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que dans d'autres on trouve à vendre toute espèce de marchandise, depuis l'humble perche à houblon et gaule à fil, jusqu'aux plus belles pièces de charpente, et c'est des localités qui se trouvent dans ce dernier cas que je m'occupe actuellement, ainsi que je l'ai dit. Il va sans dire que l'on doit continuer à éclaircir la futaie, quand il est nécessaire, comme on le ferait avant qu'elle eût l'âge auquel a commencé l'exploitation en jardinant à proprement parler. Sous le climat de Paris, dans une sapinière aménagée ainsi que je viens de l'indiquer, un certain nombre de sapins argentés atteindront à 60 ans la grosseur nécessaire pour que l'on puisse en tirer de la planche, et la circonférence de quelques-uns d'entre eux aura dépassé 1,60. Je pense que dans les circonstances favorables dont j'ai fait la supposition, on aura intérêt à ne jamais laisser les arbres de la sapinière dépasser 70 à 80 ans, et il y en aura qui à 75 ans auront plus de 2 mètres de circonférence. La sapinière devra contenir par hectare environ 200 arbres ayant de 60 à 70 ans, et il faudra en abattre environ trois par an l'un dans l'autre; on continuera en outre à abattre des arbres de différens âges, lorsqu'on le jugera utile, de manière à maintenir la sapinière suffisamment meublée d'arbres de tous âges et bien vivante.

Dans une sapinière située sur un terrain très-favorable à la production du sapin, ces trois arbres auront en moyenne 1,80 de circonférence à 1 mètre au dessus du sol, et 22 à 23 mètres de haut. En supposant même qu'il n'y ait que 16 mètres du tronc propres à être employés pour bois d'oeuvre, cette partie de l'arbre contiendrait environ 1,85 cube, ce qui, au prix de 31 fr. le mètre cube vendu en gros, d'après le cours du pays que j'habite, produirait 57 fr. 35 c., ou 172 fr. 5 c. de revenu net annuel par hectare; car les éclaircissages produiraient d'ailleurs assez, je crois, pour payer les impôts et les frais de garde. Et cette évaluation est loin d'être exagérée, puisque les bois de sapin argenté de cet échantillon se paient plus de 31 fr. le mètre cube, et que je n'ai tenu compte ni de 6 mètres qui restent du tronc, ni des branches, supposant qu'on ferait cet avantage au marchand qui achèterait en gros. On voit quelle énorme différence il y a entre le revenu qu'on peut tirer d'une sapinière et le revenu qu'on tire ordinairement de la même terre par la culture des céréales, surtout lorsque cette terre, étant très-propre à la culture du sapin, est peu favorable à celle des céréales, comme il s'en trouve dans les environs de Laigle. M. Noirot dit (1) « que l'on coupe annuellement dans les forêts de sapins ar» gentés du Jura trois sapins au moins et quatre au plus par hectare de la gros»seur moyenne de 2 mètres, de l'âge de 60 à, 130 ans et d'une valeur moyenne » de 20 fr.»; mais on a vu, par ce que j'ai dit plus haut, que ces arbres auraient une valeur beaucoup plus grande dans la localité que j'habite. Leur circonférence ayant été prise au gros bout après l'abattage, ils ne devaient pas avoir beaucoup plus de 1,80 à un mètre au dessus du sol. Dralet (2), après avoir dit

(1) Traité de la culture des forêts, p. 162.

(2) Traité des forêts d'arbres résineux, p. 142.

que toutes les futaies de sapins argentés de l'Etat sont exploitées en jardinant, et que la plupart l'ont été on ne peut plus mal, cite quatre forêts dans les départemens de la Loire, de l'Aude et des Pyrénées-Orientales qui ont été mieux exploitées; il dit qu'elles contiennent 2,700 hectares, et donnent un revenu annuel de 194,500 fr. ou 72 fr. par hectare, tandis que la masse des forêts de toute espèce appartenant à l'Etat produit à peine 15 fr. l'hectare. L'exploitation de ces forêts en jardinant n'était probablement point encore aussi bien exécutée quelle aurait pu l'être, et le bois d'œuvre y était sans doute moins cher alors qu'il ne l'est aujourd'hui dans la localité que j'habite; tout le terrain n'y est d'ailleurs pas de première qualité pour la production du sapin.

