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CHAPITRE XIII.

RÉSUMÉ.

Dans le chapitre premier, j'ai fait sentir quels avantages la culture des arbres résineux conifères à grandes dimensions, de pleine terre dans les climats tempérés, peut offrir en France. J'ai indiqué ceux de ces arbres qui y sont cultivés en assez grande quantité et depuis assez longtemps pour que l'on puisse en parler avec détail; et ceux qui étant à grandes dimensions dans les pays où ils sont indigènes, sont de pleine terre sous le climat de Paris, mais dont on ne peut parler que sommairement, parce qu'ils n'y sont cultivés que depuis très-peu de temps. J'ai fait ressortir, par plusieurs exemples, la confusion qui règne dans la nomenclature et la synonymie des pins. J'ai décrit les caractères généraux des genres auxquels appartiennent les espèces dont je me suis occupé dans ce Traité. J'ai fait quelques observations également applicables à toutes ces espèces, ou qu'il était nécessaire de réunir en faisceau; ainsi, j'ai examiné quelle est l'influence de la latitude et de l'altitude sur leur végétation, quels sont leurs moyens de reproduction, et si l'on doit, quand on les abat, avoir égard aux phases de la lune, etc. J'ai prouvé, par quelques exemples, que des hommes, très-savans d'ailleurs, peuvent commettre de très-graves erreurs lorsqu'ils parlent des arbres à grandes dimensions, sans les avoir bien examinés de leurs yeux, dans les diverses phases de leur végétation.

J'ai consacré chacun des chapitres II, II, IV, V, VI, VII, VIII et IX à une espèce d'arbres résineux conifères dans l'ordre où je vais les nommer : le sapin argenté, le sapin picéa, le pin sylvestre, le pin maritime, le pin laricio, le pin du lord Weymouth, le mélèze et le cèdre du Liban.

Le sapin argenté est celui de ces huit espèces d'arbres dont on peut obtenir le revenu le plus élevé, sous le climat de Paris, sur une surface donnée, parce que c'est celui qui peut y produire la plus grande quantité de bois propre à différens services; il y aurait plutôt à ajouter qu'à retrancher, sous ce rapport, à ce que j'ai dit des sapinières. Mais tous les terrains dans lesquels ce sapin peut prospérer étant propres à la culture des céréales, on conçoit qu'on ne veuille pas légèrement se priver d'un revenu annuel, dans l'espérance d'un revenu à venir

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plus élevé dont on ne doit peut-être jamais jouir. Heureusement le sapin argenté a la propriété de résister à l'ombrage des taillis de bois feuillus; on peut donc créer une sapinière dans un de ces taillis, sans perdre beaucoup de son revenu, jusqu'au moment où l'on sera amplement dédommagé par le produit qu'on tirera de la sapinière. Les terres sur lesquelles le revenu qu'on peut tirer d'une sapinière dépasse le plus celui qu'on en tirerait en les cultivant en céréales, sont les terres argileuses propres à la culture du sapin argenté, et dont la culture en céréales est dispendieuse.

Le bois de sapin argenté dure assez longtemps dehors et très-longtemps à couvert; il est très-facile à travailler; il est propre à un grand nombre d'usages; il a le mérite de fournir des pièces des plus fortes dimensions, parfaitement droites et qui ne se tourmentent point. On obtient du sapin argenté un produit connu, dans le commerce, sous le nom de térébenthine de Strasbourg; l'extraction en est si difficile, que le gouvernement l'autorise, dans ses forêts, sans en tirer aucun bénéfice.

