QUELQUES REMARQUES SUR LA SYNTAXE ÉGYPTIENNE, PAR M. W. GOLÉNISCHEFF. Malgré un siècle déjà écoulé, depuis que la géniale découverte de Champollion nous a entrouvert la porte de l'étude des textes égyptiens, et malgré les efforts incessants que les disciples de l’immortel fondateur de l'Égyptologie ont faits, à sa suite, pour pénétrer les mystères de la langue égyptienne, il y a encore dans la grammaire de cette langue pas mal de points qui restent peu clairs et qui jusqu'à ce jour n'ont pu être expliqués d'une manière satisfaisante. C'est surlout la syntaxe égyptienne qui n'a pas suffisamment attiré l'attention des égyptologues, et c'est sur ce domaine que s'est peut-être le plus manifestée l'influence néfaste de l'école égyptologique qui a pris à tâche de démontrer que la langue égyptienne était une langue sémitique et que les règles de grammaire des langues sémitiques pouvaient naturellement lui être appliquées. Et pourtant, si les quelques points de ressemblance, qui réellement existent entre l'égyptien et les langues sémitiques, sont tout au plus suffisants pour nous amener à reconnaître que l'égyptien ait pu provenir de la même langue mère que celle qui, sans doute beaucoup plus tard, a aussi donné jour aux langues sémitiques, combien grandes sont, toutefois, les différences entre l'égyptien et les autres descendants de cette langue proto-sémitique, dans laquelle bien des traits saillants des langues sémitiques n'ont pas dû encore s'être stabilisés au a : moment où la langue égyptienne est allée s'isoler, en gardant dans sa composition beaucoup de traits excessivement primitifs, qui ne se retrouvent plus ailleurs. Parmi ces particularités, il faut, en premier lieu, citer la présence dans la langue égyptienne de nombreuses racines d'une ou de deux syllabes et l'absence de système strictement trilitère, qui est si caractéristique des langues sémitiques, et que l'école allemande veut, contre toute évidence, retrouver dans l'ancien égyptien. Ensuite, il faut relever les deux formes les plus usuelles du verbe égyptien, dans lesquelles la réunion d'une racine verbale avec son sujet se fait absolument de la même façon qu'elle se produit dans la combinaison entre un substantif et le génitif qui lui est annexé : dans les deux cas, ou bien les deux éléments constituants se suivent de près, ou bien la particule Manny est introduite entre eux. Il y a un tel archaïsme dans la structure de ces formes verbales, avec leurs racines verbales qui ressemblent à s'y méprendre aux racines formant des substantifs, qu'il est véritablement difficile de concevoir comment on a pu arriver à donner à ces formes le nom de « nouvelles flexions », tandis qu'on assignait le nom d'e ancienne flexion » à une forme du verbe qui, au fond, n'est qu'un participe et qui ne peut pas s'employer à l'instar des autres formes verbales pour désigner les modes personnels. Dans cette malheureuse question, c'est encore le sémitisme à outrance, avec lequel on a voulu traiter la grammaire égyptienne, qui a joué un rôle fatal, car rien, absolument rien, dans les inscriptions égyptiennes les plus anciennes, n'indique que les formes verbales, consistant de la racine suivie du sujet, aient fait leur apparition plus tard que d'autres formes réputées sans raison comme plus anciennes : c'est uniquement par des considérations erronées, tirées d'une prémisse vraie en elle-même, que l'on est arrivé à admettre cette classification en tous points fausse, mais bien conforme à l'idée préconçue sur le sémitisme de la langue égyptienne. Si grâce à la brillante étude du professeur Erman qui, : le premier, mit un certain ordre dans les notions confuses qu’on avait avant lui des différents aspects du participe égyptien, nous avons pu réussir à reconnaître avec évidence que les terminaisons du parfait sémitique étaient les mêmes que celles qui se rencontrent dans le participe égyptien, la