Pour donner une idée du capital que représente une sapinière exploitée en jardinant, je rapporterai ce que dit M. Noirot d'un hectare de la sapinière de la commune de Riquervich, exploitée jusqu'alors (1832) en jardinant, et que l'on allait soumettre à la méthode allemande des éclaircies. « Nous avons essayé, dit-il (1), de compter les arbres dans un hectare de cette sapinière. Il y en a » environ 1,400 qui valent chacun 15 fr., terme moyen, ce qui donne une valeur » de 21,000 fr. par hectare en calculant sur 75 c. le pied cube (métrique). » Dans la localité que j'habite, le pied cube métrique de bois d'œuvre de belles dimensions vaudrait 1 fr. 15 c. Je suis d'ailleurs disposé à croire qu'une partie de ces sapins n'avaient pas des dimensions telles qu'on pût les estimer 15 fr. en inoyenne dans la localité où il se trouvent. Quoi qu'il en soit, je souhaite que la méthode des éclaircies conserve à cet hectare l'état de prospérité dans lequel il se trouvait lorsque la méthode du jardinage le lui a livré.

Il est quelquefois nécessaire de faire ébrancher les sapins sur pied, jusqu'à une grande hauteur, avant de les abattre, quand ils ne sont pas situés près d'une allée ou d'une clairière où l'on puisse les faire tomber; sans cette précaution is briseraient beaucoup de jeunes sapins en tombant. On emploiera pour cet ébranchage la serpe dont j'ai déjà parlé, qui sera portée en ceinture derrière la hanche droite, suspendue à un crochet fixé à une lanière en cuir (Pl. VI, fig. 2 et 3). Il serait préférable sans doute de commencer l'élagage des arbres sur pied par les branches les plus rapprochées de la terre, ainsi que le conseille M. Lorentz (2); mais comme cette opération déjà dangereuse pour les élagueurs, le deviendrait alors beaucoup plus, qu'elle serait plus longue et en quelque sorte impraticable, on commencera l'élagage par le haut de l'arbre; les branches causeront encore moins de dommage en tombant que si l'on eût élagué l'arbre après sa chute, parce qu'elles occuperont moins d'espace. Le branchage doit, dans tous les cas, être disposé en bourrées, et les bourrées placées le long des chemins le plus promptement qu'il sera possible.

Avant que d'abattre un sapin on ploie les très-jeunes sapins qui se trouveraient sur l'emplacement où il doit tomber et on les fixe dans cette position

(1) Traité de la culture des forêts, p. 285.

(2) Cours élémentaire de culture des bois, p. 183.

avec une petite fourche, faite sur le lieu même, ou en les attachant à un autre petit sapin ou à un brin de bois du taillis. On ne doit abattre que par un temps calme. Cette opération est exécutée avec la cognée (Pl. VI, fig. 5 et 6) et par deux

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bûcherons; ils font à l'arbre deux entailles opposées rez terre, dont l'une est du côté où ils veulent faire tomber l'arbre et l'autre du côté opposé; mais il est ordinairement nécessaire, particulièrement pour l'abattage des arbres de fortes dimensions, de commencer par faire quatre entailles, ce qu'on appelle cueillir les

racines, et l'on finit toujours par se fixer aux entailles qui se trouvent dans la direction où doit tomber l'arbre. Lorsqu'il ne tient presque plus à la souche, l'un des bûcherons le pousse dans la direction où l'on veut le faire tomber, soit avec la main, soit avec sa hache qu'il pique dans l'arbre, pour augmenter le bras de levier, à la hauteur de cinq pieds environ, tandis que l'autre donne les derniers coups de hache pour déterminer la chute. Avec ces précautions deux bûcherons habiles, par un temps calme, pourront presque toujours faire tomber l'arbre où ils voudront, à quelques pouces près.

Si l'on veut apporter encore plus de soin à cette opération, on se procurera une échelle légère, quoique solide (Pl. VI, fig. 7), d'une largeur de 0,32 entre les montans et de 4 mètres de long; le dernier échelon de cette échelle serà en fer carré, sera arrêté solidement à l'extérieur par une tête d'un côté et un écrou de l'autre, et ne se trouvera qu'à 0,12 de l'extrémité des montans, qui seront garnis de pointes en fer solidement fixées. Quand l'arbre sera près de sa chute, l'un des bûcherons le poussera en fixant le barreau du haut de l'échelle contre cet arbre sous une branche ou sous un nœud, s'il est possible, ou en enfonçant la pointe d'un des montans dans l'arbre; si l'arbre a un diamètre plus fort que l'intervalle compris entre les montans de l'échelle, les pointes s'engageront dans le bois. On peut enfin, et cela est préférable, employer à cet abattage trois ouvriers; il y en aura alors deux qui pousseront l'échelle au moment de la chute quand il sera nécessaire. L'emploi de l'échelle est particulièrement utile si l'on abat par un temps qui ne soit pas calme, et si les arbres penchent ou sont chargés de branches du côté où l'on ne veut pas qu'ils tombent.

Ordinairement tous les arbres de la futaie doivent être abattus à la cognée, parce que cela est plus prompt et qu'on les fait tomber ainsi à peu près exactement où l'on veut; et je répèterai qu'ils doivent être abattus rez terre, parce que s'il en était autrement, les bostriches, qui préfèrent au bois vif les bois tarés et les chablis, pourraient s'établir entre le bois et l'écorce, et causer, par leur propagation, de grands ravages, ainsi que je le dirai plus loin.

