CHAPITRE CXXIV. ―――――― - Basques. Berret. MIRANDE. DÉPART d'Auch. · Capulet. GNÈRES. Promenades. - Bains Jeu. - (1) Suprà, p. 469, note 3. 477 La descente d'Auch par le chemin qui conduit à Tarbes, est extrêmement rapide. On relaye dans un petit endroit appelé Vicnau, puis à Mirande, petite ville assez bien percée. Au milieu est une place à laquelle aboutissent quatre grandes rues, et d'où l'on voit les quatre portes. Cette ville a été bâtie, vers la fin du XIII. siècle, par les moines de Berdoues, qui en étoient voisins (1): c'est aujourd'hui le siége d'une sous-préfecture. Elle est entourée de vignobles; on y fait et on y vend une grande quantité d'eau-de-vie. Elle est située sur la Bayse de devant, qui, comme plusieurs autres petites rivières de cette contrée, prend sa source dans la lande de Pinas, au département des Hautes-Pyrénées, et, après avoir traversé le département du Gers, entre au-dessous de Condom dans celui de Lot-et-Garonne. La route traverse une succession continuelle de petites montagnes : ainsi on ne peut avancer beaucoup. Nous commençâmes à rencontrer des voituriers basques : ils sont coiffés d'un bonnet appelé berret, qui est presque plat et en général de couleur grise; il ressemble beaucoup à celui que les acteurs portent encore dans les rôles de Scapin, de Mascarille et de Sganarelle. Les voitures sont attelées de trois chevaux ou de trois mulets: le conducteur, monté sur un âne, chemine à côté; mais, dans les pas difficiles, il descend, et l'âné est ajouté à l'attelage. Ces voitures sont des chariots longs et étroits à quatre roues, dont celles de devant sont presque aussi élevées que celles de derrière; il y a à peine entre elles six à sept pouces de distance: elles paroissent trèsfortes quand on les voit d'un peu loin, parce qu'au lieu de cercles de fer les jantes sont garnies d'autres jantes de bois d'une égale épaisseur. Après avoir passé les montagnes et le village de Saint-Maur, on traverse la Losse, rivière qui sort du département des Basses-Pyrénées, dans l'ancien comté d'Astarac, entre dans ce département à Sarraguzan, et en sort près de Condom, à travers la montagne et la ville de Miélan, où l'on relaye. Cette petite. ville étoit autrefois plus considérable; elle avoit un château assez fort, qui fut surpris en 1440 par les Anglais; ils y furent bientôt attaqués eux-mêmes et massacrés par Arnaud de Guilhem. Miélan est situé entre la Losse et le Boués. La chair des moutons de cette contrée avoit autrefois une grande réputation; mais le défrichement des coteaux, où l'on a planté des vignes, a fait disparoître les végétaux aromatiques qui lui donnoient une saveur délicate. On est ici à la frontière du département du Gers; les villes sont en petit nombre et peu populeuses. II règne encore dans ce département une grande simplicité de mœurs qui se fait remarquer sur-tout dans les campagnes : les paysans sont patiens, infatigables dans le travail, et cependant ils ne mangent de la viande et ne boivent du vin que deux jours de l'année, pour animer la gaieté du carnaval, ou pour célébrer la fête du patron de chaque village, ou bien encore aux noces et aux enterremens, parce qu'on ne peut renvoyer à jeun les parens qui sont venus de loin pour l'une ou l'autre cérémonie. Le pain de méteil, la soupe, qui n'est qu'une décoction de choux, de raves, de légumes verts ou secs, sans graisse ni huile, et seulement aiguisée avec du sel, les ognons crus, sont leur nourriture habituelle dans l'hiver, ils substituent à la soupe de l'armotos, c'est-à-dire, bouillie de maïs très-claire, que l'on nomme millas quand elle est plus épaisse. Leur boisson n'est que de la piquette, qu'on obtient en laissant séjourner de l'eau sur le marc de la vendange. : une Les délassemens du dimanche sont les comptes, les visites, les achats. Ils portent sur leur gilet une longue veste non boutonnée, et quelquefois l'habit qu'ils avoient le jour de leurs noces ; leurs guêtres [garramachos] font plusieurs fois le tour de leurs jambes, et ils ont des sabots, ou des souliers ferrés qui datent quelquefois du même jour que leur habit. Chaque pièce de leurs vêtemens est fabriquée avec leur laine ou avec leur lin, qui a été filé par les mères de famille et les jeunes filles. Les femmes ont un long jupon, des brassières qui marquent la taille jusqu'aux hanches et qui se lacent ou se boutonnent, un tablier et une coiffure de toile : dans la belle saison, elles ont les jambes nues; dans le mauvais temps, elles portent des bas de laine et des sabots: les souliers sont un grand objet de luxe. Les mères prennent soin du ménage, nourrissent la volaille; les jeunes filles font paître les troupeaux : lorsqu'elles grandissent, elles partagent avec les hommes les plus durs travaux des champs; aucune ne voudroit passer pour fainéante, et devenir ainsi indigne de la recherche d'un laboureur: aussi celles qui se louent lorsque la famille est trop nombreuse, préfèrent-elles la campagne à la ville. Tout, chez eux, tend à l'union des familles par le lien sacré du mariage, et les exemples de séduction sont très-rares. Une grande taille, de l'embonpoint, de larges épaules, de grands bras, de grands pieds, un teint fortement hålé, font sur tout rechercher les filles par |