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gues slaves, comme nous le supposions d'ailleurs, se joignent aux langues hindoues pour témoigner de cette primordialité. Peut-être pouvons-nous espérer trouver une démonstration nouvelle dans d'autres idiomes de la famille indo-européenne; mais que cette dernière espérance soit jamais réalisée ou qu'elle doive s'évanouir, nous pensons que les faits actuellement et dûment acquis suffisent d'une large façon à établir l'exactitude de notre thèse. HOVELACQUE.

MYTHOLOGIE BASQUE

Les notes que l'on va lire n'ont d'autre prétention que d'attirer l'attention des spécialistes sur un très-important problème, encore presque inconnu, et de montrer au travailleur un vaste et intéressant champ d'études encore tout entier inexploré. Les seules recherches, les seuls documents publiés jusqu'à ce jour sur la mythologie euscarienne se bornent à des allégations et à des contes de Chaho, ainsi qu'au livre publié en 1866, à Tolosa, par M. de Araquistain, sous ce titre Tradiciones vascocántabras (1 vol. in-8o de 380 p.). Le second livre sera apprécié plus loin; quant aux écrits de Chaho, ils n'ont malheureusement guère qu'une valeur littéraire; les services qu'ils peuvent rendre à la science sont à peu près nuls, car on ne sait jamais si les affirmations de l'écrivain reposent sur des faits positifs ou si elles ne sont que des

créations de sa puissante imagination dont il était le premier la dupe. Nous avons eu maintes occasions de constater l'inexactitude des récits de Chaho; c'est à lui qu'est due notamment la croyance devenue presque générale à la couvade chez les Basques. Il lui a suffi de lire dans Strabon que, chez les Hispani du Nord, les hommes se couchaient auprès de l'enfant qui venait de leur naître (liv. III, ch. iv, §17) pour qu'il se soit dit : « Les Hispani du Nord sont nos ancêtres; donc il doit nous rester quelque chose de leurs coutumes; mais si la couvade existe encore, ce ne peut être que chez les Biscayens, les plus rudes Basques du temps. présent »; et, dans son Voyage en Navarre (Paris, 1836; Bayonne, 1865), il attribue formellement aux Biscayens cette singulière coutume (ch. x). C'est à de pareils raisonnements que doivent être vraisemblablement rapportées la plupart des inventions de Chaho. On peut le lire avec plaisir, mais il faut toujours s'en défier.

M. Cerquand, inspecteur d'académie à Pau, qui s'était déjà occupé d'études mythologiques, a voulu combler une remarquable lacune. Frappé de ce fait étrange que les Basques n'ont presque d'original que leur langue, et qu'il n'est resté chez eux aucun monument d'une civilisation autochthone; surpris de ne trouver qu'une littérature d'emprunt et de ne découvrir aucune autre production. littéraire naturelle que des proverbes (1), il a supposé

(1) Publiés en 1657, à Paris, par A. Oihenart (dont le volume a été réédité en 1847, à Bordeaux, par M. Fr. Michel) sous le titre de : Alsotizac, edo refravac, Prouerbes, ou Adages basques, recueillis par le sieur d'Oihenart », un vol. in-8° de (xiij)-80-(iv)-76 pages. M. Cerquand dit : « Le précieux recueil d'Oihenart serait perdu, qu'on le retrouverait tout entier dans la mémoire des Basques ». Ceci n'est

avec raison que les contes populaires, non étudiés encore, pouvaient seuls présenter quelques indices sur l'état social primitif des Basques, et, grâce au concours des instituteurs de l'arrondissement de Mauléon, il a pu réunir une soixantaine de récits. Le premier résultat de ses recherches, publié dans le très-intéressant Bulletin de la Société des lettres, sciences et arts de Pau, a paru séparément en une brochure in-8° de 74 pages dont voici le titre : Légendes et récits populaires du pays basque, Pau, L. Ribaut, 1875. C'est de cette brochure que je me propose de parler ici; vu le caractère exceptionnel du sujet, il m'a paru que la publication de M. Cerquand méritait mieux qu'un simple compte-rendu bibliographique.

