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j'ai prescrits, il arrivera encore trop souvent qu'on sera obligé de procéder au repeuplement par le semis artificiel ou la plantation.

L'exploitation par éclaircies est, ainsi que l'exploitation par coupes rases par bandes étroites, impraticable dans quelques montagnes exposées à des vents violens et à des froids rigoureux; les années d'abondance de cônes y sont d'ailleurs plus rares; il faut donc y employer l'exploitation par bandes permanentes, ou le jardinage, ou enfin la méthode mixte, que je décrirai après celle dont je m'occupe actuellement.

Le grand avantage qu'on se propose d'obtenir en employant l'exploitation par éclaircies dont je viens de parler, est le repeuplement au moyen du semis naturel; mais il est incertain que l'on puisse atteindre ce résultat. En effet, il peut arriver que la coupe d'ensemencement soit trop claire, et qu'il pousse assez d'herbes et de plantes pour empêcher la graine de lever ou pour étouffer le jeune plant; il peut arriver encore qu'elle soit trop sombre et que le jeune plant meure parce qu'il est trop ombragé. Une circonstance fâcheuse se présente aussi assez souvent après que le plant a bien levé : on voit disparaître le jeune plant l'année suivante sur quelques points, tandis qu'il prospère sur d'autres, ce qui tient quelquefois à ce que des insectes mangent les feuilles séminales, ainsi que je l'ai éprouvé.

Lorsque le plant n'a pas levé, ou qu'il a péri par une cause quelconque, si l'on veut attendre une nouvelle année de cônes, on aura moins de chances encore que la première fois d'obtenir du semis naturel en quantité suffisante; si l'on veut exécuter des semis artificiels, cela ne sera pas toujours possible, parce qu'on ne peut se procurer de la graine que dans les années d'abondance et qu'une grande partie ou la totalité de cette graine a déjà perdu sa faculté germinative la seconde année; il faudra donc alors avoir recours à la plantation, qui n'est sûre qu'avec du plant de pépinière, et l'on ne peut s'en procurer, du moins en quantité suffisante, qu'en l'élevant soi-même. Des retards dans le repeuplement peuvent d'ailleurs causer de grandes pertes; ainsi, par exemple, un retard de huit ans dans une sapinière exploitée à 80 ans enlèvera un dixième du revenu, et la terre aura perdu cette fécondité extraordinaire qu'on lui remarque toujours immédiatement après qu'on a abattu une futaie, ce qui sera très-nuisible à la jeune sapinière. Mais, lors même que le semis naturel réussirait à souhait, la futaie serait toujours exposée aux ravages des vents pendant le temps qui s'écoulera entre la coupe claire et la coupe définitive; et à tel point que ce mode d'exploitation serait impraticable dans beaucoup de lieux exposés à de violens coups de vent, particulièrement dans les montagnes et sur les plateaux élevés. Je rapporterai à ce sujet ce qui fut dit dans le congrès forestier tenu à Bade. en mai 1844, congrès dont j'ai déjà parlé page 69. Il fut reconnu, par suite d'observations faites dans les sapinières de diverses parties de l'Allemagne, que les coupes d'ensemencement, exécutées d'après la théorie des éclaircies nouvellement mises en pratique, étaient loin de produire toujours les résultats qu'on en attendait; qu'à la vérité les jeunes plants y levaient ordinairement avec abondance,

mais qu'après la première ou la seconde année on les voyait souvent disparaître. sans qu'aucune circonstance particulière pût expliquer pourquoi; on attribuait cette mortalité du plant à ce qu'il lui fallait encore plus de lumière deux ans après sa naissance qu'on ne lui en accordait. Il fut donc proposé de faire les coupes d'ensemencement plus claires que par le passé, et de procéder à l'exploitation de la coupe claire deux ou trois ans après, sauf les exceptions que demandaient des expositions chaudes. Cette proposition parut d'abord obtenir l'assentiment de la plus grande partie de l'assemblée, et l'on parla même de substituer à l'exploitation par éclaircies l'exploitation par bandes, fort pratiquée en Allemagne pour le sapin picéa; mais cette dernière proposition ne fut point accueillie.

