§ I. CHRONOLOGIE DES GARDES OU TRÉSORIERS DES CHARTES. Pierre Blanchet, maître des requêtes de l'hôtel, et Thierri Gherbode, paraissent avoir rempli provisoirement et simultanément les fonctions de gardes des chartes de la chambre des comptes de Lille, depuis sa fondation jusqu'en 1399. Ils dressèrent ensemble, en 1387, l'inventaire de toutes les chartes qui se trouvaient au château de Rupelmonde. Lors de leur entrée en fonctions, il existait un premier répertoire dressé en 1358 sous maître Sohier de le Beque, prévôt de Harlebeke, chancelier de Flandre. Ce volume forme le tome Ier du grand registre des chartes, dont nous parlerons à l'article de la description du dépôt. En 1386 on ouvrit un autre registre, qui forme le tome II de la même collection.

THIERRI GHERBODE. 1399 1421. Par lettres du 30 novembre 1399, Thierri Gherbode est institué garde des chartes de Flandre, Artois, Réthel, Limbourg, Pays d'Outre-Meuse, etc. 1. L'acte de nomination fixe la résidence de Gherbode à Lille, lui assigne un traitement de 300 francs d'or, et lui confie à l'avance la garde des chartes de Brabant pour l'époque où ce duché sera échu à Philippe-le-Hardi2. Le duc Jean-sans-Peur, à son avénement, donna une nouvelle commission à Thierri Gherbode, sous la date du 9 août 1405, à Audenarde, aux mêmes gages de 300 francs d'or. En 1407, le 30 avril, Thierri est nommé maître de la chambre des comptes sans cesser d'avoir la garde des archives. Dans une ordonnance sur un fait d'armes tenu à Lille, le 2 décembre 1409, il est désigné pour remontrer et deviser au roi d'armes de Flandre les cris et serments qui doivent être faits par les combattants 3. En 1419, le 6 octobre, Thierri Gherbode fut appelé au poste honorable de conseiller du duc de Bourgogne, mais il n'en jouit pas longtemps, puisqu'il mourut le 14 février suivant, comme le prouve

Il résulte du texte de ces lettres qu'avant Thierri Gherbode, il n'y eut point de garde de chartes proprement dit. Il est en réalité le premier titulaire.

2

Suivant un diplôme daté de Tournai, en 1399, Jeanne, duchesse de Brabant, avait appelé à sa succession Marguerite sa nièce, femme du duc; mais ce fut seulement en 1406 que cette donation sortit son plein effet.

3 Voir cette ordonnance dans nos Analectes historiques, p. 133.

son épitaphe, nouvellement publiée par le Messager des sciences historiques de Belgique (année 1842, p. 109). Cette épitaphe, qui peut se lire encore aujourd'hui dans l'église de Wervick, est ainsi conçue :

Hier licht Mher Thierry van Gherbode Raed myns geduchten heere van Bourgoignien, grave van Vlaenderen Die stierf in't jaer Ons Heere Als men schreef м cccc xx den xiv dagh in Lauwe.

Thierri Gherbode avait fondé dans l'église paroissiale de Wervick une chapelle où il est inhumé, ainsi que plusieurs de ses descendants, parmi lesquels il faut compter Hues Gherbode, roi de l'Épinette 1478.

Thierri Gherbode est auteur d'un mémorial commençant en 1402 et finissant en 1414, ainsi intitulé : « Ce sont les chartres, lettres, pappiers, prothocoles, mémoires et autres escriptures que je, Thierry Gherbode, conseiller de monseigneur le duc de Bourgoigne, conte << de Flandres, d'Artois et de Bourgogne, et garde des chartres et << lettres touchant ses pays de Flandres et d'Artois, ay ostez des tréso«<ries de ma garde, et délivrez, tant au commandement de feux monseigneur et madame de Bourgoingne, cui Dieux absoille, comme de << mondit seigneur de Bourgoingne à présent, par mandement exprès « sur ce d'eulx en la manière qui s'ensuit1. » Ce recueil existe aux archives de Belgique : mais nous possédons à Lille le répertoire dressé par Thierri Gherbode, lors de son entrée en fonction. Il est coté 14, et porte le titre suivant : Inventoire et extrait des chartres et lettres qui * sont mises en la trésorerie du chastel de Lille, appartenant à M. le duc de Bourgogne... touchant ses pays de Flandres, et commencié par moy Thierry Gherbode... en l'an mil 1° * et dix-neuf, que de par mondit seigneur j'ai esté ordonné et commis à la garde desdites chartres et lettres.