Mais pour les arbres propres à faire de la planche, s'il est possible de les faire tomber sans causer de dégât, par exemple, lorsque ce sont des arbres d'allées ou de bordures, et que le prix du bois d'œuvre soit élevé, il y aura toujours de l'avantage à les déraciner. On y gagnera la souche, et de 0,20 à 0,50 et au delà de longueur du tronc, selon le diamètre des arbres, dans la partie où le tronc a le plus de valeur. Pour que cette opération puisse s'exécuter avec toute la promptitude dont elle est susceptible, il faut au moins trois ouvriers, dont l'un doit pouvoir monter dans les sapins pour les ébrancher, s'il est nécessaire, et pour attacher un grand câble avec lequel les trois ouvriers tirent ensuite l'arbre, avant même que l'on ait coupé toutes ses racines. Si l'on n'a pas de câble, l'opération sera plus longue; on poussera l'arbre à la main et avec une échelle, ainsi que je l'ai dit, mais on n'a pas alors la même chance pour le faire tomber où l'on veut. Lorsqu'on abat à la hache, les souches se pourrissent promptement, et l'avidité avec laquelle les racines des jeunes sapins envahissent l'emplacement où

se trouvent ces souches prouve que le terreau provenant de leur décomposition convient parfaitement à la végétation de ces arbres. Il arrive pourtant quelquefois que la souche du sapin ne pourrit qu'à l'intérieur, qu'il se forme de nouvelles couches ligneuses régulières, et qu'elle se couvre d'un bourrelet d'écorce. Le sapin argenté est, je crois, le seul des arbres dont je m'occupe dans ce Traité qui présente ce phénomène. Lorsqu'une souche végète ainsi, c'est que l'une de ses principales racines est greffée par approche avec la racine d'un sapin de son voisinage. Il ne me paraît d'ailleurs pas possible d'expliquer cette formation régulière de couches ligneuses, sans formations de bourgeons ni de feuilles, par les principes des botanistes.

Je ferai observer relativement à l'ébranchage sur pied, sans lequel les sapins causeraient souvent beaucoup de dégâts en tombant, que les marchands qui achèteront les sapins sur pied, en ébrancheront ainsi le moins qu'ils pourront, parce qu'il est plus prompt de ne couper les branches que quand l'arbre est à bas; et parce que, en tombant, les arbres ébranchés sur pied se cassent quelquefois vers la partie où l'on a cessé d'ébrancher, ce qui n'arrive, pour ainsi dire, jamais aux arbres qui n'ont point été ébranchés avant que d'être abattus. Aussitôt que les arbres seront abattus, on achèvera de les ébrancher et l'on dégagera les jeunes sapins qu'on aura ployés par précaution, ou qui auraient été ployés par ceux que l'on a abattus. S'ils ont brisé des sapins en tombant, ce qui arrive rarement lorsqu'on prend les précautions que je viens d'indiquer, ces sapins reformeront des flèches s'ils sont jeunes et vigoureux. Il est d'ailleurs rigoureusement exact de dire que dans les endroits où il y a surabondance de plant et de jeunes sapins, ceux que l'on abat ne causent souvent, pour ainsi dire, aucun dommage en en brisant quelques-uns.

L'équarrissage s'exécute sur le lieu même où l'arbre a été abattu, s'il est possible; relativement au sciage de la planche, quand il n'y a pas de scieries, les charpentiers trouvent plus d'avantage à transporter à leur atelier les pelotes qu'ils convertissent en planches, que leur atelier près de chaque pelote, du moins dans une certaine étendue. On transporte ensuite les diverses espèces de marchandises sur le bord des allées; on les classe par échantillons et on les étiquette avec de la pierre noire ou rouge.

Les soins à prendre pour la reproduction consistent dans les éclaircissages successifs, dans les élagages, et dans la coupe de ce taillis d'essence feuillue et des arbustes, qui se trouvent toujours dans les sapinières exploitées en jardinant; cette coupe doit se répéter tous les neuf ans au moins : dans la sapinière de Raveton, le dessous se coupe tous les six ou sept ans. Le dessous des sapinières exploitées en jardinant présente d'ailleurs une composition différente selon le climat et la nature du terrain; j'ai fait connaître, pages 53 et 54, quelle est cette composition en Normandie et dans les montagnes des Pyrénées. Dans une sapinière déjà ancienne, on doit conserver, par exception, pour porte-graines des sapins qui auraient dépassé leur maturité, s'il n'y a pas de porte-graines dans le voisinage; on doit les conserver aussi s'ils occupent une clairière, et s'ils sont

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