U fut en définitive décidé qu'il ne fallait apporter aucune modification à ce qui se pratiquait pour la coupe d'ensemencement; et que, quoiqu'il parût probable, en ce qui concernait la coupe claire, qu'il serait préférable de la rapprocher de la coupe d'ensemencement, il était pourtant prudent de ne prendre à ce sujet aucune décision jusqu'à ce qu'un plus grand nombre d'observations et d'expériences eussent fixé l'opinion des forestiers à cet égard.

La cause à laquelle on attribuait la mortalité du plant ne me semble d'ailleurs pas prouvée, puisque cette mortalité était irrégulière, et que je me suis assuré que le plant de sapin argenté est quelquefois détruit en totalité ou en partie par des insectes. Quoi qu'il en soit, si l'on exécutait la coupe claire deux ans seulement après la coupe d'ensemencement, il y a des terrains où le plant serait étouffé par les plantes et arbustes qui naîtraient alors, et l'on exposerait ce jeune plant à l'action des gelées tardives du printemps.

Le mode d'exploitation par éclaircies n'ayant guère encore été employé qu'en Allemagne, que depuis un petit nombre d'années et pas généralement, on devait s'attendre que les opinions seraient d'abord différentes sur le mérite de ce genre d'exploitation; c'est aussi ce qui est arrivé, et l'on n'est pas encore entièrement fixé. Néanmoins on tombe d'accord que le repeuplement au moyen du semis naturel, qui est le grand avantage que l'on se propose d'obtenir, est incertain; que dans les lieux soumis à de violens coups de vent, surtout lorsque le sol étant peu profond les arbres sont mal enracinés, ce mode d'exploitation est impraticable, parce que les vents rasent alors des parties entières de futaies; qu'enfin, dans les montagnes à une certaine hauteur, même dans les parties abritées, cette méthode est aussi en quelque sorte impraticable, parce que les années d'abondance de cônes ne s'y présentent que de loin en loin. Ajoutons que ce mode d'exploitation pourrait réussir en Allemagne et dans les climats analogues, et échouer ailleurs, par exemple dans le midi de la France. On trouvera dans le chapitre suivant un remarquable exemple de l'insuccès de cette méthode que l'on avait appliquée aux futaies de sapins picéas du Riesengebirge, chaîne de montagnes qui se trouve sur les frontières de la Silésie et de la Bohême. On conclura de tout ce que je viens de dire de l'exploitation par éclaircies, que ce mode d'exploitation n'est autre chose qu'un tâtonnement pour obtenir en assez grande quantité du plant de semis naturel en abattant les arbres à trois

reprises différentes; et cela, parce qu'on sait qu'en faisant une coupe rase à blancétoc, la futaie se trouverait détruite ou réduite au plus triste état. Mais le climat, le terrain, l'exposition, la nature des essences, apportent de telles différences dans la manière dont ce genre d'exploitation doit être conduit, qu'il ne me paraît pas sans danger de prescrire rigoureusement de quelle manière doivent être exécutées la coupe d'ensemencement, la coupe claire et la coupe définitive. Je préférerais donc me borner à l'instruction suivante.

Lorsque l'on voudra exploiter une futaie de sapins argentés à l'état serré, dans laquelle il ne se trouve par conséquent de recru qu'en quantité insuffisante, et si l'on désire pourtant la repeupler en même essence au moyen du semis naturel, en employant le mode d'exploitation par éclaircies; on ne fera pas de coupes rases, on abattra la coupe que l'on veut exploiter en trois fois, en se conformant à ce qui vient d'être dit. Mais en ce qui concerne le nombre d'arbres que l'on abattra dans chacune des trois coupes partielles, et l'intervalle de temps qu'il y aura entre elles, chaque localité établira sa règle basée sur l'expérience.