JEAN DE LA KEYTULLE. 1421-1433. -Les lettres qui confèrent à Jean de la Keytulle, conseiller et maître des requêtes de l'hôtel, les fonctions de garde des chartes, sont datées de Paris, le 28 janvier 1421. prêta serment, le 2 juin 1422, entre les mains de la duchesse de

Voy. Rapport à M. le Ministre de l'Intérieur de la Belgique, par M. Gachard, in-8°, 1841, 397.

Bourgogne, ayant alors, pour l'absence du duc, l'administration de ses États. Les gages assignés à ce nouveau garde des chartes sont de 150 francs de trente-huit gros, monnaie de Flandre chacun, sans préjudice des 400 francs que ledit Jean de le Keytulle touchait comme attaché au service de la duchesse en l'absence du duc 1. Nous voyons par un titre daté de Lille, le 23 juillet 1423, que Jean de la Keytulle reçut ordre d'extraire du trésor des chartes du château de Lille, 1o certains titres donnés à Rouen par Henri V, roi d'Angleterre, le 25 décembre 1420; 2° un traité conclu entre ledit roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne contre le roi de France 2.

GEORGES D'OOSTENDE. 1433-1449. On trouve au registre des chartes de Flandre, no 10, fol. 33, la commission de garde des chartes donnée à maître Georges d'Oostende, secrétaire du duc, par les commis et ordonnés en son absence au gouvernement de ses pays. Ces lettres sont datées de Gand, le 26 août 1433. On lit au bas la mention du serment prêté par ledit Georges à Lille, devant la chambre des comptes, le 8 septembre de la même année. L'ordonnance de nomination ne désigne pas d'une manière positive le montant de ses appointements. Elle dit : « aux gaiges, drois, proufiz et émoluments ordi<«< naires accoutumez et qui y appartiennent d'ancienneté. »

Il est à remarquer qu'à cette époque le garde des chartes de Flandre n'avait pas seulement la direction du dépôt de Lille, mais bien aussi celle du dépôt de Rupelmonde, comme on le voit dans les lettres d'institution de Georges d'Oostende. Le 26 mai 1448, le duc de Bourgogne lui mande de délivrer à Adrien Van der Ec, garde des chartes du Brabant, quatre lettres concernant le duché de Luxembourg. Georges d'Oostende mourut en cette même année 1448.

ROLAND PIPPE. 1449-1462.- Roland Pippe ou Pype fut institué garde, gouverneur et visiteur des titres et chartes de Flandre, par lettres du 12 février 1448-49. On le qualifie, dans ces lettres, secré

I

Registre des chartes de Flandre, no 7, fol. 176 v°.

* Il s'agit sans doute du fameux traité de ligue conclu à Rouen le 25 décembre 1419, pour tirer vengeance du meurtre de Jean-sans-Peur. Ce traité, publié d'abord par Rymer, se retrouve dans le Corps diplomatique du droit des gens, de Dumont, II, 2e partie, 141.

taire et garde des joyaux du comte de Charolais'. Il prêta serment le 15 du même mois de février, entre les mains du seigneur d'Anthume, chancelier 2. Roland Pippe a dressé un petit inventaire signalé par M. Gachard, archiviste général du royaume de Belgique, et conservé dans la trésorerie des chartes du Hainaut, à Mons. Cet inventaire porte le titre suivant : « Registre en abrégié fait par maistre Rolland Pype, <«< secrétaire de monseigneur le duc de Bourgoingne et trésorier de ses « chartes de Flandres, tant des lettres qui luy ont esté baillées pour << mettre ès trésoreries de mondit seigneur, ordonnées pour le fait de << ses chartes, assavoir en ses forteresses de Lille et Ruplemonde, << comme de celles qui, par l'ordonnance et commandement de mondit seigneur, en ont esté hostiés, depuis que par mondit seigneur icelui << maistre Rolland a esté commis à la garde desdites chartes..... » Les gages affectés à Roland Pippe sont, aux termes des lettres d'institution, les mêmes que pour ses prédécesseurs 3.