Les semis de sapin argenté ne réussissent pas en terrain découvert, parce que le plant a besoin d'ombrage pendant les premières années; ainsi l'on échoue si l'on sème la graine de cet arbre sur une terre découverte, préparée par des labours; on réussit au contraire, si on la sème dans des clairières des bois qui ne soient ni trop, ni trop peu ombragées. Les plantations avec du plant élevé en pépinière, ainsi que je l'ai indiqué, réussissent très-bien. On peut les exécuter depuis le mois d'octobre jusqu'au moment où part la sève l'année suivante; les plantations d'automne sont préférables à celles du printemps, et il est toujours utile de mettre sur ces plantations une couverture de feuilles ou d'autres matières; mais on peut fort bien s'en dispenser, et c'est ce que l'on fait quand on plante en grand ou que l'on n'a pas sous la main des matériaux pour couverture.

J'ai décrit avec beaucoup de soin, dans le chapitre II, tout ce qui est relatif à l'aménagement, à l'exploitation et à la reproduction des futaies de sapin argenté. Aussi, dans les chapitres suivans, consacrés chacun à une espèce, n'ai-je plus, sur ces matières, qu'à renvoyer à ce qui leur est applicable dans le chapitre II, sauf quelquefois à indiquer quelques légères modifications.

Il y a cinq modes d'exploitation, que je vais rappeler en peu de mots :

1o En jardinant, et il faut alors par des éclaircissages, par des élagages, par des nettoyages et en abattant les arbres les plus âgés, favoriser le repeuplement par le semis naturel, de manière à maintenir la sapinière bien vivante et meublée d'arbres de différens âges.

2o Par coupes rases, et il faut alors, par des éclaircissages successifs, ne conserver dans la sapinière qu'un certain nombre d'arbres convenablement espacés, et ayant tous à peu près la même hauteur. Lorsque le moment de l'exploitation est arrivé, on coupe la sapinière à blanc-étoc et on ne la repeuple que par la plantation, avec du plant de pépinière élevé d'avance, puisqu'on ne peut employer le semis, qui ne réussit pas sans ombrage sous le climat de Paris.

3o Par coupes rases par bandes étroites: pour ce mode d'exploitation, la sapi

nière ayant été préparée par des éclaircissages successifs, ainsi que je viens de le dire, lorsque le moment de l'exploiter est arrivé, on la divise en bandes de 30 mètres de large environ que l'on numérote; on coupe à blanc-étoc, les bandes impaires par exemple, dans une année d'abondance de cônes, après la chute des graines; si le plant de semis naturel n'a pas été assez abondant, on achève le repeuplement au moyen de la plantation ou du semis en potets. Quelques années après avoir coupé les bandes impaires, on coupe les bandes paires, également à blanc-étoc.

4° Par éclaircies: pour ce mode d'exploitation, la sapinière ayant été préparée par des éclaircissages successifs, ainsi que je l'ai dit, lorsque le moment de l'exploiter est arrivé, on la coupe à blanc-étoc, en trois fois, pour obtenir le repeuplement par le semis naturel. La première coupe, que l'on appelle coupe d'ensemencement, sera exécutée dans une année d'abondance de cônes, après la chute des graines; la seconde, que l'on appelle coupe claire, sera exécutée quelques années après, lorsque le plant aura environ 0m,32 de haut, et la troisième, qu'on appelle coupe définitive, quelques années après la seconde. Si le plant de semis naturel n'était pas assez abondant, on y suppléerait par la plantation ou par le şemis en potets.

5o Par la méthode mixte, qui consiste à maintenir la sapinière bien meublée de sapins de différens âges, comme dans l'exploitation en jardinant, et à faire tous les 25 à 35 ans une coupe rase de tous les sapins qui ont plus de 0,54 de circonférence à 1,30 au dessus du sol.

