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qui aurait été peut-être comme le portrait de Nestor, non pas un pavement, mais une décoration murale? Je n'ose décider. Les inscriptions de notre mosaïque, avec la graphie erronée NAOIC et le vers faux ou incomplet de la première, avec le dernier vers de la deuxième, lequel ne se rapporte à rien, avec le distique final de la troisième, semblent indiquer que Nestor ne fut pas tout à fait capable de diriger le travail de son mosaïste. Peut-être, malgré son nom et son goût pour l'art grec et la mythologie hellénique, ne comprenait-il pas très bien le grec, du moins le grec poétique.

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Cette mosaïque est certainement d'époque assez basse. On s'en rend compte d'abord à la forme des lettres ensuite à l'orthographe EAPA- enfin à certains détails archéologiques, notamment aux cercles brodés sur la tunique d'Hippolyte et sur celle de Silène : des broderies de cette forme sont caractéristiques du Bas-Empire: on en a retrouvé sur les tissus coptes, on en voit sur des terres cuites (1) et sur des fresques (?). Tout à fait intéressante, pour dater approximativement notre mosaïque, la figure de Phèdre le laticlave (3) de sa robe (détail pour lequel on se reportera à la planche III du mémoire de M. Clédat), le fauteuil où Phèdre est assise ("), la façon dont elle est coiffée, le double rideau suspendu par des anneaux à une tringle (5), tout indique le commencement du Bas-Empire. Je ne puis apprécier, n'ayant pas vu l'original, n'en ayant même pas vu de reproduction coloriée, ce que valait la mosaïque de Cheikh Zouède au point de vue de la qualité et de l'harmonie des tons. Les mosaïques étant avant tout des tableaux en couleur, on ne saurait les juger équitablement si l'on n'en connaît que des repro

ductions en noir sur blanc.

(1) PERDRIZET, Terres cuites grecques d'Égypte de la coll. Fouquet, p. 6, pl. VI.

(2) J. CLÉDAT, Le Monastère de Baouit, pl. LV (tunique de Saint Sisin

nios).

(Dict. des Antiq., s. v. CLAVUS, p. 1224.

(4) Terres cuites grecques d'Égypte, p. 58.

(5) Cf. la mosaïque de Théodora, à Saint-Vital de Ravenne.

RECUEIL CHAMPOLLION.

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A ne tenir compte que de la composition, soit de la mosaïque entière, soit de chacune de ses parties, et que du dessin, soit de la tresse qui encadre l'ensemble, soit des personnages, force nous est de reconnaître que cette mosaïque, si précieuse par sa conservation, si intéressante par ses sujets et ses inscriptions, n'est pas, au point de vue artistique, un monument de premier ordre. Non que l'art fût alors incapable de s'élever plus haut; mais parce que Nestor, si loin des grandes villes, si loin de Gaza et d'Alexandrie, ne devait avoir à sa disposition qu'un praticien assez médiocre.

Le principal intérêt de la mosaïque de Cheikh Zouède, ce sont, ai-je dit, ses inscriptions et ses sujets.

Quant aux sujets, je me permettrai de présenter quelques remarques.

Celui du bas ne surprend pas dans une mosaïque trouvée à la frontière d'Egypte, et qui, vraisemblablement, est l'œuvre d'un noétns égyptien. On sait le rôle que les oiseaux ont joué de tout temps en Égypte dans les compositions pittoresques à sujets nilotiques. Ils abondent en Égypte, ils donnent à ce pays une partie de sa vie, de sa gaieté et de son charme. D'autre part, comme j'ai tâché de le montrer ailleurs, sa basse-cour a toujours fourni à l'Égypte une partie de sa subsistance (1). C'est à l'Égypte, à l'art alexandrin que les mosaïques d'Occident (2) ont emprunté sinon les poncifs, du moins l'idée de leurs collections d'oiseaux et d'animaux.

C'est, je crois bien, la première fois que l'on trouve, traitée en mosaïque, la tragique histoire de Phèdre et d'Hippolyte. Faut-il, nous rappelant la vogue dont le théâtre d'Euripide a joui dans l'Egypte grecque et le fait que la tragédie d'Hippolyte Porte-Couronne était, après Hécube, l'Oreste et les Phéniciennes, l'une des plus goûtées de ce théâtre (3), faut-il, dis-je, faire de la mosaïque de

(1) Terres cuites grecques d'Égypte, p. 32.

(2) Dict. des Antiq., s. v. MUSIVUM OPUS, p. 2120, n. 11.

