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des titres sacerdotaux, et des formules par lesquelles le roi annonce qu'il a fondé tel service d'offrandes, pour tel défunt, auprès d'Osiris, d'Anubis ou de Geb, jamais les dieux ne sont nommés, ni figurés, dans les tombeaux de cette époque (Mast., p. 38, 50). La piété personnelle n'existe pas et ne peut exister: quand le roi veut faire une grande faveur à un de ses courtisans, «il prie le dieu pour lui (dwa'-n-f n f ntr, Urk., I, 42, 44); mais aucun sujet du Pharaon ne connaît le secret de parler aux dieux. Jusqu'à quel point les fonctions familiales ou officielles, confiées par le roi à ses parents et amis, donnaient-elles droit à ces privilèges religieux ? La réponse est donnée par de nombreux textes qui nous apprennent que la possession d'un tombeau et des rites funéraires, la promesse d'une survie auprès d'Osiris, constituent la récompense suprême que le roi accorde à ceux de ses sujets qui se sont distingués par leurs services administratifs (Rec., XIX, 123-130). Nous avons vu plus haut que les grands fonctionnaires sont sacrés par le roi; avoir accès aux charges, c'est bénéficier des secrets divins du roi; aussi, disent les Égyptiens, « cela conduit à la dignité d'imakhou (Rec., XIX, 126); cela fait d'un homme le client du roi, et l'initie à ces mystères» qui permettent de braver la mort (cf. mes Mystères égyptiens, 91). En ce sens, droits religieux, civils et politiques, sont inséparables et connexes: les uns et les autres ne vont qu'aux parents et aux amis du roi (1). Un texte de la Xlle dynastie rappelle cet état de fait en ces termes : CHENN

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«l'ami du roi repose en paix comme un imakhou; mais il n'y a pas de tombeau pour celui qui se rebelle contre Sa Majesté; son corps est jeté à l'eau » (Caire, 20538, II, 18-19).

En somme, jusque vers l'an 2500 av. J.-C., droits religieux et politiques n'existent que pour

la gens royale;

(1) Tous les tombeaux de la IV dynastie publiés par Mariette (les Mastabas) sous lettre B appartiennent à des petits-fils de roi :

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elle constitue toute la haute administration du royaume; elle vit groupée, dans la résidence royale, autour du roi vivant, et se retrouve, dans la nécropole, autour du roi mort. On peut évaluer le nombre de ces privilégiés à 500 par règne. Quant à la masse de la population, millions de citadins, paysans, artisans, serfs de la glèbe, ils travaillaient pour le roi et la société, bâtissaient les prodigieuses pyramides et les belles tombes privées, sans pouvoir se réclamer d'un statut légal, d'un droit politique ou religieux. On retrouve, à même le sable, leurs corps, non momifiés, sans cercueils, munis de pauvres amulettes et de maigres provisions (Mast., 20); pour eux il n'y avait participation ni à la vie politique, ni à la vie religieuse officielles; pour eux il n'existait nul paradis, à moins que, par fortune, le roi eût distingué l'un d'eux et l'eût introduit parmi ses amis et ses serviteurs.

Reportons-nous 500 ans plus tard, vers l'an 2000, au début de la XIIe dynastie, et visitons une des grandes nécropoles du Moyen Empire, par exemple, celle d'Abydos là, dans le voisinage d'un cénotaphe d'Osiris (autour du dieu et non plus du Pharaon), se pressent tombeaux · et stèles funéraires; pêle-mêle, nous y lisons les noms de fils et filles de rois, de vizirs, de fonctionnaires, de bourgeois, d'artisans, de simples particuliers sans charges administratives; tous réclament, en leur nom et en celui de leurs parents, de leurs amis, de leurs serviteurs, l'offrande royale, l'accès au ciel, et proclament qu'ils sont des dieux, des Osiris justifiés» Osiris ma'a hrw. Tous les Égyptiens, sans distinction de classe, ont donc obtenu le privilège de la mort royale; nous verrons plus loin (p. 351) que ceci n'est pas un vain mot. Cette évolution a eu des conséquences capitales dans la vie sociale; quoiqu'elle ait demandé plusieurs siècles pour se réaliser, à certains moments, rapide et violente, elle a pris le caractère d'une révolution.

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A. Comme en Grèce et à Rome, nous relevons tout d'abord un passage de la monarchie absolue à l'oligarchie. Les rois de la Ve dynastie (vers 2680-2540) sont manifestement sous la tutelle des prêtres du dieu Ra d'Héliopolis; l'Égypte se couvre de temples du Soleil; et sous la VIe dynastie (2540-2390), les doctrines solaires reçoivent un hommage éclatant les rois renonçent aux énormes masses de pierre où aucun texte ne parle des dieux, et les remplacent par des pyramides de proportions modestes, mais chargées de longs textes, où Osiris et Ra sont, tour à tour, priés, ou commandés, de faire du roi leur égal après la mort; les forces matérielles cèdent le pas aux forces intellectuelles. Ce progrès mental ne sera pas favorable au dogme de la royauté divine : les prêtres, puis les hommes cultivés, s'intéresseront aux problèmes religieux, politiques, sociaux, réfléchiront sur l'égoïsme sacré qui se révèle dans l'institution pharaonique; ils inclineront vers des conceptions plus morales, plus humaines où la Justice et le Droit sont remis à leur place dans la société terrestre et d'outre-tombe.