On peut employer partout le premier, le second et le cinquième mode d'exploitation avec certitude de réussir; mais il n'en est pas ainsi de l'exploitation par coupes rases par bandes étroites, ni de l'exploitation par éclaircies. L'administration forestière française commence à faire l'essai de ces deux derniers modes d'exploitation, qui n'avaient encore été employés qu'en Allemagne, depuis un petit nombre d'années et en quelques lieux seulement. Il est donc exact de dire qu'ils sont encore à l'état d'essai, particulièrement l'exploitation par éclaircies; et jusqu'à ce jour, quand on les a employés, le repeuplement par le semis naturel, but qu'on se propose d'atteindre, a toujours été incertain. On sait d'ailleurs déjà, par expérience, que ces deux modes d'exploitation sont impraticables, surtout le second, dans plusieurs parties des montagnes et sur quelques plateaux élevés; soit parce que les vents y renversent la futaie après la coupe d'ensemencement ou après la coupe claire, soit parce qu'on ne peut ainsi y obtenir de repeuplement par le semis naturel.

Le sapin argenté supporte l'élagage, et cette opération peut quelquefois être utile, mais elle doit être exécutée avec les précautions que j'ai indiquées.

Sous le climat de Paris, le sapin picéa ne supporte pas tout-à-fait aussi bien l'ombrage que le sapin argenté; il ne peut pas croître aussi serré, il n'a pas un accroissement aussi rapide, son tronc ne maintient pas aussi bien sa grosseur, il ne se reproduit pas aussi facilement par le semis naturel; enfin, je présume que son bois, qui est propre aux mêmes usages, ne vaut pas, sous ce climat,

celui du sapin argenté. Ainsi il lui est inférieur sous plusieurs rapports, et une sapinière de sapins picéas n'y présenterait pas, toutes choses égales d'ailleurs, les mêmes avantages qu'une sapinière de sapins argentés. Cette infériorité résulte sans doute de ce que le sapin argenté est indigène, tandis que l'autre ne l'est pas. On extrait facilement du sapin picéa de la résine dont on fait la poix de Bourgogne; on peut ainsi tirer parti de cet arbre dans les localités où il ne serait pas possible de l'exploiter, à cause de la difficulté des lieux, et dans celles où le bois serait sans valeur.

Ce que j'ai dit des semis et des plantations de sapin argenté est applicable au sapin picéa. Cet arbre est moins difficile sur le terrain que le sapin argenté; mais on ne pourrait pourtant le cultiver avec succès sur des terres siliceuses très-maigres, où l'on peut encore cultiver plusieurs espèces de pins, ni sur des terres trop calcaires. J'en ai vu qui avaient une végétation passable sur un sol où le sapin argenté restait rabougri. Cet arbre supporte plus difficilement l'élagage que le sapin argenté; ainsi, quand on veut l'élaguer, il ne faut lui couper qu'une demi-couronne au plus chaque année. Ce que j'ai dit de l'aménagement, de l'exploitation et de la reproduction des futaies de sapins argentés s'applique presque de tout point à celles de sapins picéas.

Le pin sylvestre, le pin maritime et le pin laricio présentent le très-grand avantage de pouvoir être cultivés sur des terrains siliceux si maigres, qu'on n'y peut cultiver avec succès ni céréales, ni bois feuillu. Le semis artificiel en grand de ces trois espèces de conifères réussit facilement et n'a pas besoin d'ombrage, ainsi il peut être exécuté sur un terrain préparé par des labours ou dans des potets.

Le pin sylvestre ne peut être cultivé sur des sables aussi arides que ceux sur lesquels on peut encore cultiver le pin maritime, mais il acquiert de plus belles dimensions que lui sous le climat de Paris. Son bois, d'excellente qualité, et supérieur à celui des sapins dont je viens de parler, est, dit-on, propre à tous les .usages auxquels on emploie le chêne, et il est le meilleur que l'on connaisse pour la mâture. Le pin sylvestre est, jusqu'à ce moment, le seul des arbres résineux conifères que l'on soit parvenu à cultiver sur les terrains crayeux de la Champagne, et lorsque la terre a été recouverte par une couche de terreau provenant du détritus de ses feuilles, il s'y reproduit par le semis naturel; il est aussi le seul de ces arbres que l'on ait exploité en taillis pour en obtenir du bois de chauffage ou de la litière. Il serait possible que d'autres de ses congénères pussent être exploités de la même manière, mais il n'est pas venu à ma connaissance que l'expérience en ait été faite.