Il me reste à parler de l'exploitation par la méthode mixte; elle tient de l'exploitation en jardinant et de l'exploitation par coupes rases. Je supposerai que la sapinière dont je vais m'occuper a été nouvellement créée, et qu'elle ne contient, par conséquent, que de jeunes sapins d'âges peu différens, dont elle est bien garuie. On la traitera absolument de la même manière que si elle était destinée à être exploitée en jardinant, jusqu'à l'âge où commencerait, à proprement parler, cette exploitation, c'est-à-dire jusqu'à ce que les sapins les plus âgés aient atteint de 70 à 80 ans. A cette époque la sapinière devra être garnie de sapins de tous âges; mais on y aura maintenu les arbres un peu plus serrés que si l'on voulait l'exploiter en jardinant, et il faudrait l'éclaircir encore, si l'on ne se décidait à l'exploiter ainsi que je vais le dire.

Une coupe ayant atteint l'âge auquel on jugera avantageux de l'exploiter, on abattra tous les sapins qui auront plus de 0,54 de circonférence à 1",30 au dessus du sol, en prenant toutes les précautions que j'ai précédemment indiquées. Les arbres de 0,54 de circonférence, d'une végétation ordinaire et qui n'ont éprouvé aucun obstacle dans leur accroissement, ont ordinairement environ 40 ans; mais s'ils ont été retardés dans leur jeunesse par l'ombrage et le défaut d'espace, ce qui arrive fréquemment dans les sapinières, une partie d'entre eux seront d'âge à donner du semis naturel efficace, et il s'en trouvera presque tonjours assez dans ce cas. On doit d'ailleurs conserver quelques porte-graines que l'on abat plus tard. Avec ce genre d'exploitation on fait du chevron, des échelles, de la solive, du bois de charpente et de la planche; ainsi on ne pourrait l'employer dans les localités où l'on ne trouve à vendre que le bois de charpente de fortes dimensions et la planche.

Il serait préjudiciable aux intérêts du propriétaire d'abattre pendant cette exploitation des arbres plus petits que ceux qui ont 0,54 de circonférence à 1,30 au dessus du sol. Ces arbres pouvant avoir une valeur décuple vingt ans plus tard, on ne doit le faire qu'entre deux exploitations quand il y a nécessité

pour éclaircir. Il faut au contraire, si l'on croit pouvoir le faire, réserver quelques arbres qui auraient dépassé cette dimension et qui seront désignés parmi ceux qui auront la plus belle végétation, afin d'avoir à l'exploitation suivante un petit nombre d'arbres d'une dimension beaucoup plus forte, ce qui peut être avantageux; ce sont d'ailleurs ces arbres de la plus belle végétation, qui procurent le plus de bénéfice lorsqu'on les attend.

Pendant les premières années qui suivent l'exploitation, les sapins de différens âges que l'on aura conservés, ayant obtenu de l'espace et de la lumière, auront une végétation magnifique; on en remarquera qui avaient perdu presque toutes leurs branches, et par conséquent presque toutes leurs feuilles; qui n'en avaient conservé que vers le haut de leur tige, et étaient restés stationnaires pendant de longues années; et qui pourtant, après avoir reformé des branches et une flèche au moyen de boutons adventifs, auront quelquefois, à la quatrième sève après l'exploitation, des flèches de plus de 0,65.de long.

Au bout de dix années environ après l'exploitation, il faudra recommencer à éclaircir et continuer les éclaircissages quand il sera nécessaire; et de 25 à 35 ans après l'exploitation, plus ou moins selon la nature des terrains et l'état de la coupe, on en recommencera une nouvelle entièrement semblable à celle que je viens de décrire.

Ce genre d'exploitation est en usage dans une partie des sapinières des environs de Laigle, et c'est celle que l'on suit dans la sapinière de Raveton. Je n'ai point de données d'expériences assez précises pour pouvoir me permettre d'évaluer le revenu que l'on tirera de chaque hectare en suivant ce mode d'exploitation, ainsi que je l'ai fait pour les autres modes; mais les recherches auxquelles je me suis livré à ce sujet me font présumer qu'en en tirera au moins autant de revenu que par le jardinage. Ce mode d'exploitation présente d'ailleurs l'avantage, lorsque les futaies de sapins argentés sont d'une grande étendue, que la surveillance de l'exploitation est plus facile que lorsqu'on exploite en jardinant, et que les arbres ayant crù dans une situation un peu plus serrée, sont moins branchus et conservent mieux leur grosseur.