L'ascendant du clergé amène la multiplication des. temples et du personnel ecclésiastique à tous, le roi donne des terres et appauvrit d'autant son domaine. Dès le troisième roi de la Ve dynastie, Neferirkara (vers 2660), apparaît, pour le temple d'Abydos, une charte d'immunité qui exempte les prêtres et leurs tenanciers d'impôts, de corvées, et enlève leurs terres au contrôle royal. Les chartes iront, se multipliant, jusqu'à la fin de l'Ancien Empire. En face du Pharaon, seul prêtre en théorie, se dresse maintenant une oligarchie initiée, par profession, aux rites religieux, gérante, puis propriétaire en fait des champs du dieu (Chartes, III, 195), exemptées de charges et de contrôle, prétendant exercer à la Cour plus d'influence que la Cour n'en peut plus avoir sur le clergé.

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(1) R. WEILL, Les décrets royaux de l'Ancien Empire; A. MORET, Chartes d'immunité, extr. du Journal asiatique : I (1912), p. 73 et suiv.; II (1916), p. 271 et suiv.; III (1917), p. 359 et suiv.

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Les grands fonctionnaires civils provinciaux, ou nomarques, se détachent aussi de la Cour. L'Égypte est devenue un État populeux, riche, cultivé, dans tous les sens du mot. La conception politique de la gens royale fournissant les cadres d'une « administration d'État était adaptée à la petite Égypte des premiers Pharaons; elle devenait étriquée, mesquine, pour l'Egypte des Ve et Vle dynasties. Nous voyons apparaître (1), surtout en HauteÉgypte, dans les nomes, des familles puissantes, issues peut-être de petits-fils de rois; elles ne vivent plus à la Cour; chacune, à Assouan, Edfou, Abydos, Meir, Siout, Deir el-Gebrawi, Sheikh-Saïd, a sa ville() et sa nécropole. Les chefs de nomes (— hk hat et

ḥrj odaj) sont souvent prêtres des dieux locaux, et capitaines des miliciens de leur province (Ouni, 18). Eux aussi, obtiennent du roi des chartes d'immunité, ils fondent des villes-neuves (nt ma'), où ceux qui répondent à leur appel deviennent des notables (sarou) au lieu de rester serfs (mertou), comme sur les domaines du roi (Urk., I, 78). Ainsi se forme une oligarchie laïque, constituée pour une part des anciens administrateurs royaux émancipés; elle ajoute son effort à celui de l'oligarchie ecclésiastique pour saper l'autorité du roi.

Fait très important, le roi n'a pu s'opposer à ce que ces provinciaux aient des nécropoles chez eux (et non plus autour de la pyramide royale, comme précédemment); avec les tombeaux, il a bien fallu accorder les rites, qui font revivre après la mort, et non plus seulement dans la nécropole, suivant la conception osirienne, mais auciel, dans la société des dieux, suivant la théorie héliopolitaine. Les nomarques d'Assouan (Urk., I, 121), de Deir el-Gebrawi (D. Geb., II, 8), de Sheik-Saïd (Sh. S., 19), se promettent de traverser en barque le ciel, de monter auprès du dieu Ra, seigneur du ciel, grâce aux deux mains tendues de la déesse Amenti”.

Vis-à-vis de la Cour, comment les Pharaons refuse

(1) Éd. MEYER, Histoire, trad. franç., II, § 261 et suiv.

raient-ils les concessions que prêtres et nomarques avaient obtenues? Aussi les grands fonctionnaires jouissent-ils, eux aussi, de «l'accès au ciel, de la montée auprès du dieu grand (Ra)» (Mast., 195, 368, 433); on exécute pour eux les rites conformément au livre secret de l'art de l'officiant (Mast., 195; CAPART, Rue de Tombeaux, XXII; L. D., II, 72b); quelques-uns connaissent & toute la magie secrète de la Cour, comme il convient à un Esprit parfait et bien équipé » = -|-||)

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—¿ (Urk., I, 143, 89). Les gens de la Cour peuvent déjà, comme le roi, passer à leur Kan CAT ~~~~♫, Urk., I, 71, 73); il est probable qu'ils ont une âme ba' au ciel. Vers le même temps, ces favorisés obtiennent la permission d'e adorer les dieux, au bénéfice soit du roi (Urk., I, 39), soit d'eux-mêmes (I, 50, 70); mais la mentalité qui crée la piété personnelle et la littérature picuse n'apparaît point encore. - Sur leurs propres domaines, vis-à-vis de leurs fonctionnaires et de leurs tenanciers (khentyou-she), les rois ont fait également des concessions, tant au point de vue religieux que social. Prêtres et tenanciers des temples royaux funéraires et des domaines attenant aux pyramides, reçoivent à Abydos, Dahchour, Koptos, des chartes d'immunité, où sont définis les droits et devoirs de chacun, si bien que nul d'entre eux n'est plus « taillable ou corvéable à merci » (Chartes, 1, 99; II, 314; III, 399). Pour faire concurrence aux prêtres et aux nomarques, les rois de la VIe dynastie créent aussi des villes-neuves, avec chartes; il y est dit des cultivateurs (mertou) que celui qui ignorerait sa charte antérieure aura son règlement d'administration (sw) déterminé par une déclaration des notables (Sarou) » (Ch., II, 312). Plus tard, sous la VIIIe dynastie, la faiblesse du gouvernement s'étant accrue, il ressort des décrets royaux que chaque fonctionnaire royal possède une charteart) de ses obligations et privilèges (Ch., III, 374. 1. 40). Ainsi, vers la fin de l'Ancien Empire, le fait d'appartenir à un temple divin, à un temple royal, aux offices royaux, comportait pour les employés des

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