Les semis de pin sylvestre réussissent bien en terrain découvert, et par conséquent sur des terrains préparés par des labours; mais pourtant moins bien que ceux de pin maritime et que ceux de pin laricio; les plantations de cet arbre réussissent au contraire mieux que celles de ces deux derniers pins. Les plantations d'automne sont préférables à celles du printemps; il est utile de leur mettre une couverture, mais on ne peut prendre cette précaution quand on fait de grandes

plantations; je ne l'ai jamais fait, et j'ai bien réussi. Le pin sylvestre est, je crois, celui des arbres dont je me suis occupé, qui supporte le mieux l'élagage, ce qui n'empêche pas qu'il ne faille exécuter cette opération avec beaucoup de ménagement, comme pour tous les arbres résineux.

Le meilleur mode d'aménagement, d'exploitation et de reproduction pour les futaies de pins sylvestres, est de les éclaircir successivement, afin d'obtenir un massif où tous les arbres, convenablement espacés, soient à peu près de la même hauteur. On fait une coupe rase de la pinière, quand le moment de l'exploitation est arrivé, et l'on repeuple l'emplacement où elle se trouvait par le semis sur labour ou par le semis en potets. On peut aussi repeupler une futaie de pins sylvestres qu'on vient d'exploiter, ainsi que je viens de le dire, au moyen de la plantation, le plant de pépinière de cette essence reprenant trèsfacilement.

Le pin maritime peut être cultivé sur des sables quartzeux si arides, qu'il n'y peut végéter aucune autre plante utile indigène, ligneuse ou herbacée; on peut ainsi tirer un revenu important de terrains qui n'en produisaient aucun. Le bois de cet arbre est d'ailleurs de médiocre qualité, à moins qu'il n'ait été gemmé. Le gemmage, qui ne se pratique encore que dans le Midi, nuit à la végétation; mais on est dédommagé par la récolte de résine, et parce que le bois qui a été gemmé est beaucoup meilleur pour les constructions que celui qui ne l'a pas été.

Les semis de pin maritime sont ceux qui réussissent le mieux; ils ne manquent jamais quand ils ont été exécutés, ainsi que je l'ai indiqué, avec de bonne graine, sur un terrain convenable. Les plantations de cet arbre sont, au contraire, celles qui reprennent le plus difficilement, à moins que le plant ne soit encore herbacé, parce que ce plant a peu de chevelu et que sa tête est chargée de branches; néanmoins, si l'on se conforme, pour élever le plant en pépinière et pour sa plantation, à ce que j'ai prescrit, chap. XI, art. V, on réussira presque toujours. Les plantations d'automne avec une couverture sont préférables à celles du printemps; sans couverture, je préférerais planter au printemps. Ce que je viens de dire du meilleur mode d'aménagement, d'exploitation et de reproduction pour les futaies de pins sylvestres, s'applique aux futaies de pins maritimes; mais avec cette différence qu'on ne doit employer, pour repeupler ces dernières futaies, que le semis, qui réussit très-facilement, et non la plantation, par les raisons que je viens de donner.

Le pin laricio peut être cultivé sur tous les terrains siliceux où l'on peut cultiver le pin sylvestre; il réussit aussi dans les terrains calcaires, tandis que le pin maritime n'y réussit jamais; il ne pourrait pourtant être cultivé avec succès dans les craies, comme peut l'être le pin sylvestre. Le tronc de cet arbre se maintient droit, même lorsqu'il croît isolé. On ne peut dire encore de quelle qualité sera son bois sous le climat de Paris; en Corse, on l'emploie à la menuiserie et comme bois d'œuvre; le gouvernement s'en sert, à Toulon, pour les constructions de la marine. Les semis de pin laricio m'ont paru réussir mieux

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