conclusion que ce savant crut devoir tirer de ce fait, toute logique qu'elle pouvait sembler de prime abord, n'était pourtant pas juste, car le participe égyptien ne devait rester qu’un participe et il n'avait aucun droit ni d'assumer le sens d'un parfait, ni même de figurer avec le sens d’un verbe au mode personnel. Ne voyons-nous pas, au sein de la famille même des langues sémitiques, un phénomène assez analogue dans le verbe assyrien, qui, tout en empruntant la forme du second aoriste (l'imparfait) des autres langues sémitiques, se trouve toujours employé avec le sens du premier aoriste (le parfait)! Pareillement, malgré la grande ressemblance entre le participe égyptien et le premier aoriste semitique, le sens des deux formes verbales, identiques d'apparence, peut ne pas avoir été le même dans les deux groupes de langues et il ne faut pas absolument identifier ces formes, de même qu'on ne peut pas dire que l'aoriste II, employé couramment par le parfait, devait nécessairement avoir le sens de l'imparfait, puisque ce n'est qu'avec ce sens qu'il se rencontre en hébreu, en arabe et dans les autres langues sémitiques! En effet, l'étude des textes hiéroglyphiques et hiératiques nous apprend que les Égyptiens n'ont jamais employé leur participe comme un verbe au mode personnel, et les quelques exemples que Sethe a pu réunir dans son Verbum, vol. II, § 3 à 8, pour soutenir sa théorie de la plus ancienne conjugaison égyptienne, se laissent expliquer tout à fait autrement qu'il ne le fait. Sans entrer ici dans les détails, qu'il me soit permis de m'arrêter seulement un instant sur le fameux exemple, tiré des c Mémoires de Sinouhe » et qui, cité comme il l'est sans aucunes explications sur le contexte auquel il a été arraché, peut paraître assez concluant à ceux qui partagent les idées du profes a : seur allemand. Je veux parler de l'expression in * -, que Sethe traduit par : « le pays dans lequel je suis nén. Un court examen du texte, auquel cet exemple est emprunté (cf. Sinouhe, B, 1. 159), voir que la phrase citée appartient au discours par lequel Sinouħe s'adresse à Dieu et si, avant la phrase en question, on rencontre les expressions et ses qui toutes deux ont le suffixe – se rapportant à Dieu, comment ne pas voir dans le verbe ሽቦ - y & tu as fait naîtren, a tu as mis au monden, e tu as créé (1), suivi du complément direct yo re moi ? La vraie traduction devrait, par suite, être : « la terre dans laquelle tu m'as fait naîtrem. Si, comme tout le fait présumer, le participe égyptien n'a jamais par lui-même figuré comme verbe fini, les terminaisons qu'il peut prendre selon la personne à laquelle à il se rapporte, font de lui un participe pour ainsi dire conjugable, tel qu'il n'en existe pas dans les langues sémitiques, mais qu'il est impossible de ne pas admettre pour l'égyptien. Encore un des nombreux torts qu'a faits aux études égyptologiques l'application du patron sémitique à la grammaire égyptienne, ce fut la facilité avec laquelle bon nombre d'égyptologues s'habituèrent à ne pas distinguer les formes verbales qui consistaient en la racine verbale précédant le sujet et celles qui se présentaient avec la racine verbale après le sujet. Car, étant arrivés à voir une forme personnelle de verbe dans ce qui n'était réellement qu’un participe, les partisans du sémitisme ont le plus souvent mélangé ces deux formes de verbe, en leur assignant à toutes les deux la même valeur, d'autant plus que la grammaire sémitique les autorisait à trouver le sujet de la phrase indifféremment mis avant ou après l'attribut. (1) En ce qui concerne les exemples démontrant que le verbe X peut s'employer, même lorsqu'on parle d'un dieu mâle procréant l'homme, ils sont assez nombreux et ne méritent pas d'être tous cités ici. Il suffit d'un seul, le nom propre + qui signifie « Celui qui l'a mis au , monde (8. c. le titulaire du nom) c'est Rån. |