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LETTRES INÉDITES DE M. CHARLES NODIER.

A MONSIEUR DUPUTEL,

PRÉSIDENT DE L'ACADÉMIE DE ROUEN

Paris, 28 mars 35.

Monsieur,

J'attendois avec impatience quelque occasion favorable de me justifier devant vous de mon apparente impolitesse, quand j'ai reçu ce matin votre lettre du 27, à laquelle je m'empresse de répondre. Je compte assez sur votre indulgence pour me réduire à peu de mots.

Quand vous me fites l'honneur de passer chez moi, j'étois malade, et c'étoit ma fille qui lisoit ma trop volumineuse correspondance, et qui étoit chargée de répondre. Je vis avec bien de la douleur votre nom parmi ceux des personnes qui avoient demandé à me parler, et, pour comble de regret, votre lettre étoit égarée.

Je ne doutai pas de la possibilité de m'excuser verbalement auprès de vous quand je vous trouverois chez Techener, où je vous avois rencontré plusieurs fois. Je n'y ai pas manqué un jour, et on s'accorde à me répéter qu'on ne vous y a pas vu de

ce voyage.

Voilà mon petit plaidoyer auquel je vous prie de faire droit. Je passe à vos questions.

Je n'ai vu qu'une fois en ma vie la Sepmaine d'argent, qui est un livre rare, et j'en ai une idée fort vague. Je ne doute pas cependant que l'auteur s'appelât Abel d'Argent, et qu'il ait joué sur son nom dans le titre de son livre, comme Yver dans le

Printemps d'Yver. Abel d'Argent est l'anagramme de Bel art d'ange. Il me semble, si ma mémoire est fidèle, que les pièces encomiastiques qui précèdent le récueil me fournirent quelque autorité à l'appui de cette conjecture.

Je ne connois sous le titre de Honni soit qui mal y pense, qu'un recueil d'historiettes de courtisanes qui est bien connu pour être de Desboulniers, et que Barbier lui attribue avec raison, peut-être sur une de mes notes; mais ce volume est de quarante-cinq ans antérieur au vôtre qui pourroit bien n'en être qu'une réimpression; si celui-ci est autre (1), il est probablement de Marandan lui-même.

Le livret d'Agathocle et Monck n'a jamais été attribué à Philippon-la-Magdeleine, pardonnez-moi cette petite rectification, mais à un M. Philippon, d'Orléans, qui était l'ami de Rippault et de Berthevin, et M. Sautelet ne se seroit, je crois, pas trompé en l'attribuant à tous les trois. Si vous attachez quelque importance à ce renseignement, je l'obtiendrai sans peine de M. Berthevin qui est à Paris.

Je connois la jolie édition du prince de Balzac dont vous me parlez, et les amateurs d'Elzevirs la réunissent depuis quelques temps au Socrate chrétien, pour compléter la collection du Balzac de ces habiles imprimeurs qui n'ont publié ni l'un ni l'autre.

Je vous remercie bien de vos deux jolis et savans écrits que j'ai lus avec un plaisir extrême, et je vous saurai un gré infini de ne me rien laisser ignorer de ce que vous publierez dans ce genre.

Je vous prie de croire, Monsieur, au plaisir que j'aurois de causer plus long-temps avec vous de nos jolies amourettes

(1) Le livre dont il s'agit ici, et qui est réellement autre que celui connu généralement pour être de Desboulmiers, est un recueil de pièces en vers intitulé:

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Honny soit qui mal y pense! Nouveaux contes et autres poésies, par M. V...M... · Paris, Marchand, an XIII, 1805, vol. in-12 de 176 pages, plus 4 feuillets liminaires, y compris titre et faux titre.

livresques, si je n'étois pas accablé par des travaux, qui, depuis trois semaines, ne me laissent qu'à peine le temps de dormir deux ou trois heures, et d'agréer l'assurance de la haute et parfaite considération, avec laquelle je suis,

Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

Charles NODIER,

De l'Académie françoise.

M. MERLIN, LIBRAIRE, QUAI DES AUGUSTINS, A PARIS.

Mon cher maître,

Paris, 23 décembre (1830).

Je vous remercie d'avoir bien voulu me prêter le Passerat qui me sert à un travail actuel, et que je garderai pour nous, nous ne l'avons, ce que ma triste jambe ne m'a pas permis de vérifier, Quant à ma bibliothèque particulière, il est trop court pour recevoir le maroquin que je dois à un si bon livre, et il m'en laisse désirer un autre.

Comme il y a long-temps que je ne vous dois point d'argent, et que cela me recherche un peu, votre vente présente m'a fait venir l'idée de profiter d'un moment où il n'y a pas grande concurrence d'acheteurs (le lendemain d'une révolution et la veille des étrennes), pour convoiter un livre que j'ai toujours passionnément désiré, et que je voudrois enchâsser avant ma mort sur mes trois dernières tablettes, où il serait inter pares. C'est le Virgile de 1676, grand papier, no 1011; et je ne vous dirai pas quel jour il se vend ou s'est vendu, par, l'excellente raison que la petite série où il est compris manque à votre table des vacations. S'il est aussi très bel exemplaire que vous dites, et qu'il ait la taille exigible de six pouces huit à neuf lignes sur une largeur correspondante, et non pas autrement, car la réduction de la taille qu'on vient d'appliquer à la conscription, ne passera jamais pour les Elzevirs, je le pousserois bien jusqu'à 300 fr., moyennant que vous me teniez bon pour vous les devoir trois mois. En tout autre cas, il n'y a rien de dit, vu que je me trouve tout juste assez riche aujourd'hui pour le bon an de mon perruquier. Je vous avouerai que je compte là sur le malheur du moment qui pourroit faire passer ce volume à un prix très bas, et je serois fâché toute ma vie d'avoir manqué cette occasion, s'il est vraiment beau.

N. B. Vous n'oubliez pas qu'il y faut une carte !

Sur ce, mon cher maître, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde, et qu'il vous préserve de coups à la jambe, de

palpitations de cœur et de phlegmasies de la vessie, car Pline dit quelque part qu'il y avoit au moins là une bonne raison de se pendre.

Votre bien sincère et bien dévoué,

Charles NODIER.

P. S. M. Duval arrive ces jours-ci, et nous nous occuperons de votre paiement, pour lequel nous avons cent fois plus de bonne volonté que d'argent. •

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