellent mettre du plant en jauge.

Le plant étant rendu sur le terrain où on veut le planter, on pourra le prendre successivement dans le tombereau ou la petite voiture; mais si l'on veut le décharger tout de suite, on en fera plusieurs lots rapprochés des trous et l'on couvrira ses racines. La plantation de chaque plant s'exécutera ainsi qu'il suit : on mettra d'abord au fond du trou la terre du premier lot, qui est celle que l'on aura tirée de la partie supérieure du sol, et s'il s'y trouve des gazons, des mottes de joncs marins, de genêts, de bruyères, on les retournera et on les piétinera; on ajoutera ensuite assez de terre pour que le collet du plant, quand on le mettra dans le trou, se trouve à la hauteur du sol, absolument comme il était dans la pépinière. Si la terre la plus meuble se trouvait être parmi celle qui a été tirée de la partie supérieure du trou, on la réserverait néanmoins pour être mise sur les racines, car c'est là le soin le plus important.

Je suis dans l'habitude de faire attacher un brin de paille aux plants du côté du midi, avant de les faire arracher, afin de pouvoir les orienter quand on les plante; mais je n'oriente le plant qu'autant que je puis en même temps bien disposer les racines. Hartig (1) prescrit d'orienter les plants; Duhamel (2) pense que cela est sans importance; je pense, comme Duhamel, qu'il est peu important d'orienter le plant de pépinière, mais je crois utile d'orienter lorsque l'on plante des arbres beaucoup plus âgés, ce qui est un cas exceptionnel.

Le plant étant placé ainsi que je l'ai dit, on étalera les racines et l'on ploiera le long des côtés du trou celles qui seraient trop longues; puis on couvrira d'abord les racines avec de la terre bien émiée en soulevant et rabaissant trèsdoucement la tige, s'il est nécessaire, pour faire pénétrer cette terre entre les racines; on achèvera de remplir le trou avec ce qui restera du second lot de terre et avec celle du troisième lot. Ainsi, ordinairement la terre sera replacée dans les trous, dans un ordre opposé à celui dans lequel on l'avait tirée. On ne foulera point la terre que l'on met sur les racines, mais, quand la plantation sera terminée, on appuiera légèrement avec le pied autour du collet du plant. J'ai dit que le collet devait se trouver à la hauteur du sol; il en résultera, puisque les terres remuées occupent plus de place que les terres vierges, que le plant se trouvera d'abord un peu plus enterré qu'il ne l'était dans la pépinière, ce qui

(1) Baudrillart, d'après Hartig, Dictionnaire des eaux et forêts, t. II, p. 453. (2) Des semis et plantations des arbres et de leur culture, p. 205.

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