En même temps que moi, l'un de mes amis, M. W. Webster, maître ès-arts de l'Université d'Oxford, et qui, de son côté, a réuni d'importants documents de la même nature, se préoccupait de l'initiative de M. Cerquand. Il m'a adressé, sur cette jolie plaquette, de très-bonnes observations qui m'ont semblé devoir être bien accueillies par les lecteurs de la Revue. Je cède donc volontiers ma place de critique à M. Webster, plus compétent que moi, du reste, en ces matières; je me permets seulement d'ajouter quelques notes et de présenter quelques remarques préliminaires.

point absolument exact, car beaucoup des proverbes de ce recueil sont aujourd'hui totalement inconnus ou, si l'on veut, oubliés. D'ailleurs, la tradition orale n'aurait pas conservé jusqu'à nos jours les formes archaïques si remarquables des sentences réunies par Oihenart, et c'est précisément ce qui fait, aux yeux des linguistes, le principal intérêt de cette collection. Un supplément, publié par Oihenart lui-même, a été réimprimé en 1859, à Paris, chez Aubry, par les soins de M. G. Brunet.

Les cinq premières pages de M. Cerquand me paraissent contenir des considérations et des réflexions très-justes; c'est tout au plus si j'y relève un optimisme, bien naturel d'ailleurs, en ce qui concerne la compétence spéciale des instituteurs et leur intelligence. On verra plus loin que M. Webster est de mon avis. Les instituteurs sont au contraire, selon moi, suspects, en ce sens qu'ils sont habituellement portés à dédaigner ce qui fait l'amusement du vulgaire; ils ont lu ou peuvent lire tel ou tel roman français à la mode, et cela leur suffit pour condamner à priori les contes naïfs de leur enfance. M. Cerquand croit-il qu'au point de vue de leur langue les instituteurs basques soient vraiment sans préjugés? Ce à quoi je voudrais conclure, c'est uniquement à ceci : qu'un homme de science ferait mieux de recueillir lui-même ces légendes de plus en plus oubliées; mais à tout prendre, comme cela n'est pas toujours possible, l'instituteur peut rendre de réels services.

Pourquoi, à ce propos, M. Cerquand a-t-il écrit cette phrase énigmatique : « Ils (les instituteurs) croient qu'elle (la langue basque) n'a point d'orthographe, opinion partagée par beaucoup de savants ». J'avoue ne pas comprendre la portée de cette réflexion, où il me semble voir comme une réminiscence vague de la vieille sottise: « Les mots sont composés de lettres ». Une langue qui n'a pas été écrite, qui n'a pas d'alphabet propre, qui n'a pas de littérature, peut-elle avoir une « orthographe »? En dépit de quelques pédants du pays, chacun restera libre d'écrire le basque à sa fantaisie, et ce sera aux linguistes seuls ou à ceux qui prétendront l'être qu'on pourra reprocher l'inexactitude de leurs transcriptions.

Je ne veux pas insister sur le côté purement linguistique

de la publication de M. Cerquand, bien que les textes réunis par lui me paraissent devoir utilement servir à l'étude des dialectes souletin et bas-navarrais; malgré d'évidentes retouches, on y retrouve avec plaisir de nombreux spécimens du parler populaire. Il y a moins de fautes d'impression qu'on pourrait le croire; quelques-unes pourtant demanderaient un erratum, mais M. Cerquand ne saurait en être rendu responsable. Les contes sont donnés avec l'indication exacte de leur provenance, ce qui est excellent. Je regrette que l'éditeur en ait écarté quelques-uns par des scrupules assurément fort légitimes, mais peut-être excessifs à mon avis je crois qu'il faut tout publier, quelque inconvenants ou peu délicats que puissent être certains détails. Si l'on commence pour un motif louable à trier et à rejeter des pièces d'un intérêt médiocre, n'est-il pas à craindre qu'on en arrive à supprimer pour d'autres motifs des documents d'une haute importance?

A la page 59, M. Cerquand publie, sur le mot euskara, une note de M. l'abbé Inchauspe; j'aurais beaucoup à dire sur cette note, mais je me borne à repousser les conclusions étymologiques du paragraphe final. L'identité des Vascons, des Basques, des Osques est fort hypothétique, et si euskara dérive d'un verbe eusi, c'est incontestablement le sens de « aboyer » qui convient le mieux à ce verbe dont le causatif erausi, erasi « jaser, bavarder », est trèsemployé de nos jours.

Bayonne, le 28 juillet 1875.

Julien VINSON.

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