Récapitulons sommairement les avantages et les inconvéniens des cinq modes d'exploitation que je viens de décrire.

L'exploitation par coupes rases en repeuplant la sapinière au moyen de la plantation, n'a peut-être jamais été employée sur une grande échelle que dans la futaie de sapins picéas de l'abbaye de Vallombreuse, dont j'ai parlé page 87; cependant ce mode de reproduction me paraît présenter des avantages incontestables. En effet, si l'on emploie du plant de pépinière élevé avec soin, arraché et planté de même, il n'en manquera pour ainsi dire point, et les sapins seront tous de même âge; ils auront une végétation aussi active, et acquerront d'aussi belles dimensions que s'ils étaient provenus de semis naturel; on gagne ainsi dix années qu'il aurait fallu au semis naturel pour atteindre aux dimensions qu'a le plant, en supposant que ce semis naturel n'eût éprouvé aucun retard dans sa naissance et dans sa végétation. Ces avantages sont une compen

sation plus que suffisante des dépenses qu'entraine ce mode de reproduction; néanmoins, il sera difficilement adopté à cause de la précaution qu'il faut prendre d'élever une pépinière, plusieurs années avant l'exploitation, et des avances qu'il force à faire.

L'exploitation par coupes rases par bandes étroites et l'exploitation par éclaircies, ont pour but de repeupler la sapinière au moyen du semis naturel; mais on a vu que dans plusieurs situations on ne peut obtenir ce résultat et que toujours il est incertain qu'on l'obtienne, du moins complètement, surtout par le second mode d'exploitation. On a vu qu'il faut souvent, lorsque le repeuplement n'a pas réussi, ou n'a réussi qu'en partie, avoir recours au semis artificiel, qui est lui-même incertain, ou à la plantation, et qu'il est rare qu'on puisse se procurer de la graine et du plant, du moins en quantité suffisante. L'exploitation par éclaircies est plus gênante et plus coûteuse que l'exploitation par coupes rases à blanc-étoc; la compensation est, dit-on, un repeuplement par le semis naturel, mais on n'est pas entièrement fixé sur les circonstances où ce mode d'exploitation est praticable et sur celles où il ne l'est pas; on ne l'est pas davantage sur les chances que l'on a d'obtenir le repeuplement dans les circonstances où on le juge applicable: il faut donc attendre encore pour se prononcer sur ce mode d'exploitation.

Dans les exploitations en jardinant et par la méthode mixte, conduites avec soin et intelligence, le repeuplement se fait régulièrement et avec certitude; ces deux exploitations sont praticables dans toutes les situations, et l'on peut facilement passer de ces modes d'exploitation aux trois autres, en abattant les arbres trop âgés et les arbres trop jeunes, pour ne conserver que des arbres qui soient à peu près de mêmes dimensions; quinze ans environ suffisent pour cette transformation: tels sont les avantages de ces deux modes d'exploitation. Les inconvéniens sont qu'on n'obtient pas ainsi une aussi grande quantité de bois et d'une aussi bonne qualité, pour bois d'œuvre, que par les trois autres modes; que, si l'on en excepte les futaies de sapins argentés d'une petite étendue, la surveillance de ces deux modes d'exploitation, et de l'aménagement qui en est la conséquence, est difficile; enfin que les vents, dans quelques localités, exercent des ravages dans les futaies exploitées ainsi.

On conclura de ce qui précède que l'on peut employer partout l'exploitation en jardinant, l'exploitation par la méthode mixte et l'exploitation par coupes rases, en renouvelant la sapinière par le moyen de la plantation; mais que si l'on emploie l'exploitation par bandes ou par éclaircies, dans lesquelles on se propose de renouveler la sapinière par le semis naturel, la réussite est incertaine, et qu'il est indispensable d'avoir alors du plant à sa disposition pour suppléer, par les plantations, au défaut de réussite du semis naturel ou à son insuffisance: il est d'ailleurs exact de dire que les forestiers ne sont pas encore fixés sur ces deux derniers modes d'exploitation, particulièrement sur l'exploitation par éclaircies.

Les exploitations par coupes rases, par coupes rases par bandes étroites, et par

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