(3) Tò Sρãμa τwν pútav, lit-on à la fin de l'unóεois d'Hippolyte. Cette appréciation serait d'Aristophane de Byzance (WEIL, Sept tragédies

Cheikh Zouède un des anneaux de la chaîne qui relie la pièce d'Euripide à la Phèdre de Racine? Ce serait une erreur, la mosaïque de Cheikh Zouède ne se rattache pas à la pièce d'Euripide, elle raconte l'histoire de Phèdre et d'Hippolyte selon une version probablement alexandrine. La nourrice, sur la mosaïque, remet à Hippolyte une tablette sur laquelle est écrit le nom de Phèdre, ce qui nous donne à entendre que la tablette portait une lettre de Phèdre à Hippolyte le nom EAPA est, non pas la signature de cette lettre, les anciens ne signaient pas leurs lettres, mais le premier mot de la suscription ("). Ainsi, la nourrice, sur la mosaïque, apporte à Hippolyte un message écrit de Phèdre, contenant l'aveu de son amour. Nous sommes loin de la pièce d'Euripide, où la passion de Phèdre est, contrairement à la volonté de celle-ci, révélée oralement à Hippolyte par la nourrice. L'idée de faire connaître à Hippolyte l'amour de Phèdre par une lettre d'elle que remet la nourrice semble d'origine alexandrine elle a fourni à Ovide le thème d'une de ses Héroïdes (2), a été illustrée par les sculpteurs de sarcophages (3). Rohde l'attribue à Lycophron (4): quoi qu'il en soit de cette hypothèse, elle est bien de la période alexandrine, où, par désir de nouveauté, les littérateurs s'ingénient à varier les vieux thèmes.

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d'Euripide, p. 13). Δῆλα δέ, καὶ ὅστις Βαρβάρων γλώσσαν ἔμαθεν Ἑλλή νων, ὅ τε ἔρως τῆς Φαίδρας καὶ τῆς τρόφου τὸ ἐς τὴν διακονίαν τόλμημα : ce passage de Pausanias, I, 22, 1, ne s'applique pas mal à Nestor, le Çıλóxaλos xτions de Cheikh Zouède, qui n'était sans doute pas de vraie souche grecque.

(1) Cf. les Epistulae privatae, éd. WITKOWSKI, ou les suscriptions des Héroïdes d'Ovide (par exemple la quatrième, Phaedra Hippolyto).

(2) Le sujet de la lettre de Phèdre à Hippolyte, imaginé probablement à Alexandrie bien avant Ovide, dut être souvent traité après lui: il y a, dans l'Anthologie latine, n° 279 RIESE = BAEHRENS, Poetae lat. min., IV, p. 360, une lettre de Phèdre à Hippolyte.

(3) O. JAHN, Arch. Beiträge, p. 310; Carl ROBERT, Die antiken Sarkophagenreliefs, III, 2. Je dois dire que pour Robert, l'Hippolyte Stéphanephore serait l'unique source littéraire des représentations de la légende de Phèdre et d'Hippolyte sur les sarcophages, le motif de la lettre aurait été inventé par les sculpteurs des sarcophages pour faire comprendre l'histoire qu'ils avaient à reproduire.

(4)Der griech. Roman, 2° éd., p. 38, n. 6.

Comme le tableau de Phèdre et d'Hippolyte, celui de la pompe de Dionysos (1) a sa source lointaine, non pas dans quelque production de la période classique, mais dans les poèmes composés en Egypte à l'époque ptolémaïque et à l'époque impériale. Au e siècle de notre ère, Sôtérichos de l'Oasis avait écrit l'épopée des Bassariques (2). Cent ans plus tard, Nonnos le Panopolitain composait, en 48 chants, ses interminables Dionysiaques (3). Le nom CKIPTOC, que notre mosaïste a donné à l'un de ses Bacchants, se retrouve, porté par un satyre, dans le poème de Nonnos ("); sans doute, ce nom, qui rappelle les cabrioles et les gambades des chèvres-pieds, est bien plus ancien que le Bas-Empire: s'il ne s'est pas encore rencontré sur les vases peints, par contre une épigramme de Dioscoride parle d'une statue du satyre Scirtos qui servait de μvñμa à la tombe du poète dramatique Sosithée (5); mais il est certain qu'à la basse époque impériale, le nom de Scirtos a joui d'une faveur spéciale, chez les poètes mythologiques et les mythographes (6).

En somme, je tiens la mosaïque de Cheikh Zouède pour un travail gréco-égyptien, autrement dit alexandrin, de basse époque impériale, du ir ou du ive siècle de notre ère, d'une époque où, comme l'a remarqué Eunape (7), les habitants de l'Égypte étaient toqués de poésie et de mythologie grecques.

(Comme les mosaïques analogues trouvées en Occident, par exemple celle de Sousse Musée de Sousse, pl. VI, 1; cf. Dict. des antiq., s. v. MUSIVUM OPUS, 2118, n. 9.

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(2) M. CROISET, Litt. gr., V,

(3) ID., ibid., V, p. 995.

(4) Dionys., XIV, p. 111.

p. 805.

(5) Anth. Pal., VII, 707, avec le commentaire de DÜBNER. Sosithée, l'un des sept poètes de la Pléiade tragique alexandrine, avait remis en honneur, au siècle avant notre ère, le drame satyrique (CHRIST, Griech. Litt., 6 éd., II, p. 172; SUSEMIHL, I, p. 270).

(6) Cornutus, ch. 30; Malalas, t. II, p. 17 de l'éd. de Bonn; Cedrenus, p. 24. Ces trois textes reproduits dans l'Aglaophamus de LOBECK, p. 1311. Cf. encore le Lexicon de RoSCHER, au mot Skirtos.

(7) Vie des Sophistes, p. 492 du Philostrate de DIDOT: tò dè éßvos ènì ποιητική σφόδρα μαίνοντα.

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