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ORLÉANS, IMPRIMERIE DE G. JACOB, CLOÎTRE SAINT-ÉTIENNE, 4.

LA VOYELLE R

Dans sa Grammaire comparée qui fut la première base des études de linguistique indo-européenne, Bopp regarda la voyelle r du sanscrit comme un son tout à fait secondaire. Tous les r de la langue sanscrite auraient tenu lieu d'une syllabe plus antique, ar. Ainsi, bibhrmas « nous portons », bibhrtha « vous portez », proviendraient de formes soidisant plus anciennes : bibharmas, bibhartha.

Cette opinion fut communément admise. Schleicher, dans son excellent Compendium, enseigna que la langue commune indo-européenne ne possédait que trois voyelles simples, à savoir: a, i, u; les r et les du sanscrit n'avaient rien d'organique, ce n'étaient point des sons primitifs; ils n'appartenaient qu'au domaine particulier de l'indianisme.

Encore qu'elle soit acceptée d'une façon générale et qu'elle semble se trouver en dehors de toute discussion, une opinion peut bien n'être pas aussi exacte qu'on le suppose généralement. Nous avons vu céder sous la critique plus d'une théorie qui avait en quelque sorte force de loi. M. Ascoli, par exemple, a clairement démontré que l'allongement des thèmes en a, à la première personne (sanskrit.« bharâmi», je porte; cf. « bharati », il porte), n'est qu'un phénomène secondaire et n'a rien d'organique. M. Chavée, également, a ruiné le premier la théorie si accréditée de Grimm sur la substitution des consonnes

dans les langues germaniques. D'autres théories, tout aussi anciennes, tout aussi consacrées, peuvent avoir le même

sort.

I.

A notre sens, il doit en être ainsi de l'opinion qui voit dans la voyelle ? un son inconnu à la langue commune indo-européenne, et qui serait particulier à la langue sanskrite. Notre conviction à ce sujet est de date ancienne, et nous l'avons formulée plus d'une fois, notamment dans un écrit où cette question est traitée d'une façon spéciale (1). Nous désirons y revenir ici, au moins d'une manière générale, eu égard à la publication récente d'un excellent ouvrage (le second volume de la Grammaire des langues slaves, de M. Miklosich).

II.

La question de la primordialité de la voyelle est intimement liée à celle de la prononciation de cette même voyelle.

Quatre preuves, tirées des lois euphoniques de la langue sanskrite elle-même, démontrent combien il est fautif de donner à la voyelle le son « ri » qu'on lui attribue communément.

Première preuve. En sanskrit, lorsqu'un mot se terminant par rencontre un mot commençant par la même

(1) Mémoire sur la primordialité et la prononciation du R vocal sanskrit. Paris, Maisonneuve, 1872.

voyelle, le choix se trouve laissé entre plusieurs procédés : ou bien les deux forment un r long (de même que deux « a », deux « i », deux ‹ u » donnent ‹ à, î, û »); ou bien ils ne forment qu'un r bref; ou bien aucun changement ne s'accomplit, et les deux r se succèdent immédiatement. Des deux dernières hypothèses nous n'avons rien à dire, mais la première est un précieux témoignage. Si deux r brefs se confondent en un y long, il est absolument impossible que le son r ait eu la valeur de ‹ ri ». En effet, si l'on attribue à r ce son « ri», il faut donner à r long le son allongé « rî » : or, nous le demandons, comment le groupe « riri » aurait-il pu donner « rî »? Il y a là une impossibilité totale.

T

Seconde preuve. Si la voyelle avait été prononcée «ri», la rencontre d'un a terminal et d'un è initial aurait donné naissance aux deux syllabes « ari ». Or, il n'en est rien; ces deux voyelles forment simplement le groupe ar: ainsi aja, pius rṣabha donnent ajarṣabha, « bouc ».

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Troisième preuve. Devant les voyelles i, u se transforment en y, v: ainsi pratyṛćam, à chaque vers, anvrćam, dans la série des vers, sont pour prati ou anu, plus rć. Or, si la voyelle linguale avait eu le son « ri » qu'on se plaît à lui attribuer, ce changement de i, u en y, v eut été de tout point irréalisable.

Quatrième preuve. - Placé à la fin d'un mot, se change en r si le mot suivant commence par une voyelle. Admettons la prononciation «ri», le changement aurait été tout autre : « ri » aurait donné naissance à « ry » et non pas à r.

Il serait aisé de trouver encore d'autres moyens de démonstration. Ceux que nous venons de présenter suffisent

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