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n'est pas permis au juge de s'arrêter sous prétexte de l'insuffisance ou de l'obscurité de la loi écrite.

Il est une matière, entre autres, dont l'examen montrera combien notre loi criminelle, pour être parfaite, a besoin du secours de la jurisprudence : c'est celle des mises en accusation. Le Code dit bien à quelles conditions il peut y avoir renvoi aux assises et quelles formes doivent alors être observées (art. 231, 245, 251 et suiv.); mais quand il s'agit de déterminer l'autorité et les effets de l'arrêt de renvoi sur les moyens et exceptions qu'a pu ou que pourra présenter l'accusé, il se borne à émettre quelques dispositions qui, loin d'être claires et complètes, ne sont pas mêmes exactes et laissent indécises des questions importantes, la plupart usuelles. Ainsi, après avoir dit que l'accusé sera transféré, interrogé, interpellé de choisir un défenseur, et averti qu'il a cinq jours seulement pour demander la nullité de l'arrêt de renvoi (art. 291-296), le Code limite à trois les nullités proposables, tandis qu'il y en a nécessairement d'autres, et il comprend parmi celles qui ne pourraient plus tard être proposées une nullité qui est permanente puisqu'elle dérive du défaut de loi pénale applicable. Puis il s'abstient de dire quand et comment peuvent être proposés les moyens d'incompétence qui s'attaquent, soit à l'instruction seule, soit à l'instruction et au renvoi en cour d'assises. Et si l'on se reporte aux deux chapitres qui traitent des nullités en général et des demandes en cassation, on n'y trouve guère que deux dispositions également imparfaites, l'une à l'art. 408, qui ne parle que des nullités postérieures à l'arrêt de renvoi et des cas d'incompétence sans explication, l'autre à l'art. 416, qui dit simplement que les arrêts préparatoires et d'instruction, autres que ceux rendus sur la compétence, ne peuvent être attaqués qu'après l'arrêt définitif. Que conclure de là? C'est ce que nous allons examiner, avec les lumières de la jurisprudence.

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Des vices de procédure, plus ou moins graves, peuvent se trouver dans l'instruction préparatoire; par exemple: si l'on a fait prêter serment à l'accusé (loi du 8 octobre-3 novembre 1789; Cass. 12 mess. an x1); si des experts ou des témoins ont procédé ou déposé sans avoir prêté le serment voulu (C. instr. cr., art. 44 et 75); si quelque signature essentielle manque sur un acte du juge d'instruction ou sur l'ordonnance de prise de corps (art. 76 et suiv.); si le réquisitoire, en matière de délit de presse, n'a pas articulé et qualifié les faits (1. 26 mai 1819, art 6). A cette première classe d'irrégularités, il est vrai, sapplique surtout l'exposé des motifs, du Code où il a été dit que la législation nouvelle avait voulu faire disparaître une foule de nullités peu importantes et plus propres à entraver les affaires que les dispositions auxquelles elles se rattachaient n'étaient propres à éclairer la justice et à assurer la bonté de ses arrêts, Cependant, il est telle contravention à la loi qui peut constituer un vice radical, en dehors des trois cas prévus par l'art. 299. Quand et comment la nullité pourra-t-elle être relevée ?

Incontestablement, le prévenu, dans le mémoire qu'il est autorisé par l'art. 217 à produire devant la chambre d'accusation, a le droit de signaler tout vice de procédure qui lui paraît comporter une annulation ou un redressement, puisque la mission de cette chambre est d'examiner les pièces du procès et de statuer sur toutes les questions soulevées (art. 222, 225 et 408), puisqu'elle peut annuler l'instruction et la recommencer ou la régulariser (228 et 235). Mais ce droit est à peu près illusoire, les pièces qui renferment ou révèlent les vices de cette procédure n'étant communiquées qu'après l'arrêt de renvoi, qui dessaisit la chambre d'accusation.