En 1456 et 1457, Pippe était aussi conseiller et receveur général de toutes les finances de M. le comte de Charolais, comme il appert de l'un des comptes qu'il a rendus en cette qualité, et que nous conservons sous la cote F 1

151.

3 En tête de l'inventaire coté I 4, rédigé par Thierry Gherbode en 1399, on lit la mention suivante : « Le mardi 1111o de mars an XLVIII, par l'ordonnance de monseigneur «<et par ses lettres closes escriptes en sa ville de Brouxelles, le jour de

་

oudit an,

par lesquelles il mande à maistre Jehan Hibert et Jehan le Doulz, maistre de ses comptes

* à Lille, recoler selon les reppertoires de ses chartres tant de Lille comme de Rupple

* monde, tautes les lettres, chartres, enseignements et autres choses quelconques estant

"

esdist lieux. Et par autres lettres mondit seigneur mande à messieurs de ses comptes à Lille que, ou cas que ledit maistre Jehan Hibert n'y porra entendre, que avec ledit << maistre Jehan le Doulz ilz y commettent aucun de la chambre; et pour ce, attendu "l'occupation et empeschement dudit maistre Jehan Hibert, mesdits seigneurs y ont " commis Jehan de Meaulx, clerc de ladite chambre des comptes. En ensuivant laquele

" charge, ledit mardi a esté encommenchié par les dessusdits, présens maistre Rolland Pipe,

auquel mondit seigneur, après le trespas de feu maistre Georges d'Ostende, a donné

« l'office de garde desdistes chartres estant oudit Lille, par vertu des inventoirs et déli

"

« vrance que lui ont fait lesdits commis. Et toutes les lettres qui trouvéez y ont esté selon

⚫ lesdits reppertoires sont en iceulx marqués en teste d'une † en telle fachon, et celles

"

« qui y deffaillent sont escriptes sur la partie desdits répertoires; elle n'y est point trouvée.

T. II.

Ire PARTIE.

g

à Roland Pippe décédé. Les lettres patentes qui l'instituent sont du 29 mai 1462. Nous donnerons dans les pièces justificatives une note curieuse concernant sa sortie d'exercice.

Barthélemi TrotIN. 1467-1485. — D'abord secrétaire du duc de Charolais, puis trésorier des guerres, conseiller et receveur général de toutes les finances du duc de Bourgogne, Barthélemi Trotin fut nommé, le 12 août 1467, trésorier et garde des chartes de Flandre. Ses gages étaient de 120 livres de 40 gros. En 1477, il fut compromis dans la fameuse affaire de Hugonet et d'Imbercourt 1. Barthélemi Trotin figure pour la première fois comme garde des chartes, au compte de la recette générale de l'an 1467, folio 93, recto. Il mourut avant le mois d'août 1488 2, laissant une fille et un fils. Ce dernier, nommé Édouard Trotin, fut curé de la ville d'Audenarde 3.

GÉRARD NUMAN. 1485-1500. Le 10 juillet 1485, l'archiduc Maximilien nomma Gérard Numan garde des chartes du pays et comté de Flandre. Numan était dès lors premier secrétaire et audiencier de l'archiduc; il prêta serment le 16 du même mois. Il est à remarquer que son prédécesseur n'est pas mentionné dans les lettres patentes, qui se bornent à dire : « Déportant et deschargeant dudit office tout autre <«< non ayant sur ce noz lettres patentes depuis nostre réception en ces<< tui nostre pays 4. »

JEAN BOELE. 1501 - 1502. -- Jean Boele figure, dans le compte de la recette générale de Flandre pour 1501, folio 139 verso, comme garde de la trésorerie des lettres et chartes de Flandre. Ses gages sont de 240 livres parisis par an. Nous le retrouvons encore, en la même qualité, au compte de 1502, folio 129 verso. Nos archives ne possédant pas les comptes antérieurs depuis 1496, ni les suivants jusqu'en 1511 5, nous n'avons pu nous en aider pour établir la durée de la gestion de Jean Boele.

I

2

Voy. Bulletin de l'Académie royale de Bruxelles, 1839, no 8, p. 228.

2 Voy. la Flandre illustrée par l'institution de la chambre des comptes, par Jean De Seur, in-8°; Lille, 1713, 74-75.

3 Correspondance de l'empereur Maximilien et de Marguerite d'Autriche, 1, 346.

Registre des chartes coté 16, fol. 60.

5 Dans cette catégorie, bien entendu.