L'accusé pourrait-il proposer la nullité devant la cour d'assises? La négative est certaine; mais pourquoi ? C'est que, pour que la nullité fût proposable, il faudrait que la cour d'assises pût l'accueillir; et si cette cour le pouvait, elle devrait annuler la procédure à partir du premier acte nul, par conséquent se dessaisir du jugement de l'affaire : or, elle ne peut se dessaisir, parce que l'arrêt qui a renvoyé devant elle le prévenu mis en accusation est attributif, suivant le principe qui sera bientôt établi. C'est ce qu'ont jugé plusieurs arrêts de la Cour de cassation, aux dates des 11 avril 1817, 30 janv. 1818, 27 juillet 1820 et 11 août 1831 (Mangin, de l'Instr. écrite, t. II, p. 283 et 284). De là cette règle, dont le germe seul est dans l'art. 408 et qui a été posée par la jurisprudence, que l'arrêt de renvoi, lorsqu'il a acquis autorité de chose jugée, couvre toutes les nullités de procédure qui peuvent se trouver dans l'instruction antérieure, ainsi que celles qui seraient inhérentes à l'arrêt même : Voir notamment les arrêts de rejet des 12 juin 1828, 19 janvier 1833, 8 nov. 1834, 17 sept. 1840, 4 juin 1841 et 23 déc. 1847 (J. cr., art. 1095, 1497,-2851, 3042 et 4221).

Puisque l'arrêt de renvoi contient ainsi jugement sur la régularité de la procédure, il doit être permis à l'accusé de l'attaquer pour cause de nullité réelle, de même qu'il pourrait se pourvoir contre l'arrêt séparé qui aurait repoussé le moyen de nullité proposé. Mais dans quels cas et à quel moment? On ne peut admettre, ni l'opinion de M. Carnot (sur l'art. 408, no 10), qui limite les causes de nullité aux vices se trouvant dans l'arrêt même, ni celle de M. Legraverend (Législ. cr., t. 2, p. 426), suivant laquelle l'accusé, après condamnation, pourrait se pourvoir contre l'arrêt qui aurait statué sur les nullités antérieures à l'arrêt de renvoi. Il faut décider que l'art. 299, qui veut un pourvoi dans les cinq jours de l'avertissement, pour les nullités qu'il indique, n'exclut pas le pourvoi dans les délais ordinaires (trois jours francs, à dater de la connaissance légalement donnée) pour les autres nullités proposables; que l'accusé peut alors attaquer l'arrêt de renvoi ou l'arrêt séparé qui a statué sur la nullité proposée, parce que les articles combinés 408 et 416 le permettent à ce moment et ne le permettraient pas plus tard. C'est encore là une règle de jurisprudence, qui a été virtuellement consacrée par de nombreux arrêts; on la trouve plus clairement dans un arrêt tout récent qui a jugé recevable un pourvoi

formé par l'accusé pour refus de communication de pièces, atteinte aux droits de la défense et autres moyens pris en dehors de l'art. 299 (rej., 10 décembre 1847; J. cr., art. 4213).

Un vice plus grave, celui d'incompétence, pourrait se trouver dans l'instruction préparatoire. Il peut y avoir incompétence territoriale, soit à raison de ce que le crime a été commis à l'étranger, soit parce qu'il l'a été hors de l'arrondissement du juge d'instruction, par un individu qui n'y résidait point et n'y a point été arrêté. Il peut y avoir incompétence à raison de la matière ou de la personne, parce qu'il s'agit d'un crime commis par un militaire présent à son corps, ou par un pair de France, ou par un juge ou officier de police judiciaire, tous ayant droit à une instruction spéciale par des juges extraordinaires. Il peut encore y avoir incompétence absolue, si le magistrat qui a fait l'instruction était devenu sans pouvoirs par une cause occasionnelle. Quand et comment doit être proposée l'exception d'incompétence?

Le juge d'instruction doit d'office déclarer l'incompétence territoriale, dès qu'il la reconnaît avant d'avoir fait des actes dont l'annulation excède ses pouvoirs (C. instr. cr., 69). A plus forte raison, peut-il être saisi d'un déclinatoire; et si l'art. 70 lui interdit de se dessaisir d'office après qu'il a procédé dans la supposition qu'il était compétent, l'art. 539 confère au prévenu le droit de provoquer par son exception d'incompétence une décision du magistrat instructeur, qu'il pourra frapper d'opposition devant la chambre d'accusation, et dont la confirmation lui ouvrirait la voie de la demande en nullité : c'est ce qu'a reconnu un arrêt de règlement de juges, du 29 février 1828. Quant à l'incompétence qui résulte de la matière ou de la qualité du prévenu, il ne paraît pas qu'elle puisse être déclarée d'office par le juge d'instruction, ni même proposée devant lui, parce que l'art. 69 ne s'y applique pas, à raison des pleins pouvoirs de ce magistrat, et que l'art. 539 suppose un déclinatoire présenté devant une juridiction pouvant l'accueillir (Mangin, de l'Instr. écr., t. 2, no 224).

L'exception d'incompétence, quelle qu'en soit la cause, peut être proposée devant la chambre du conseil, qui, quoique ne pouvant être saisie par voie d'opposition à une décision du magistrat instructeur, a les pouvoirs nécessaires pour prononcer incidemment sur l'instruction soumise à son examen. Et elle peut surtout l'être devant la chambre d'accusation, qui a tous pouvoirs pour valider ou annuler l'instruction sur laquelle doit avoir lieu le renvoi aux assises, qui même a mission de régler la compétence pour l'instruction et le jugement. Ces deux solutions ont été nettement consacrées par un arrêt de cassation du 5 mai 1832, dans l'espèce d'un déclinatoire qui ne reposait que sur la qualité de juge suppléant d'un des accusés. Il en résulte que l'exception, proposée et repoussée, peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la chambre d'accusation, qu'elle ne peut conséquemment être présentée devant la cour d'assises en tant qu'elle porterait sur les actes de l'instruction préalable.

Mais qu'arrive-t-il s'il n'y a pas eu pourvoi avant la condamnation? L'incompétence est-elle couverte et le condamné déchu du droit de la relever? M. Carnot (sur l'art. 408), M. Legraverend (t. 2, p. 427) et M. Merlin (Quest., vo Incompétence, no 5), ont essayé des distinctions suivant lesquelles telle incompétence serait purement relative et pourrait se couvrir par l'acquiescement, telle autre serait absolue et pourrait être proposée, même après la condamnation, de manière à faire annuler toute l'instruction et ses suites. Ces distinctions sont arbitraires; car, dans les matières criminelles, toute incompétence est absolue et peut toujours être signalée ou déclarée, nonobstant tout acquiescement: c'est ce qu'a reconnu la loi du 29 avril 1806, pour les matières correctionnelles; c'est ce qui résulte du texte même des art. 408 et 416, qui ne distinguent nullement d'après leur cause les incompétences pour lesquelles est ouverte la voie du recours en cassation; et tous les arrêts rendus à cet égard, sauf deux (rej., 3 mai 1811 et 16 février 1830) ont admis que l'incompétence était un vice permanent (cass. 7 octobre 1809, 25 janvier 1810, 12 mars et 30 avril 1812, 13 mai et 3 novembre 1826, 15 octobre 1829, 5 mai 1832 et 7 février 1834). Le recours pour incompétence, dans les matières de grand criminel, semblerait donc admissible, même après condamnation, comme dans les matières correctionnelles ou de police; aucune disposition contraire n'a même été formulée dans l'art. 408, qui, après avoir pris pour point de départ, quand il s'agit des vices de forme, la procédure intermédiaire qui commence immédiatement après l'arrêt de renvoi, ne reproduit pas la restriction pour « les cas d'incompétence », qu'il paraît même embrasser tous sans distinction d'époque ou d'origine. Cependant, une jurisprudence contraire a prévalu, à raison de ce qu'il y a toujours, pour les affaires de grand criminel, un arrêt de renvoi qui agit sur l'instruction préalable et sur les pouvoirs de la cour d'assises, qui conséquemment doit produire certains effets quand il n'a point été attaqué dans les délais impartis par la loi suivant cette jurisprudence, il faut appliquer à toute incompétence viciant seulement l'instruction préalable, ce qui vient d'être exposé relativement aux vices de procédure, sans distinction aucune entre ces deux causes de nullité (rej. 31 octobre 1817, 27 juillet 1820, 20 novembre 1828, 23 décembre 1847; J. cr., art. 4221).

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Pour justifier une telle règle, qui s'éloigne tant de celle qu'ont reconnue la loi et la jurisprudence elle-même pour les matières correctionnelles et de simple police, il ne suffit pas d'invoquer le silence de l'accusé ou la tardivité de l'exception d'incompétence, comme l'a fait notamment un arrêt du 24 déc. 1840 (J. cr., art. 2864), puisque l'acquiescement le plus formel serait lui-même inopérant. Il faut dire que l'arrêt de renvoi, en jugeant l'instruction régulière, n'a pas seulement couvert les vices qui pouvaient s'y trouver; qu'il a émis relativement à la compétence des magistrats instructeurs une décision, au moins virtuelle, constituant jugement sur la compétence, laquelle rentre dans les prévisions de l'art. 416 qui ouvre le recours en cassation sans exiger que

l'accusé eût proposé un déclinatoire, laquelle conséquemment acquiert autorité de chose jugée sur la compétence même, qui ne peut plus dès lors être remise en question par aucun moyen. C'est effectivement le motif qu'on trouve dans les arrêts des 27 juillet 1820 et 20 novembre 1828; et c'est celui que donne M. Mangin (de l'Instr. écr., t. 2, nos 222 et 233).

L'incompétence qui existait dans l'instruction peut continuer pour la cour d'assises, par exemple, si elle est territoriale ou si elle tient à une qualité appelant des juges d'exception. Quelle est l'autorité de l'arrêt de renvoi sur cette incompétence nouvelle? Suivant une dissertation de M. Merlin (Quest., vo Incompétence, § 1er), répudiant son opinion première, les arrêts de renvoi ne seraient que des jugements d'instruction et n'auraient autorité de chose jugée sur aucune question de compétence, même pour un crime ou délit commis en France par un simple citoyen, n'empêcheraient conséquemment point l'accusé de décliner la compétence de la cour d'assises et de proposer l'incompétence comme ouverture à cassation après le jugement. Mais cette doctrine absolue trouve sa réfutation dans les art. 251, 272 et 365, suivant lesquels la cour d'assises saisie par renvoi doit juger l'accusé, quel qu'il soit, et le fait de l'accusation, qu'il soit crime ou délit : c'est ce qu'a démontré M. Mangin, n'admettant d'exception que pour le cas où il s'agirait d'un crime justiciable de la Cour des pairs, parce que cela touche à l'organisation politique de l'État, et pour celui où il ne s'agirait que d'un délit d'après l'arrêt de renvoi lui-même, parce que l'arrêt porterait en lui sa condamnation (de l'Instruction écrite, p. 257-263). Aussi la jurisprudence de la Cour de cassation, malgré la dissidence manifestée par plusieurs cours d'assises, a-t-elle érigé en règle formelle que les arrêts de renvoi, comme réglant la compétence, sont attributifs de juridiction, à la différence de ceux qui saisissent le juge correctionnel; qu'ainsi, une cour d'assises ne peut se dessaisir par le motif que le fait serait de la compétence d'une cour spéciale ou d'un tribunal maritime (cass. 23 janvier, 12 février, 11 mars et 23 avril 1813, 26 janvier et 2 février 1815); ou que l'accusé serait militaire et justiciable d'un conseil de guerre (cass., 19 juill. 1816 et 5 avril 1832); ou que le fait ne serait qu'un délit d'après la loi (cass., 28 mars 1816 et 13 juillet 1820); ou que la cour d'assises n'est pas celle du lieu du délit, de la résidence ou de l'arrestation (arr., 22 janvier 1819, 19 octobre 1820 et 4 décembre 1823); ou que l'accusé, âgé de moins de seize ans et n'ayant pas de complices, aurait dû être renvoyé devant un tribunal correctionnel (arr., 14 septembre 1827, 17 janvier 1828, 5 juillet 1832; J. cr., art. 907). Toutefois, il a été jugé que la cour d'assises doit se déclarer incompétente, si le fait n'est qu'un délit d'après la qualification même de l'arrêt de renvoi (arr., 10 août 1821). Il a été préjugé que la cour d'assises devrait aussi se dessaisir, si le crime n'était pas justiciable des tribunaux français ou si l'accusé était un juge ou un officier de police judiciaire ayant droit à une juridiction spéciale

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